En chiffres

Appartient au dossier : Handicaps : vers une société inclusive ?

3 classifications, 3 façons d’appréhender le handicap

L’Organisation mondiale de la Santé (OMS), en charge de la surveillance sanitaire mondiale, a élaboré au fil du temps plusieurs classifications pour mesurer les problèmes de santé, qui reflètent l’évolution de la condition handicapée. Balises vous présente trois classifications, alors que la Bpi propose, en 2023, le cycle de rencontres « Handicaps : une vie à part ? ».

1949 : une classification par maladie, toujours en vigueur

À sa création en 1948, Organisation mondial de la Santé (OMS) se voit confier la sixième mise à jour de la seule classification internationale disponible pour analyser l’état sanitaire mondial et analyser les causes de mortalité. La nouvelle version, nommée Classification internationale des maladies (CIM-6) intègre la liste des maladies et classe également les signes, symptômes, lésions traumatiques, empoisonnements, circonstances sociales et causes externes de blessures ou de maladies. Elle aborde donc partiellement les conséquences des maladies et introduit pour la première fois les troubles mentaux. Régulièrement révisée pour intégrer les avancées scientifiques, la CIM reflète également les évolutions sociétales. Ainsi, l’homosexualité, désignée comme maladie mentale, sort de la classification dans la version adoptée en 1990. Pour cerner la question du handicap, l’OMS privilégie la création d’une nouvelle classification. Néanmoins, la CIM reste d’actualité. D’une part, elle mesure la prévalence des maladies au niveau mondial. D’autre part, son encodage est utilisé par les assurances santé pour les remboursements de soin et sert de base aux classifications plus spécifiques déclinées par l’OMS. La 11e version est sortie en 2022.

1980 : une première classification des handicaps et de la santé mentale

Dans les années 1970, les associations de personnes handicapées réclament de nouvelles politiques du handicap et la reconnaissance de leurs droits. Or, la CIM s’avère insuffisante pour produire des indicateurs fiables sur la chronicité et les séquelles des maladies ou des accidents. En 1975, l’OMS confie donc au Dr Philip Wood la mission d’élaborer une nouvelle classification des « conséquences des maladies ». Il crée la Classification internationale des handicaps (CIH), publiée en 1980 et sur laquelle s’appuient ou se justifient, pendant vingt ans, de nombreuses politiques sociales.

Schéma de la structure linéaire de la CIH : une maladie provoque une déficience qui entraîne une incapacité qui définit un handicap, soit un désavantage social.
(OMS, 1980)

Les militants de la cause des handicapés déplorent le modèle médical de cette classification : il fait peser sur l’individu présentant une incapacité la responsabilité de son exclusion de la société. Le handicap reste appréhendé comme une déviance par rapport à une norme. En 1989, un groupe de recherche québécois s’investit dans une refonte de la classification. Il propose, en 1991, un modèle social et interactif : le Processus de production du Handicap (PPH), qui introduit des facteurs environnementaux pouvant nuire ou faciliter la vie au quotidien d’une personne.

2001 : la classification internationale du fonctionnement du handicap

Les travaux de révision de la CIH, commencés en 1995, aboutissent en 2001. La CIH est renommée « classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF) ». Le modèle est qualifié de « biopsychosocial ». Le handicap y est considéré comme une « modalité particulière du fonctionnement humain ». Le modèle s’applique à toute personne, à un moment de sa vie ou durant toute sa vie. La grossesse ou le vieillissement entrent dans ce modèle. C’est l’interaction entre la personne et l’environnement qui peut occasionner un problème de fonctionnement, et non plus la pathologie de la personne. Le degré de dysfonctionnement qu’une déficience provoque chez un individu diffère ainsi d’un pays à l’autre, selon sa politique du handicap et sa capacité à corriger les entraves au fonctionnement – en rendant disponible du matériel orthopédique, par exemple. Le CIF devient un cadre de référence international, adopté par près de 200 pays.  

Classification internationale du fonctionnement et de la santé (CIF) de l'OMS : Schéma de la structure de la classification, plus interactif : une maladie, des facteurs environnementaux et personnels peuvent entraîner des déficiences et/ou une limitation des activités et/ou une restriction de la participation.
(OMS, 2001)

Publié le 20/03/2023 - CC BY-SA 4.0

Pour aller plus loin

Introduction à la sociologie du handicap : histoire, politiques et expérience

Isabelle Ville, Emmanuelle Fillion et Jean-François Ravaud
De Boeck Supérieur, 2020

Les auteurs interrogent la société dans sa capacité à intégrer le handicap et à satisfaire les préoccupations actuelles de justice sociale. © Électre 2020

À la Bpi, niveau 2, 300.77 VIL

La Condition handicapée

Henri-Jacques Stiker
Presses universitaires de Grenoble, 2017

Une réflexion sur la place des handicapés dans la société contemporaine, à la croisée d’une prise en charge sociale et d’une exclusion persistante. L’auteur remet en cause les classifications de l’Organisation mondiale de la santé et plaide pour que les porteurs de handicap puissent davantage participer à la vie collective. © Électre 2017

À la Bpi, niveau 2, 300.77 STI

CIM-11 : Classification Internationale des Maladies | Organisation mondiale de la Santé (OMS)

La CIM-11 est désormais en version numérique sur le site de l’OMS. La première version de la traduction française est sortie en 1988.

« La classification internationale du fonctionnement et du handicap (CIF) » | École des hautes études en santé publique (EHESP), 21 avril 2020

Cette page du site de l’École des hautes études en santé publique (EHESP) propose de nombreux liens pour découvrir la CIF.

« Classification des handicaps : enjeux et controverses », par Véronique Lespinet-Najib et Christian Belio | Hermès, La Revue, vol. 66, no. 2, 2013

Cet article analyse l’évolution de la notion de handicap par le biais des classifications de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). L’ancrage théorique des classifications implique des conséquences sociétales qui participent notamment à l’évolution des normes de référence permettant de définir le handicap.

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