Catherine Meurisse entre les arts 3/5 : Mark Rothko

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Le tableau No. 8 (White Stripes), peint par Mark Rothko en 1958, présente une masse blanche rectangulaire incandescente sur un fond rouge orangé. Il est représentatif des tableaux qu’il peint à partir des années cinquante : des toiles de grand format où dominent une ou deux teintes très travaillées, avec de grands aplats rectangulaires qui se détachent sur un fond monochrome.

Mark Rothko refuse d’être défini comme un peintre abstrait. Il a beaucoup étudié la peinture de la Renaissance et se considère lui-même comme un homme de la Renaissance. Comme les artistes de cette époque, il place l’humain au cœur de ses préoccupations picturales. Dans ses Écrits sur l’art, il rapporte en 1956 :

« Je ne m’intéresse qu’à l’expression des émotions humaines fondamentales – tragédie, extase, mort et j’en passe – et le fait que beaucoup de gens s’effondrent et fondent en larmes lorsqu’ils sont confrontés à mes tableaux montre que je communique ces émotions humaines fondamentales. »

Cet effondrement rappelle celui que décrit Catherine Meurisse dans La Légèreté, lorsqu’elle se rend à la Villa Médicis à Rome à la recherche du Syndrome de Stendhal, cet état de sidération face à un trop-plein de beauté. Après l’attentat contre Charlie Hebdo le 7 janvier 2015, elle cherche à s’éloigner de la mort par l’art et la beauté. Parmi toutes ses recherches esthétiques, l’une des premières références picturales qu’elle cite dans sa bande dessinée est Mark Rothko. Page 90, on peut lire ce dialogue entre Catherine Meurisse, plongée dans un marais, et une grenouille perchée sur un nénuphar : 

« En janvier, quelques jours après le massacre, j’ai vu un ciel faire pleuvoir de l’or sur l’horizon irisé, comme dans un tableau de… de qui déjà…»

« Turner. »

« Ou comme dans un… »

« Rothko. »

En réalité, Mark Rothko apparaît bien plus tôt. Dans les toutes premières pages, on voit Catherine Meurisse sur une plage, à la fin du mois de janvier 2015. Les trois premières planches montrent la plage, la mer et Catherine Meurisse, dans des couleurs hivernales, presque impressionnistes. La quatrième planche, en pleine page, dans des couleurs oranges très vives avec un rectangle blanc flottant au milieu, évoque ce tableau de Mark Rothko qu’elle mentionne plus tard.

Dans le bas de la planche, le personnage de Catherine Meurisse, réduit à quelques traits, regarde ce mur de lumière. Cette planche, de même que le tableau de Mark Rothko, évoque aussi la citation de Charles Baudelaire que prononce Mustapha, correcteur à Charlie Hebdo, quelques jours avant l’attentat, dont Catherine Meurisse retrouve un jour brusquement le souvenir :

« Bois comme une pure et divine liqueur, le feu clair qui remplit les espaces limpides. »

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