Questions/Réponses

Appartient au dossier : Documentaire : une histoire chilienne

Avez-vous des documents sur les événements sociaux récents au Chili ?

Un utilisateur d’Eurêkoi, service de réponses et recommandations à distance assuré par des bibliothécaires, souhaiterait en savoir plus sur les mouvements sociaux qui agitent le Chili depuis octobre 2019. Les bibliothécaires de la Bpi, bibliothèque publique d’information à Paris, lui répondent.

homme brandissant un drapeau dans un manifestation de nuit
Photo par Cristian Castillo, on Unsplash [CC0]

Depuis octobre 2019, une révolte populaire inédite remet en cause les fondements du modèle néolibéral instauré dès la dictature d’Augusto Pinochet (1973-1990). « Chile despertó ! » (« Le Chili s’est réveillé »), tel est le mot d’ordre.
En cause, dans un premier temps, les fortes inégalités sociales qui se trouvent à la base du modèle et, dans un second temps, les violations des droits de l’homme commises par les forces de l’ordre lors de la révolte, dénoncées dans cet article de l’ONU.

Contexte économique et éléments historiques

Tout d’abord, pour mieux comprendre les événements sociaux récents au Chili, il est important de rappeler quelques traits saillants du contexte économique et historique du Chili, sources de tensions et d’injustice.

Cet article de l’Encyclopédie Universalis sur le Chili propose une chronologie de l’histoire chilienne contemporaine.

Une libéralisation de l’économie chilienne entretenue par les économistes de Chicago

Le surnom de « Chicago Boys » désigne un groupe d’économistes chiliens des années soixante-dix, formés à l’Université de Chicago et influencés par Milton Friedman et Arnold Harberger. Ils travaillaient pour la dictature militaire chilienne dirigée par le général Augusto Pinochet (1974-1990). À la fin de celle-ci, le groupe reste actif.

Les « Chicago Boys » refusent toute intervention de l’État au sein de la vie économique du pays. Pour eux, l’organisation des services de santé, éducation, retraites doit être régie par une logique de marché.
Ils prônent la libéralisation quasi complète de l’économie, dont de larges pans des secteurs de la santé, de l’éducation et des retraites.
Ce contexte économique accentue ainsi les inégalités sociales tout en attirant toujours plus de capitaux étrangers.

Rupture politique et rejet d’un régime liberticide hérité de Pinochet

« Le printemps chilien ou cette chair coût de l’espérance », par Raúl Morales La Mura et Piero-D. Galloro, Violence(s) : Pensée plurielle, 2019/2 (n° 50), p. 139-151.
Cet article de la revue Pensée plurielle cherche à comprendre les mécanismes sociaux qui ont conduit aux événements de 2019. Il est consultable sur la base Cairn, gratuitement à la Bpi.

« Les derniers mois de 2019 ont vu l’émergence d’une forte mobilisation sociale au Chili, celle-ci ayant pour particularité la volonté explicite de participer à l’écriture d’une nouvelle société. Cette contestation, menée essentiellement par la société civile, est la cristallisation de 30 ans de combats contre le modèle économique, social et institutionnel légué par la dictature militaire et seulement amendé par la société politique.
Aussi, lors des manifestations, la violence physique mettra en évidence la violence symbolique du système dominant, soit par ceux des manifestants qui désormais la refusent, soit par ceux dont le ministère est de la préserver… »

À visionner, une courte intervention de l’historien Pascal Blanchard pour Arte.

Depuis 2019 : une prise de conscience généralisée des inégalités sociales

« Manifestations au Chili : « La quête vers la dignité » », par Alicia Gonçalves, Le Journal International, 6 juillet 2020.
Témoignage d’Antonia Zegers, jeune chilienne de 18 ans. Malgré son jeune âge, elle a vécu un moment historique pour son pays : les plus grandes manifestations du siècle. La population entière se retrouve dans les rues pour revendiquer de meilleures conditions de vie.

