Caroline Hayek est journaliste. En 2021, elle a reçu le prix Albert-Londres de la presse écrite pour sa série de reportages, parus dans L’Orient-Le Jour, sur les réfugiés syriens touchés par l’explosion survenue en août 2020 dans le port de Beyrouth. En amont du grand entretien qu’elle accorde à la Bpi en janvier 2022, Caroline Hayek revient pour Balises sur ses débuts de journaliste.
Quelle formation avez-vous suivie pour devenir journaliste ?
Je n’ai pas suivi d’études de journalisme. Après avoir passé mon baccalauréat à Beyrouth, j’ai commencé des études de Droit à l’université Paris-2 Panthéon-Assas, mais cela ne m’a pas plu. J’ai bifurqué vers un cursus d’Études théâtrales à Paris-3. De retour au Liban en 2010, j’ai travaillé dans le domaine du design et de l’architecture d’intérieur. Comme ma passion a toujours été d’écrire, j’ai tout lâché pour me lancer dans le journalisme, en commençant à faire des piges, notamment pour L’Agenda culturel. Je suis ensuite entrée à L’Orient-Le Jour en 2014 et là, j’ai appris mon métier sur le tas.
Travailler au Liban était-il une évidence pour vous ?
Je suis franco-libanaise et j’ai passé la plus grande partie de mon enfance au Liban. Il me paraissait donc évident d’y rester pour travailler. Le Liban est un petit pays, mais il a une histoire riche et extraordinairement complexe, puisque dix-sept communautés religieuses coexistent. Il est parfois difficile, même pour nous, de bien saisir tous les enjeux.
La crise actuelle, la dévaluation de la monnaie, les coupures d’électricité, tout cela nous touche de plein fouet, nous aussi, journalistes, même si je me considère privilégiée par rapport à la majorité de mes compatriotes. Cela peut donner envie de partir s’installer en France. Mais avoir reçu le prix Albert-Londres m’a remotivée pour rester au Liban et témoigner, malgré cette crise très violente.
Quand avez-vous commencé à effectuer de grands reportages ?
À L’Orient-Le Jour, j’ai d’abord été affectée au bureau international. Je suivais le conflit syrien en recueillant, depuis Beyrouth, des témoignages de civils en Syrie. La rédaction n’avait pas les moyens d’envoyer ses journalistes dans tout le Moyen-Orient et j’en étais frustrée.
Lorsque le mouvement de révolte a commencé au Liban en octobre 2019, le journal a décidé de mobiliser un maximum de journalistes pour suivre les événements. J’ai donc profité de l’occasion pour descendre dans la rue et recueillir des témoignages. Quand l’explosion a eu lieu au port de Beyrouth le 4 août 2020, il m’a paru évident d’aller à la rencontre des réfugiés syriens qui avaient été touchés, comme je suivais déjà ce sujet auparavant. J’aime cette écriture de l’urgence : aller sur le terrain, recueillir la parole des gens dans les rues…
Aviez-vous des modèles journalistiques ?
De grandes figures intellectuelles libanaises comme Samir Kassir, assassiné en 2005, restent des modèles pour moi. Mais il n’y a pas vraiment de culture du reportage, au Liban. Les lecteurs ont longtemps été plus intéressés par les grandes analyses politiques que par le quotidien de Libanais anonymes. J’ai donc décidé de me faufiler dans cette voie.
Comment considériez-vous L’Orient-Le Jour lorsque vous avez intégré la rédaction ?
L’Orient-Le Jour avait une image de journal conservateur de la droite chrétienne, mais il s’est beaucoup réformé au fil des années. Cela m’a donné très envie d’y rester. C’est un journal qui se bat : il va avoir cent ans en 2024 et c’est l’un des très rares journaux indépendants au Moyen-Orient. Avec la crise économique au Liban, beaucoup de médias sont en train de fermer. L’Orient-Le Jour fait figure de phare dans cette tempête. Les actionnaires font en sorte de conserver tous les journalistes, en leur assurant de bonnes conditions de travail leur permettant de vivre avec un salaire décent.
Pour aller plus loin
Le 83e prix Albert-Londres, le plus prestigieux du journalisme francophone, a été remis à la reporter Caroline Hayek pour une série de reportages sur le Liban. Retrouvez ici les articles pour lesquels Caroline Hayek a été distinguée.
À partir de 2014, Allan Kaval a couvert la question kurde en Turquie et la lutte contre l’État islamique en Syrie et en Irak avant de rejoindre la rédaction parisienne du journal Le Monde, puis d’être grièvement blessé lors de la guerre du Haut Karabagh en octobre 2020. Son travail a été récompensé en 2020 par le Prix Albert-Londres et par le Prix Bayeux des correspondants de guerre.
La Bpi accueille Caroline Hayek (en direct depuis Beyrouth), lauréate 2021 du prix Albert Londres (presse écrite) pour ses reportages à Beyrouth après l’explosion qui a dévasté la ville en août 2020. Caroline Hayek est journaliste, depuis 2014, pour L’Orient – Le Jour, le quotidien francophone libanais. Elle est également correspondante pour le magazine L’Express et chroniqueuse pour La Première (RTBF).
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