En chiffres

4,5 millions de données par match de football

Les nouvelles technologies et l’analyse par algorithmes favorisent la collecte de plus en plus de données, captées lors d’entraînements ou de matchs de football. Balises vous propose quelques repères sur la collecte, l’analyse et l’apport des data dans ce sport, à l’occasion de la rencontre « Optimiser le mouvement » de janvier 2024, proposée dans le cadre du cycle « Fictions-Science ».

duel de football, centré sur le ballons entre les pieds des deux joueurs
jannik-skorna, Unsplash, CC0

Le Britannique Charles Reep est le premier à s’intéresser au football de façon quantitative. Il observe les phases de jeu et prend des notes dans les années 1950. Il consacre plus de 8 heures à la compilation des données de chaque match observé. Entre 1950 et 1990, il analyse les données de 2 200 matchs et parvient à mettre en évidence des schémas récurrents et prévisibles, utiles pour orienter la stratégie de jeu et améliorer la performance des équipes. Même si les résultats et les techniques de Charles Reep ont pu être contestés par les professionnel·les du football, son approche a fini par séduire les clubs.

Une datafication tardive

Les coachs analysaient déjà les matchs et exploitaient certaines informations, simples à collecter, avant les relevés de Charles Reep, puis son travail méticuleux a démontré que le croisement d’une masse de données révèle des informations non perceptibles. La prise en compte de données massives – datification – est cependant plus récente en football que dans d’autres sports car la quantité de chiffres lors d’un match y est très élevée et leur relevé plus complexe : 1 900 événements en moyenne, 18 joueur·ses par équipe, une surface de terrain importante et une position du joueur dépendant du ballon et de l’adversaire. Ainsi, le jeu doit prendre en compte plus de paramètres que dans des sports collectifs comme le baseball ou le basketball, pour lesquels la datification est intervenue dès les années 1960. 

Les clubs de football anglais ont été les premiers à miser sur les data, en recrutant des analystes pour suivre les matchs en direct, puis en différé quand la vidéo a été introduite dans les stades. Ce n’est que dans les années 1990, au début d’Internet, que la société française Amisco et l’entreprise britannique Opta introduisent véritablement les data dans le football. Avec les progrès de l’informatique, l’arrivée d’algorithmes puissants, puis de l’intelligence articifielle (IA), les données collectées sont de plus en plus fines. En moyenne, 25 000 données sont enregistrées lors d’une rencontre, mais le dernier logiciel du groupe Amisco-Prozone serait capable d’en collecter près de 4,5 millions par match.

Un jeu scruté sous tous les angles

Les Cahiers du football dressent une typologie des données footballistiques, résumée ci-dessous :

Données primaires :
Données brutes d’observation, ne nécessitant pas une connaissance des règles du jeu, comme le score, le nombre de victoires ou de matchs dans un championnat…

Données secondaires :
Données d’observation accessibles à toute personne connaissant les règles, et donc capable d’identifier et dénombrer les corners, les passes courtes ou longues et autres phases de jeu.

Données tertiaires :
Données collectées à l’aide d’un logiciel manipulé par un·e analyste ou utilisant un algorithme qui interprète les informations provenant de capteurs optiques. Toutes les phases de jeu sont décortiquées pour chacun·e des joueur·ses.

Données quaternaires : Données de déplacement ou données physiologiques mesurées à l’aide d’outils technologiques. Elles concernent les performances des joueur·ses et mesurent leurs accélérations, les kilomètres parcourus, leur rythme cardiaque, leur température corporelle…

Ce sont les données tertiaires et quaternaires, produites par des sociétés spécialisées dans les données sportives, qui intéressent le monde du football. Elles sont censées limiter l’incertitude dans un sport où les enjeux financiers sont de plus en plus importants. Les statistiques décryptent le jeu sur le terrain, renseignent sur les stratégies des équipes et nourrissent les fiches personnelles des joueur·ses. En accompagnant et en justifiant les choix des dirigeant·es, elles jouent un rôle dans la gestion du club, du jeu et des joueur·ses.

L’exploitation des joueur·ses ou de leurs talents ?

En entraînement, comme en match, les déplacements des footballeur·ses sont observés par les caméras et capteurs qui équipent les stades. Les joueur·es de haut niveau sont donc désormais fiché·es et leurs performances scrutées. Leurs données collectées influent sur leur recrutement et leur carrière, et peuvent donc les inciter à mener un jeu plus personnel que collectif, qui serve mieux leurs intérêts.