« Au début ce n’était que les étudiants. Les personnes âgées les regardaient bizarrement. Certains n’étaient même pas d’accord avec leurs protestations. Mais ils ont vite rejoint ce mouvement. Actuellement, on est en quarantaine depuis mars. On ne peut plus sortir, et le mouvement a été un peu laissé de côté. Mais ils vont revenir. Maintenant, le plus gros problème, c’est la faim. Il y a des gens qui n’ont plus d’argent pour s’acheter à manger. Il y a des poêles communes, mais ce n’est pas suffisant (…). »

« Chile Desperto : Quand un peuple revendique son droit à vivre en paix » est un reportage sonore, un récit mêlant les voix d’une trentaine de personnes rencontrées dans un Chili en pleine transformation

« Le 18 octobre 2019 surgit « l’estallido », l’explosion, comme le nomment d’abord les Chiliennes et les Chiliens. Mais cette révolte s’est mue en quelques mois en un phénomène qui, pour beaucoup, ressemble déjà à une Révolution. (…) C’est précisément ce virage culturel et citoyen que ce documentaire tente d’explorer à travers six épisodes, dans une perspective à la fois chronologique et thématique… »

Une crise multidimensionnelle

Une crise économique

Dans la vie quotidienne, de multiples événements révèlent un modèle économique inégalitaire, ferment de la crise.

« Le soulèvement au Chili est le produit de quarante ans d’orthodoxie néolibérale » , par Aude Lasjaunias, Le Monde, 22 octobre 2019.
Les événements sociaux récents au Chili sont révélateurs d’un passé non totalement oublié.
Pour l’historien Olivier Compagnon, la colère trouve ses racines dans le décalage entre une croissance économique forte et des inégalités sociales criantes.

Une crise politique 

 « Franck Gaudichaud : regardons le Chili pour comprendre dans quel monde on veut nous faire vivre », par Jérôme Duval, rapportsdeforces.fr, 11 mars 2020.

« L’insurrection chilienne a commencé en octobre 2019 et s’est répandue comme une traînée de poudre au sein du mouvement étudiant suite à la décision du gouvernement de Piñera d’augmenter le prix du ticket de métro.
La répression contre la jeunesse a fini par rassembler la société tout entière contre le système néolibéral hérité de la dictature de Pinochet dans son ensemble. »

De l’austérité généralisée à la crise sociale

« Au Chili, la crise sanitaire réactive la crise sociale qui a explosé en octobre dernier », par Olga Barry, Nouveaux Espaces Latinos [en ligne], le 26 mai 2020.

« En pleine crise sanitaire à Santiago du Chili, la contestation sociale qui s’était enflammée pendant des mois depuis octobre dernier, avant d’être paralysée par la pandémie, a éclaté dans certains quartiers populaires. La pandémie dévoile les plaies profondes des divisions de la société chilienne. »

,« Chili : vers l’effondrement du système hérité de Pinochet ? », par Jim Delémont, Le vent se lève, 9 novembre 2020.
Le Vent se Lève est un média d’opinion indépendant. Dans cet article, il propose un retour sur ce mouvement de manifestations, d’ampleur historique, qui plonge ses racines dans les quatre dernières décennies – et sur les alternatives qui s’offrent à lui.

« Les Chiliens ne touchent pas le quart de leur cotisation, les contraignant à l’emprunt ou au travail. De quoi alimenter la colère, des jeunes aux plus âgés, alors que les parlementaires touchent 18 000 € mensuels, 30 fois le salaire moyen.
Cet état de siège social alimente une crise sanitaire alarmante. L’austérité mine le service public hospitalier. Bon nombre d’établissements n’ont pas entièrement perçu le budget 2019, et ne sont plus en mesure de rémunérer les soignants ou d’assurer les soins. »

La crise, nourrie par les inégalités sociales persistantes, engendre des revendications tant pour une augmentation des pensions de retraite et du pouvoir d’achat que pour un meilleur accès à la santé et à l’éducation.

le collectif France Amérique Latine publie une revue de presse, régulièrement actualisée, pour mieux comprendre la situation et suivre les événements. L’action de France Amérique Latine s’inscrit dans le cadre des revendications du mouvement altermondialiste et des mouvements sociaux internationaux.

