Sélection

Comment parler de la maladie ?

Un utilisateur d’Eurêkoi, service de réponses et recommandations à distance assuré par des bibliothécaires, demande une liste d’ouvrages en rapport avec la maladie de leur auteur.

dessin au trait du corps d'une femme opérée du sein
Par Kathy Andrew, [CC BY-NC-ND 2.0] via Flickr

Comment faire face à l’épreuve de la maladie ? Certaines personnes choisissent de parler de leur maladie pour mieux la mettre à distance, pour retrouver sur elle une forme de maîtrise, ou pour témoigner auprès des autres de cette expérience. Mais comment ? Les bibliothécaires du service de questions/réponses Eurêkoi vous proposent des ouvrages pour découvrir comment évoquer la maladie et mettre en mots, ou en images, la souffrance et l’angoisse qui lui sont liées.

Eurêkoi – Bibliothèque publique d’information

Publié le 22/02/2021 - CC BY-SA 4.0

Notre sélection

Récits de témoignage

Et par endroits ça fait des nœuds

Camille Reynaud
Autrement, 2021

Camille, depuis l’enfance, a toujours été amoureuse des mots. Elle écrit, lit avidement, consacre ses études à la littérature. Mais un jour, l’année de ses 23 ans, les mots viennent à manquer. Confusion, douleurs, difficultés à voir et à s’exprimer… Le diagnostic tombe : Camille est victime d’une rupture d’anévrisme.

Confrontée à un corps soudain devenu étranger, Camille Reynaud convoque autour d’elle une foule de références littéraires, cinématographiques, musicales, artistiques, qui agissent comme un talisman. Ces signes persistants d’un rapport empathique au monde et à l’art deviennent une preuve que tout ce qu’elle a conçu, pensé, parcouru ou aimé reste actif, présent, en dépit des séquelles bien connues de l’AVC – à commencer par la perte, terrifiante, des mots. Sa famille d’élection, d’Hervé Guibert à Yayoi Kusama en passant par Denis Roche, l’autorise à transfigurer littérairement son parcours médical, notamment en manipulant à sa guise le vocabulaire médical qui, passé au tamis de la poésie, finit par acquérir une familiarité presque attachante. Camille Reynaud parvient ainsi à tirer de son expérience traumatique un premier roman saisissant de maturité qui, bien plus qu’un journal de maladie, devient une impressionnante entreprise de réappropriation intime et une émouvante déclaration d’amour à toutes les formes d’expression de la sensibilité humaine.

À la Bpi, niveau 3 , 840″20″ REYN 4 ET

Derniers fragments d’un long voyage

Christiane Singer
Albin Michel, 2007

De septembre 2006 à mars 2007, Christiane Singer a tenu le journal de l’épreuve qu’elle traverse et à laquelle, lui avait dit un jeune médecin, elle ne survivrait pas plus de six mois. « J’ai toujours partagé tout ce que je vivais ; toute mon œuvre, toute mon écriture, était un partage de mon expérience de vie ». Alors, elle raconte son quotidien, les affres et le désarroi, comme la joie et le bonheur d’être qu’elle n’a jamais autant connu. Au fil des jours, du corps qui souffre puis s’apaise, de l’amour des siens, des visites, des prières (qu’elles relèvent du christianisme, du judaïsme, du bouddhisme, de l’hindouisme, du soufisme), elle exprime cette force de disponibilité qui l’habite, cette allégresse profonde à magnifier la vie, à en recueillir la sève dans l’instant le plus infime. Un texte transparent, ardent, essentiel, l’aboutissement de toute une œuvre. Pensées, rencontres, anecdotes se mêlent pour exprimer cette intensité d’être qui transcende toutes les oppositions et toutes les représentations erronées de la vie et de la mort.  

« Pour sauver ma peau devant la détresse, je me mets debout et, au lieu de subir, j’acquiesce de toute mon âme » expose l’autrice. Cette position, inspirée peut-être de la croyance religieuse de Christiane Singer, est précisément ce qui frappe à la lecture de ces fragments. Loin d’offrir une vision du monde dégradée par la souffrance et l’angoisse de la mort prochaine, l’autrice la transfigure en s’appliquant à restituer au monde sa beauté et à la vie son attrait. Un appel lumineux à profiter de la vie tant qu’il est temps.