Mais les joueur·ses peuvent porter également des dispositifs personnels, des traqueurs GPS, des capteurs optiques ou physiologiques, qui renseignent en direct les équipes médico-techniques sur leur état de fatigue ou leur risque de blessure. Certains dispositifs sont très invasifs, comme cette gélule technologique à avaler pour mesurer sa température corporelle. Sur la base de ces données, ils peuvent donc être écartés du terrain ou remplacés avant une action décisive.

Se pose également la question de l’exploitation des données personnelles du joueur dans le respect du règlement général sur la Protection des données (RGPD) et sa rémunération quand ses données sont commercialisées, que tente d’encadrer la fédération internationale des associations de footballeurs professionnels (FIFPRO).

Une dimension spectaculaire

L’introduction des data dans le football n’a pas que des adeptes : certain·es arguent que le football est un jeu fluide et trop complexe à encoder et, surtout, que c’est un jeu d’émotion. Néanmoins, la donnée footballistique s’est invitée sur les plateaux de télévision et dans le quotidien des amateur·rices de ce sport. Les données deviennent des arguments pour décrypter les matchs et en prédire l’issue. Elles nourrissent donc la dimension spectaculaire du sport, en entretenant l’espoir et les discussions passionnées. Elles contribuent également à l’essor des paris sportifs. Le recours aux données favorise certes les écarts de performance entre les clubs, en raison de leur coût financier ; mais il semblerait que, malgré leur emploi massif, le succès du football reste fondé sur l’émotion qu’il suscite chez les supporters.

Publié le 16/01/2024 - CC BY-SA 4.0

Pour aller plus loin

Le Football est une science (in)exacte. Entraîneurs, joueurs, journalistes, spectateurs : comment le Big Data a changé le visage du football

Gautier Stangret
Éditions Amphora, 2017

Une présentation des outils statistiques et de l’analyse de données appliquées au football. Elle montre comment les mathématiques aident à chiffrer les performances des équipes et des joueurs et influence la perception de ce sport dans la société. © Electre 2017

À la Bpi, niveau 3, 796.62 STA

Comment gagner un match de foot ? Les secrets de la performance

Raphaël Cosmidis, Christophe Kuchly, Julien Momont et Philippe Gargov
Solar Éditions, 2021

À travers l’exploration de thématiques variées (recrutement, préparation physique et mentale, tactique, etc.), les pratiques des meilleures équipes de football sont analysées afin de montrer que la victoire est l’aboutissement de mécanismes pensés pour réduire le hasard. Des joueurs, entraîneurs et dirigeants détaillent leur quotidien et la manière dont leurs compétences participent à la réussite. © Electre 2021

À la Bpi, niveau 3, 796.62 COS

Coupe du monde. Data, stats, graphiques : le Mondial de football comme vous ne l'avez jamais lu

Opta
Solar Éditions, 2018

Des informations inédites sur la Coupe du monde de football : Zidane n’a tiré que trois fois de la tête lors de celle de 1998, Maradona est le joueur le plus sanctionné pour des fautes de main en Coupe du monde ou encore Cristiano Ronaldo frappe davantage sur les poteaux qu’il ne marque de buts. © Electre 2018

À la Bpi, niveau 3, 796.62 OPT

Big data foot. Comment les datas révolutionnent le football ?

Christoph Biermann
Marabout, 2019

Une exploration des nouvelles techniques numériques comme les vidéos, les datas et les statistiques que les clubs de football exploitent pour analyser les matchs, les joueurs et les actions. © Electre 2019

À la Bpi, niveau 3, 796.62 BIE

Data & sport : la révolution. Comment la data révolutionne le sport

Yannick Nyanga
Éditions de l'Observatoire, 2023

Étude sur les changements impliqués par l’analyse de données et les technologies de pointe dans le monde sportif. Les auteurs expliquent comment l’utilisation de ces métadonnées permet aux athlètes, toutes disciplines confondues, d’optimiser leurs performances, et les problèmes, notamment éthiques, que cette pratique soulève. Ils abordent également les questions de sécurité, d’équité, etc. © Electre 2023

À la Bpi, niveau 2, 301.56 DAT

Sport Data Revolution. L'analyse de données au service de la performance sportive

Andy Hyeans
Dunod, 2016

De la performance humaine des athlètes à la performance économique des organisations, cet ouvrage expose les enjeux et les opportunités offertes par l’analyse des données dans le secteur du sport et présente des méthodes de traitement des informations sportives, illustrées d’exemples. ©Electre 2016

À la Bpi, niveau 3, 796 HYE

Rédiger un commentaire

Les champs signalés avec une étoile (*) sont obligatoires

Réagissez sur le sujet