« Le Chili vit actuellement un soulèvement insurrectionnel d’une ampleur inédite. Contestant d’abord l’augmentation du prix du ticket de métro, la révolte remet désormais en cause tout le système d’un pays qui, depuis la dictature de Pinochet, est un laboratoire du néo-libéralisme et où les inégalités sont parmi les plus fortes au monde. Malgré une répression très violente et la militarisation des grandes villes, la mobilisation ne faiblit pas. »

Des policiers chiliens devant des graffitis
Paulo Slachevsky (CC BY-NC-SA) sur le site de l’Université Grenoble Alpes (https://onestensemble.univ-grenoble-alpes.fr)

Gestion de la crise chilienne

Militarisation et couvre-feu

« Au Chili, la gestion de la crise par le pouvoir nourrit la révolte populaire », par Sebastián Pérez Sepúlveda, The Conversation, le 9 avril 2020.
Sebastián Pérez Sepúlveda est chercheur postdoctoral en sociologie à l’IRISSO (Institut de Recherche Interdisciplinaire en Sciences Sociales, Université Paris Dauphine – PSL.

Témoignage de la violence militaire

Face à la répression militaire, de nombreux poètes chiliens (Javier Alvarado, Daniela Catrileo, Felipe Cussen, Tamym Maulén…) laissent exploser leur sentiment de révolte par le biais des mots. Au travers de leurs poèmes, ils livrent un témoignage poignant de la violence sociale et militaire dans le pays.

« Les jeunes poètes et la crise sociale chilienne », par Laëtitia Bousard et Benoît Santini, Nouveaux Espaces latinos, n°302, janvier-mars 2020, p.35-36 
Présentation de la revue sur le site espaces-latinos.org

« Une des très rares publications en français sur les sociétés et cultures de l’Amérique latine dans leur pluralité.
La revue trimestrielle a pour objectif la médiatisation des sociétés et cultures de l’Amérique latine auprès des francophones. Elle est animée par une équipe de spécialistes provenant d’horizons divers. Elle est complétée par la publication d’une newsletter qui permet de suivre au jour le jour l’actualité latino-américaine. »

Extraits de poèmes

(…)
Je veux écrire mais nous sommes
blessés
Je veux écrire mais j’ai mal à mon
territoire
Je veux écrire mais j’ai des pierres
dans les mains
Je veux écrire mais il me vient du
sang

Sans titre, de Daniela Catrileo (Chili-1987) 

(…)
Je chante avec les enfants qui sont
libres de toute méchanceté,
Je chante pour les vieux qui méritent
une autre réalité,
Je chante et j’ai de la peine et elle
m’enrage l’inégalité,
Je chante car le vers est mon fusil
dans cette société.

J’ai offert mes yeux (Inédit, 2019) de Nano Stern (Chili-1985)

Eurêkoi – Bibliothèque publique d’information

Publié le 12/10/2020 - CC BY-SA 4.0

Pour aller plus loin

#ChileDespertó | Exposition virtuelle

Ce site est le fruit d’une collaboration riche entre les enseignants d’espagnol et les bibliothécaires de Sciences Po Grenoble en charge de la médiation culturelle. À l’origine du projet : une exposition photos sur les mouvements sociaux d’octobre 2019 qui devait être exposée dans l’Institut. Les contraintes de confinement ont fait évoluer le projet en exposition virtuelle, très documentée. Des photos donc, mais aussi une chronologie, des documentaires, des témoignages, une bibliographie.
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