Sélection

Appartient au dossier : Dans la bulle des auteurs et autrices de BD

Dans la bulle de Lucie Quéméner

Dès la fin de ses études, Lucie Quéméner réalise son premier album Baume du Tigre, qui est retenu dans la sélection officielle d’Angoulême 2021 et reçoit le prix BD France Culture des étudiants. Dans cet album qui fait écho à sa propre vie, elle raconte l’histoire de trois générations de femmes à la conquête leur liberté.

Elle présente à Balises son univers et ses inspirations à l’occasion du Jeudi de la BD qui lui est consacré par la Bpi en mars 2021.

Publié le 15/03/2021 - CC BY-SA 4.0

Trop n'est pas assez

Ulli Lust
Çà et là, 2010

C’est la lecture de cet album qui m’a donné envie de faire mes premières planches de BD quand j’avais seize ans, presque le même âge qu’Ulli dans le récit. Elle est très honnête avec elle-même, aussi bien quand elle est ado (on peut lire des extraits de son journal) qu’adulte. Cela fait partie des choses qui me touchent le plus dans cette BD. Elle met en évidence ses erreurs ou sa naïveté, mais aussi sa grande sincérité et son envie de liberté. C’est un récit que je trouve très féministe et qui montre crûment des scènes de harcèlement, de viols, sans la complaisance qu’on retrouve souvent lorsque les mêmes scènes sont écrites ou dessinées par des hommes. J’ai  été très marquée par la forme. Cette simplicité me faisait présumer que je pouvais moi aussi essayer de faire des BD. Même en la relisant des années après je trouve toujours des passages où je remarque telle ou telle astuce de narration que je trouve vraiment bien pensée. 

À la Bpi, niveau 1, RG LUS T

La Valse aux adieux

Milan Kundera
Gallimard, 2011

Kundera est mon écrivain préféré et j’aime tous les livres que j’ai lus de lui. Je pourrai aussi citer Risibles amours ou La Plaisanterie. Tous ses personnages luttent de manière pathétique face à des questions existentielles. Je trouve que ce décalage douloureux devient dans ses romans quelque chose de vraiment beau, qui pour moi donne un sens aux épreuves pénibles et nulles que l’on traverse. J’aime aussi beaucoup son humour qui permet de rendre compte de situations tristes et misérables qui deviennent, pire que drôles, risibles. Sa structure scénaristique, son jeu sur les points de vue — avec des personnages qui se fourvoient sur des événements passés, futurs, ou sur les intentions des autres personnages — sont des éléments qui ont beaucoup marqué ma manière de construire des scénarios. Je trouve ses livres très réconfortants.

À la Bpi, niveau 3, 885 KUND 2

La colline du Bouddha de Tadao Ando par mightymightymatze - CC BY-NC 2.0 (Flickr)

La colline du Bouddha de Tadao Ando

Je ne connais pas grand-chose à l’architecture, mais je suis assez croyante et très touchée par la religion. J’ai été étonnamment bouleversée par la beauté de ce qu’a construit l’architecte Tadao Ando en 2015 autour de la statue du Bouddha sur l’île d’Hokkaido, au Japon. Il y a quelque chose de très intime, comme un bébé dans un utérus, une impression qu’on retrouve peu dans les lieux de cultes. Si je devais devenir une architecture, j’aimerais être celle-là.

The OA

Zal Batmanglij, Brit Marling
Netflix, 2016

Même si je désavoue totalement la saison 2, la première (qui se suffit très bien à elle-même) fait de The OA une de mes séries préférées. Le mélange des genres est assez rare et déroutant. Le personnage principal est à la fois une sorte d’icône mystifiée, comme un ange, et un protagoniste pour qui on a de l’empathie et auquel on peut tenter de s’identifier. Le tout baigne dans une réalisation que j’ai trouvée très douce, à fleur de peau. C’est une série qui m’inspire beaucoup, notamment par sa mise en scène, sa photographie et sa couleur. 

La Femme des steppes, le Flic et l’Œuf

Wang Quan’an
Diaphana Distribution, 2019

J’aime bien utiliser une narration lente et contemplative, et j’aimerais réussir à faire quelque chose comme ce film. C’est très dépouillé en apparence, mais on y trouve plein de choses. Ce film évoque à la fois le polar, le western, le documentaire et la romance. Il y a un œuf de dinosaure, du sexe, des policiers et une bergère, mais le ciel occupe presque toute l’image et on abandonne l’enquête policière assez vite pour regarder des moutons… Tous les personnages parlent très peu. J’aimerais savoir faire en BD quelque chose d’aussi simple, sans paillettes ni effets alambiqués pour se camoufler. C’est un objectif qui me semble inatteignable pour l’instant.

Voir aussi

Baume du tigre

Quéméner, Lucie
Delcourt, 2020

Baume du Tigre relate l’histoire d’Edda, qui doit quitter son foyer après avoir déclenché la colère de son grand-père, un immigré asiatique très autoritaire. Elle souhaite devenir médecin plutôt que de travailler dans le restaurant familial. Avec ses sœurs Wilma, Isa et Etta, elle va devoir gagner son indépendance.

Bientôt à la Bpi

Rencontre avec Lucie Quéméner | Bpi (2021)

Dans le cadre des Jeudis de la BD, la Bibliothèque publique d’information reçoit Lucie Quéméner, autrice du Baume du tigre (Delcourt, 2020) et lauréate du Prix France Culture BD des étudiants. Dans une famille d’immigrés asiatiques, trois générations de femmes tentent chacune à leur manière de fuir le poids des traditions, abandonnant la protection du clan pour conquérir leur liberté. Ald, immigré asiatique et patriarche tyrannique, veille sur son clan avec autorité. Aussi, lorsque sa petite-fille aînée, Edda, annonce qu’elle veut être médecin plutôt que de travailler dans le restaurant familial, sa colère prend des proportions terribles. Bien décidée à s’émanciper, Edda entraîne alors ses soeurs Wilma, Isa et Etta dans un périple loin de chez elles. La route vers l’indépendance se fera-t-elle au prix de leur héritage culturel ? La première oeuvre de Lucie Quéméner, inscrite dans la sélection officielle du Festival d’Angoulême 2021, est une des révélations BD les plus remarquables de l’année.

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