Sélection

Cinq livres francophones pour découvrir la bibliothèque Chimurenga

Avec quels auteurs et autrices aborder la généalogie de la pensée noire dans le monde francophone ? Balises vous propose une sélection, alors que le collectif Chimurenga s’installe à la Bpi en avril 2021 pour une « Étude noire » de ses collections.

Publié le 19/04/2021 - CC BY-NC-SA 4.0

Peau noire, masques blancs

Frantz Fanon
Éditions du Seuil, 1995 (première édition en 1952)

Dans Peau noire, masques blancs, Frantz Fanon étudie la colonisation à travers ses répercussions psychologiques sur les Blancs comme sur les Noirs. La colonisation est comprise comme une structure essentiellement raciste qui produit une intériorisation de leur soumission par les hommes noirs, qui en arrivent à se croire inférieurs aux blancs. Les Noirs ne peuvent trouver recours, pour affirmer leur humanité, que dans une imitation des Blancs, qui fait perdurer l’aliénation.

« Le Noir veut être Blanc. Le Blanc est enfermé dans sa blancheur. Le Noir dans sa noirceur.» écrit Frantz Fanon. Pour sortir de cette impasse, une prise de conscience globale est indispensable et concerne aussi bien les Blancs que les Noirs, afin de parvenir à construire une humanité commune.

Psychiatre et philosophe, ancien résistant, Frantz Fanon a participé aux luttes anticoloniales et a contribué à la réflexion sur le colonialisme, le racisme et la libération du tiers-monde. Très marqué par l’existentialisme et la phénoménologie, il s’est attaché à démontrer l’égalité des races et des cultures et à affirmer la liberté fondamentale des hommes.

À la Bpi, niveau 2, 320 FANO 1

Nations nègres et culture

Cheikh Anta Diop
Présence africaine, 1979

Dans cet essai, Cheikh Anta Diop démontre l’origine africaine et « nègre » de l’humanité et de la civilisation. En effet, l’Égypte ancienne, contrairement aux idées reçues, n’a pas été fondée par des Indo-européens, mais bien par des Africains. Tous les savoirs dont se sont ensuite inspirés les Grecs et les Romains, ont été inventés par cette civilisation, dont les historiens, Hérodote en tête, nous apprennent que ses habitants étaient des Noirs. Par ailleurs, Cheikh Anta Diop montre que les sociétés africaines contemporaines gardent la trace de leurs origines égyptiennes et sont traversées par une histoire et une culture particulièrement riches.

Publié en 1954, cet essai, qui bouscule toutes les connaissances sur l’Égypte, connaîtra un grand retentissement. Contemporain des mouvements de décolonisation, le livre de Cheikh Anta Diop remettait en cause la prétendue « mission civilisatrice » qui aurait justifié la colonisation.

À la Bpi, niveau 2, 963 DIO vol. 1

Continents noirs

Awa Thiam
Tierce, 1987

L’écrivaine et anthropologue Awa Thiam publie son premier texte, La Parole aux Négresses, en 1978. Il s’agit d’une analyse des spécificités des luttes pour les droits des femmes noires, en partant de la dénonciation des mutilations génitales, de la polygamie et d’autres pratiques traditionnelles ou institutionnalisées. Elle poursuit son combat féministe intersectionnel avec Continents noirs en 1987, où elle développe l’analogie entre la femme comme « continent noir » et l’Afrique dite « noire ». L’enfantement, les menstruations, une sexualité mal connue, font de la femme un mystère, dont une partie du fonctionnement échappe à tous, même à ses propres yeux. L’Afrique noire, elle, serait un continent difficile à appréhender, à pénétrer et peuplé d’êtres primitifs. À travers l’arbitraire de ces deux expressions, Awa Thiam interroge le langage et ses stéréotypes pour tenter de comprendre les mécanismes qui ont conduit à la domination d’êtres humains dans l’histoire.

À la Bpi, niveau 2, 301.7 THI

La condition noire. Essai sur une minorité française

Pap NDiaye
Calmann-Lévy, 2008

L’historien Pap Ndiaye signe avec La Condition noire un essai fondateur des sciences sociales sur la minorité noire en France. Il part du constat paradoxal que les Noirs, bien que visibles individuellement par leur couleur de peau, sont invisibles en tant que fait social. Alors que leur présence politique et médiatique s’est fortement développée depuis la fin des années quatre-vingt-dix, ils ne font pas, en France, l’objet d’études sociologiques comme c’est le cas aux États-Unis, dont Pap Ndiaye revendique l’influence.

Dans cet essai riche et dense, qui ne prétend pas à l’exhaustivité, l’auteur s’appuie sur des analyses historiques et sociologiques autant que sur des enquêtes de terrain et sur sa propre fréquentation du monde associatif noir, pour fournir des pistes de recherche à de futures Black Studies à la française.

À la Bpi, niveau 2, 300.71 NDI

Un féminisme décolonial

Françoise Vergès
La Fabrique éditions, 2019

Politologue et militante féministe, présidente de l’association « Décoloniser les arts », Françoise Vergès explicite dans cet essai le concept de « féminisme décolonial » dont elle se réclame. Déconstruisant le féminisme occidental et bourgeois, elle se place au cœur du concept d’intersectionnalité, conjuguant lutte contre le sexisme, le racisme et le capitalisme, dans la lignée du Black feminism américain des années soixante. En se plaçant du côté des femmes racisées, elle entend proposer un féminisme renouvelé.

À la Bpi, niveau 2, 300.11 VER

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