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Appartient au dossier : La Chine, sur la voie de la puissance

Déchets exportés en Chine : retour à l’envoyeur

À partir des années quatre-vingt, la Chine importe plus de 40 % des déchets plastiques mondiaux, que d’autres pays, principalement occidentaux, ne parviennent pas à traiter. Jusqu’à ce que, en 2017, la Chine annonce l’interdiction progressive de ces importations, provoquant une crise de la gestion des déchets à l’échelle mondiale.

Comment la Chine est devenue la « poubelle du monde »

La croissance de l’économie chinoise a suscité un appétit croissant pour les déchets recyclables, fournissant une matière première à faible coût. Une opportunité pour les pays occidentaux, gros producteurs de déchets plastiques, de se débarrasser de leurs déchets sans plus avoir à y penser. Ainsi, à partir des années quatre-vingt, les États-Unis, l’Europe et le Japon ont renvoyé en Chine près de 45 % de leurs déchets plastiques, pour atteindre 15 millions de tonnes en 2010.

Dans le même temps, la croissance du marché chinois a fait exploser la production interne de déchets, et des préoccupations environnementales se sont fait jour en Chine. Les déchets expédiés n’étaient pas tous recyclables et leur traitement constituait une activité très polluante que la Chine a décidé de ne plus prendre en charge.

Photo de conteneurs remplis de déchets
K. Mirza/S. Olson, Library of Environmental Images, Office of Research and Development (ORD), September 1996 – Municipal Solid Waste – Redemption center, Public domain

Changement de paradigme

En 2017, la Chine annonce sa volonté de réduire les importations de déchets, à commencer par le plastique, jusqu’à l’interdiction totale d’importation de déchets solides et de métaux sur son territoire en 2021. Baptisée « Épée nationale », cette opération a imposé une restriction sans précédent aux pays exportateurs.

Prenant conscience de cette dépendance et incapables de traiter eux-mêmes ces quantités de déchets exponentielles, les puissances occidentales se sont alors tournées vers d’autres pays d’Asie du Sud-Est. Au premier rang desquels la Malaisie, la Thaïlande, et l’Indonésie, qui ne disposaient pas des mêmes capacités de traitement que la Chine. Entre 2016 et 2018, la Malaisie, où s’étaient délocalisées certaines usines de recyclage chinoises, voit ses importations de déchets plastiques multipliées par trois.

Si les activités de recyclage ont d’abord explosé dans ces pays, ils ont pris à leur tour des mesures pour freiner les importations, après quelques hésitations et retours en arrière. À partir de 2019, la Malaisie, la Thaïlande et l’Indonésie commencent à fermer des usines de traitement et de stockage de déchets et à renvoyer aux pays expéditeurs des cargaisons illégales ou affichées comme recyclables alors que ne l’étant pas. Ainsi, en 2020, la Malaisie a renvoyé 4 000 tonnes de déchets plastiques illégaux vers leurs pays d’origine, dont 43 conteneurs français.

Les exportateurs de déchets forcés à s’adapter

Alors que la production mondiale de déchets risque d’atteindre une augmentation de 70 % d’ici 2050, selon un rapport de la Banque mondiale de 2018, les restrictions de la Chine ont eu des conséquences à court terme sur les pays exportateurs. Ainsi, le Japon n’a pu envoyer que 10 000 tonnes de déchets plastiques en 2018 sur les 750 000 tonnes envoyées chaque année jusque là, ce qui a eu pour conséquence une forte hausse des frais de traitement internes des déchets.

Tous les pays occidentaux sont invités à mettre en place rapidement des politiques de gestion plus responsables de leurs déchets, en développant des politiques de recyclage nationales et en favorisant la conception de produits plastiques recyclés et recyclables.

L’Australie a par exemple fait évoluer sa politique intérieure, en interdisant progressivement l’export de certains types de déchets à partir de 2020 (d’abord le verre puis le plastique, le papier et le carton). Aux États-Unis, de nombreuses usines de recyclage qui avaient fermé ont réouvert.

Les mesures prises par la Chine ont ainsi attiré l’attention sur la nécessité de prendre des mesures à court terme, mais il est encore trop tôt pour dire si cela aura une réelle influence sur la façon de repenser en profondeur nos modes de consommation.

Publié le 08/11/2021 - CC BY-NC-SA 4.0

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