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Appartient au dossier : Dans la bulle des auteurs et autrices de BD

Dans la bulle de Zéphir

L’auteur de BD Zéphir plonge ses lecteur·rices dans un univers singulier, parfois étrange, où la poésie se mêle à la réalité. Peinture, cinéma, musique, BD…, il partage ses inspirations comme autant de clés pour entrer dans son travail, avant sa rencontre avec le public de la Bpi, le 3 juin 2024, dans le cadre d’un Jeudi de la BD.

Zéphir publie son premier album, Le Grand Combat (2014), à l’issue de sa formation en illustration à l’École supérieure des arts et industries graphiques (École Estienne) de Paris. Le jeune homme est investi dans de nombreux collectifs et illustre notamment la revue Ballast, créée en 2014, à raison de deux pages dessinées par numéro papier (Ballast n’existe plus qu’en version numérique depuis mai  2021). Par la suite, il se lance dans la réalisation d’un deuxième album, L’Esprit rouge (2016), avec Maximilien Le Roy. Ce récit du voyage d’Antonin Artaud au Mexique inspire le dessinateur qui part à son tour découvrir l’Amérique latine en novembre 2015.

De retour en France après deux ans de voyage au cours duquel il collecte des impressions, des photographies, des dessins et des textes, Zéphir exploite cette matière. Elle infuse dans son travail, notamment dans La Mécanique des vides (2022). En 2023, il expose les gouaches de son ouvrage Ronde de nuit (2023) à la Galerie Martel. Sur le site de la galerie, la démarche créative de l’auteur est décryptée : « À l’instar de quelques-uns des artistes l’ayant marqué au fil du temps, Zéphir donne l’impression de prendre à rebrousse-poil tout ce qui ressemble à un chantier trop balisé. Plus précisément : tout n’est pas forcément préétabli lorsqu’il se lance dans le travail, et la curiosité et l’aperception semblent faire figure de boussole principale : le spontané, l’instinct, l’accident sont au cœur de son protocole créatif. » Les quelques références que Zéphir a sélectionnées pour Balises viennent compléter le portrait de cet auteur singulier.

Publié le 03/06/2024 - CC BY-NC-ND 3.0 FR

Les inspirations de Zéphir

Call to Prayer, par Ghalia Benali, Romina Lischka et Vincent Noiret | Outhere Music sur YouTube

C’est un album qui m’accompagne beaucoup lorsque je dessine. Je suis fasciné par la simplicité et la puissance qui se dégage de ces morceaux. Je ne comprends pas un mot de ce qui est chanté, mais ça résonne quelque part en moi. Il y a une évidence à entendre de la poésie arabe sur des ragas Dhrupad indiens. C’est vraiment important d’entendre des cultures si singulières se rejoindre, se compléter et s’unir à travers la musique.

Je ressens des choses similaires en écoutant un autre album qui m’obsède, Qawalli Flamenco de Faiz Ali Faiz, Duquende, Miguel Poveda et Chicuelo : une rencontre sublime entre la musique soufie pakistanaise et la musique gitane d’Andalousie.

 

Heureux comme Lazarro

Alice Rohrwacher
Rai Cinema, 2018

Alice Rohrwacher est sans doute la cinéaste qui me touche le plus aujourd’hui. J’ai choisi de parler de Heureux comme Lazarro qui m’a profondément marqué, mais chacun de ses films est un petit trésor en soi. C’est un film où la sainteté rencontre la lutte des classes, où l’on questionne un certain rapport à l’innocence dans la violence du monde capitaliste. Ce que je trouve fascinant, c’est la capacité d’Alice Rohrwacher à jouer sur plusieurs registres à la fois. On comprend facilement l’histoire qui se déroule, sans forcément réaliser que les scènes montrées touchent à un niveau bien plus profond en nous, une zone que seule la poésie peut atteindre et transformer.

C’est une sorte d’idéal artistique pour moi : donner vie à une histoire suffisamment solide pour être acceptée par l’intellect tout en étant si chargée de poésie qu’elle atteint chez chacun.e des espaces où le sens importe peu.

Ballast | Revue numérique

Ballast, Revue Z, Jef Klak, Mille Cosmos
Toutes ces revues sont à mon sens ce qui se fait de mieux en termes de journalisme aujourd’hui. Les personnes qui y contribuent, souvent des bénévoles, accomplissent un travail gigantesque. Les témoignages et les voix portés par ces revues indépendantes apportent une respiration salutaire dans cette atmosphère médiatique si toxique. Chacune de leurs pages étoffe notre compréhension du réel et permet d’avoir les outils pour y voir plus clair dans le déferlement d’opinions de notre époque.

Poteaux d'angle

Henri Michaux
Gallimard, 1981

Henri Michaux est un écrivain qui s’efface à mesure qu’on le lit. C’est une sorte de présence étrange qui m’accompagne et que je ne comprends pas. Je passe de longues périodes sans le lire et dès que j’ouvre à nouveau un de ses livres, j’ai l’impression que la phrase lue m’attendait là depuis longtemps, qu’elle avait été écrite pour que je la lise à cet instant précis.

De Poteaux d’angle, j’aime particulièrement les fragments les plus courts. Chaque phrase y est une porte qui ouvre sur une dimension peu explorée en soi.

 

Charles. E Burchfield | Burchfield Penney Art Center

Pour réaliser Rondes de Nuit, je me suis beaucoup plongé dans les peintures de Charles E. Burchfield. Ce peintre américain arrivait à percer la matière pour en révéler la vibration. Le mouvement et la vie qui imbibent ses toiles font naître en moi des sensations que je n’éprouve normalement que durant des longues randonnées. Quand je ne savais pas comment me lancer sur le papier, je m’imprégnais des pulsations qui émanent de ses peintures et je cherchais à faire émerger des images aussi vibrantes de vie que les siennes.

La Joie sans objet

Jean Klein
Almora, (1977) 2009

Un livre qui m’accompagne partout et dont il est difficile de parler tant les mots ne peuvent décrire ce dont il est question. On y parle de silence, de conscience, d’écoute et de joie. Il faut accepter de ne pas toujours comprendre ce qui y est raconté. J’ai découvert ces écrits de Jean Klein durant la réalisation de mon livre La Mécanique des vides et la fin de mon histoire est en partie liée à cette rencontre.

Pour aller plus loin

La Mécanique des vides

Zéphir
Futuropolis, 2022

De mon nom, je ne sais rien. De mon âge, non plus.
J’ai depuis longtemps cessé de chercher un sens aux faits que je m’apprête à décrire.
J’ai été mis au monde par les entrailles d’une terre folle.
Je suis arrivé en ces lieux déjà adulte. Je n’ai pas le souvenir d’avoir vécu avant cela.
Tout commence par une phrase : « c’est ici que tout s’achève ». C’est avec ces quelques mots que j’ai pour la première fois ouvert les yeux. (Quatrième de couverture)

À la Bpi, niveau 1, RG ZEP

Zéphir | tumblr.com

Présentation par l’artiste de son travail et de son actualité. Zéphir est également sur les réseaux sociaux : sur Facebook, Instagram.

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