Journal d’un vampire en pyjama

Mathias Malzieu
Albin Michel, 2016

« Ce livre est le vaisseau spécial  que j’ai dû me confectionner pour survivre à ma propre guerre des étoiles », écrit Mathias Malzieu, chanteur du groupe Dionysos et écrivain. Atteint d’une aplasie médullaire (une maladie qui détruit le système immunitaire), il doit subir une greffe de moelle osseuse en 2013. Lors de cette hospitalisation, il tient « ce journal comme le gouvernail d’un chalutier éventré ».
Son roman a reçu le Prix Paroles de Patients 2016.

Un récit où la poésie, l’humour et l’amour ruissellent à chaque page. Mathias Malzieu souffre, angoisse et pourtant, chaque jour, il témoigne de son amour à sa compagne et sa reconnaissance aux « nymphirmières » et au monde médical. « Tous les jours, Rosy traverse la ville et vient me sourire du bout des yeux. Avec son masque, sa charlotte et sa blouse de chirurgien, on dirait une pâtisserie sous vide qu’on me fait passer sous le nez sans même que je puisse humer son parfum de fleur d’oranger. » On finit le livre, on reprend sa respiration et on file (ré)écouter l’album Vampire en pyjama.

La Nuit se lève

Élisabeth Quin
Grasset, 2019

« La vue va de soi, jusqu’au jour où quelque chose se détraque dans ce petit cosmos conjonctif et moléculaire de sept grammes, objet parfait et miraculeux, nécessitant si peu d’entretien qu’on ne pense jamais à lui…». Élisabeth Quin découvre que son œil est malade et qu’un glaucome altère, pollue, opacifie tout ce qu’elle regarde. Elle risque de perdre la vue. Alors commence le combat contre l’angoisse et la maladie, nuits froissées, peur de l’aube, fragilité de cet œil soudain trempé de collyres, dilaté, examiné, observateur observé… [extrait de la quatrième de couverture]

Dans ce court récit, la journaliste et écrivaine Élisabeth Quin raconte sa maladie, celle qui risque de lui coûter la vue. Le texte est composé de chapitres courts, ce qui rapproche le livre d’un recueil de nouvelles. Si le sujet est difficile, les pointes d’humour et la sagesse d’Elisabeth Quin font de la lecture de La Nuit se lève un moment de plaisir. 

Le Jour où j'ai tué Josette

Agnès Lestrade et Sébastien Chebret
Editions Lapin, 2017

Agnès de Lestrade est journaliste et autrice d’ouvrages pour la jeunesse. Elle a publié une centaine d’albums et de romans et est traduite dans une quinzaine de pays. Pourtant un jour, cette artiste aux multiples talents a rencontré Josette. Josette, la saccageuse de rêve et la broyeuse d’énergie, la tueuse de l’intérieur. Josette est la dépression personnifiée. Illustré par Sébastien Chebret, ce livre, à la fois abécédaire et bande dessinée, témoigne de cet épisode.

Ce témoignage dessiné nous fait escalader une montagne russe d’émotions ! De l’humour, il y en a en compagnie de cette Josette. Agnès de Lestrade use de jeux de mots, de questionnements cocasses et du second degré pour nous partager ce que peut être le poids d’une dépression. 
PHARMACIE  : « Ma pharmacienne m’adore. Quand je passe le seuil de sa boutique, elle fait son chiffre d’affaires de la semaine. »
La tristesse et le désespoir ne sont pourtant jamais loin :
PERDRE : « Je sanglote comme un nourrisson. Pourtant je n’ai perdu personne. Juste moi. »
Cette alternance d’émotions, de dessins gris et d’autres en couleurs font la force de ce témoignage sans complaisance sur la dépression et ses différentes facettes.
Bref, de l’humour et de la poésie avec des jeux de mots bien pensés qui réconfortent l’âme et appellent à ne jamais considérer Josette comme inoffensive. 

Bandes dessinées et mangas de témoignage

L'Ascension du Haut Mal : l'intégrale

David B.
L'Association, 2011

Le Haut Mal était le nom donné autrefois à l’épilepsie, maladie dont est atteint Jean-Christophe, fils aîné de la famille dont cette série relate l’histoire. Si les signes de la maladie sont d’abord discrets, celle-ci prend peu à peu plus de force et amène les parents, exaspérés par l’indifférence du corps médical, à se tourner vers divers charlatans et gourous. Le petit frère de Jean-Christophe – futur auteur de l’album – n’a d’autre recours, pour surmonter le découragement, que de se réfugier dans un univers fabuleux, plus à même que le monde réel de lui apporter des réponses. 

Dans cette série autobiographique, David B. se livre à une sorte de thérapie graphique, mêlant ses visions fantastiques au récit dramatique de l’évolution de la maladie. Pour rendre compte des implications profondes du Haut Mal pour chacun des membres de cette famille, l’auteur fait appel à son imaginaire dans lequel la maladie devient une montagne à franchir ou un champ de bataille gigantesque. La lutte contre l’épilepsie, à la fois prosaïque et héroïque, donne ainsi lieu à des pages expressionnistes en noir et blanc. Les personnages se trouvent au centre de fresques où se confondent toutes les influences historiques et littéraires de l’auteur. Cette série, encensée par la critique, a été récompensée de plusieurs prix.

À la Bpi, niveau 1, RG DAV A

La Guerre des tétons (en trois tomes)

Lily Sohn
Michel Lafon, 2014, 2015 et 2016

Lili Sohn a 29 ans quand elle consulte pour une petite anomalie sur un sein. Le diagnostic tombe : cancer du sein. À partir de ce moment, elle entre dans une spirale infernale de questions, de doutes, de peurs, d’examens, de traitements. Mais Lili ne compte pas se laisser abattre. Elle donne un nom à son ennemi personnel, ce sera Günther. La mission de Lili : dégommer Günther. Elle utilise ses meilleures armes pour y parvenir : le dessin et l’humour, et commence le blog Tchao Günther pour donner des nouvelles à sa famille au loin, mais aussi pour donner le ton. Elle ne veut pas de pitié, pas de larmes mais de l’énergie positive. Ce projet lui permet également de dédramatiser, de prendre du recul. Le blog rencontre un joli succès et sera publié en trois tomes, trois étapes cruciales de son parcours que sont le diagnostic, le traitement et la reconstruction. 

Le trait simple est accompagné d’un texte, sincère et drôle malgré le contexte. La dessinatrice explique son parcours médical avec force de détails et beaucoup de pédagogie. Elle parvient à informer et captiver son public sur un sujet difficile à aborder.

Adieu mon utérus

Yuki Okada, trad. Mireille Jacard (japonais)
Akata, 2019

Yuki Okada, à 33 ans, avait tout pour être comblée : mariée et heureuse, mère d’une petite fille, et exerçant le métier qu’elle aime – autrice de mangas. Aussi, quand elle consulte son médecin pour un simple retard de règles, elle ne se doute pas de la terrible nouvelle qui l’attend : malgré son jeune âge, elle développe en effet un cancer du col de l’utérus. Chamboulée et perdue, elle ne saura d’abord pas comment réagir, et affronter cette épreuve que la vie lui impose… Pourtant, très vite, elle comprend qu’il lui faudra faire des choix. Mais entre les avis de ses proches et du corps médical, comment savoir ce qu’elle souhaite vraiment ? [Résumé de l’éditeur]

Yuki Okada a conçu cet ouvrage dans l’optique d’informer et d’expliquer la maladie à des femmes qui s’en trouveraient frappées, comme elle. Elle y partage ses doutes et ses angoisses face aux différentes étapes du traitement de sa maladie. Son récit, authentique sans pathos, à l’émotion palpable, dédramatise les épreuves avec un optimisme et un humour qui forcent l’admiration.

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