Appartient au dossier : Le cabinet de curiosités d’hier à aujourd’hui
De la chambre des merveilles au musée du 19e siècle
Les cabinets de curiosités désignent des lieux dans lesquels on collectionne et présente une multitude d’objets rares ou étranges représentant les trois règnes : animal, végétal et minéral, ainsi que des réalisations humaines.
La Renaissance : un esprit de curiosité
Jusqu’à la fin du 17e siècle les hommes ont encore une représentation magique du monde : le but du cabinet est alors d’essayer de comprendre ce monde à travers sa diversité et sa bizarrerie en créant un microcosme de l’étrange. Avec le développement des explorations et la découverte de nouvelles terres, on se met à collectionner les curiosités en provenance de ces nouveaux lieux.
À partir de 1550 les cabinets de curiosité se répandent à travers l’ Europe, appelés studiolo ou grotta en Italie, Kunst und Wunderkammer, chambres d’ art et de merveilles, dans les pays germaniques. À l’origine de ces collections, on trouve des aristocrates, des marchands et des intellectuels. Un monde de savoirs naît dans ces lieux clos. Généralement, l’existence de ces collections est presque méconnue : seul le collectionneur et ses proches en sont témoins. La collection « représente » le collectionneur : tous les objets correspondent à son goût. Il s’agit de coquillages, d’instruments scientifiques, de monnaies, de bijoux, d’antiquités, d’œuvres d’art… Le cabinet est une sorte de miroir du monde en réduction, un lieu de contemplation solitaire, dévolu à la mélancolie, dont les rares spectateurs sont choisis.
Les Médicis à Florence, l’archiduc Ferdinand dans son château d’Ambras, Rodolphe II à Prague sont les grands initiateurs de ces collections. Mais il y a également de riches amateurs comme celui dont nous parle Cesare Vercellio :
« Il a un cabinet d’ étude qui renferme des livres touchant à des domaines très divers, et qui regorge d’ objets anciens propres à satisfaire toutes les curiosités.On y trouve beaucoup de médailles antiques et de portraits de héros, et de sculpture en marbre et en bronze ainsi que de très belles merveilles naturelles, de telle sorte que le cabinet est connu à juste raison dans cette contrée sous le nom d’ Arche de Noé. Si bien qu’ il n’ y a pas une seule personne passant à proximité qui ne manifeste le désir de le visiter, comme un endroit merveilleux et très particulier »
Description de la villa d’ Odorico Pillone à Castelnardo, 1590.
L’Esprit des lumières : des collections à caractère encyclopédique
Au 18e siècle la collection devient progressivement autant une réserve de savoir qu’un encouragement à la recherche. On assiste à une spécialisation des collections et à une disposition plus rationnelle de leur présentation. Les cabinets qui prolifèrent en Europe délaissent l’ entassement d’objets hétéroclites pour s’orienter vers leur classement par discipline, comme le suggérait Diderot, dans un souci d’encyclopédisme. Certains ont un caractère pédagogique comme celui de JosephBonnier de la Mosson (1702-1744) qui distribue chaque famille d’objets dans les différentes pièces de son appartement. Un processus de différenciation s’engage, qui va de pair avec la séparation des savoirs. Le désir de classer et de mieux connaître opère un autre regard sur le monde. L’intérêt pour la chose rare laisse place à l’engouement pour l’histoire naturelle.
Le 19e siècle : la séparation des domaines de la raison et de l’imagination
Au 19e siècle, le classement scientifique se substitue aux classements aléatoires des cabinets d’amateurs. Se sépareront ainsi les domaines de la raison et de l’ imagination, de la science et du merveilleux. La tentation d’entremêler au Louvre les collections hétérogènes aboutira finalement à un isolement des disciplines : artistiques au Musée du Louvre, scientifiques au Muséum d’histoire naturelle. Dans ces musées, les collections seront définitivement ouvertes à tous.
Mais dans son introduction à la Nouvelle Gazette des Beaux Arts en 1859, le rédacteur en chef, Charles Blanc, qualifie toujours les curieux de race salvatrice et le héros d’Huysmans rêve encore dans son cabinet de travail :
« Il avait voulu, pour la délectation de son esprit et la joie de ses yeux, quelques œuvres suggestives le jetant dans un monde inconnu, lui dévoilant les traces de nouvelles conjectures, lui ébranlant le système nerveux par d’érudites hystéries, par des cauchemars compliqués, par des visions nonchalantes et atroces. »
(Regard du héros mythique du XIXe siècle, l’esthète désabusé Des Esseintes décrit par le romancier Joris-Karl Huysmans dans son célèbre À rebours)
Publié le 05/03/2013 - CC BY-SA 3.0 FR
Sélection de références
1740, un abrégé du monde : savoirs et collections autour de Dezallier d'Argenville
Bpi
Fage éd., 2012
L’ouvrage traite des modalités de présentation des objets naturels et artificiels au sein des cabinets de curiosités, des relations entre les marchands et les collectionneurs de coquillages, estampes, tableaux, dessins, et des systèmes de classification en vigueur au temps de l’Encyclopédie et de Linné…
A la Bpi, niveau 3, 7.4 DEZA
Cabinets de curiosités : la passion de la collection
Davenne, Christine ; Fleurent, Christine
La Martinière, 2011
À la Renaissance, les cabinets de curiosités abritaient d’immenses collections. Ces accumulations d’objets oscillaient alors entre l’affirmation de la toute puissance de l’homme et celle de sa vanité. Classées, ordonnées, organisées, ces collections ont finalement été regroupées par discipline pour donner naissance aux musées. Aujourd’hui, les cabinets de curiosités restent une source d’inspiration importante pour l’art contemporain.
À la Bpi, niveau 3, 7.4 DAV
La licorne et le bézoard : une histoire des cabinets de curiosités; Exposition. Poitiers, Musée Sainte-Croix. 2013. 2014
Gourcuff Gradenigo, 2013
Exposition, Poitiers, Musée Sainte-Croix, du 17 octobre 2013 au 16 mars 2014 Réunissant une trentaine de contributions de spécialistes français et étrangers et une abondante iconographie, cet ouvrage offre une synthèse du phénomène des cabinets de curiosités, qui marqua profondément les collections d’art et de sciences en Europe. 1 vol. (448 p.) : illustrations en noir et blanc , Papier 7.4 ;COLLECTIONS PRIVEES
Les cabinets d'art et de merveilles de la Renaissance tardive : une contribution à l'histoire du collectionnisme; Die Kunst-und Wunderkammern der Spätrenaissance : ein Beitrag zur Geschichte des Sammelwesens
Schlosser, Julius von
Éd. Macula, 2012
L’auteur (1866-1938) était conservateur du Kunsthistorisches Museum de Vienne lorsque fut publiée en 1908 la première édition, en allemand, de cet ouvrage. De la Grèce antique au début du 20e siècle européen, ce livre retrace la genèse de ces chambres de merveilles pour s’acheminer vers les formes modernes auxquelles elles ont abouti, les musées. Dans cette traduction française, la préface de Patricia Falguières replace ce texte dans son contexte historique et artistique, et sa postface établit le lien entre ces chambres de merveilles et notre conception actuelle de l’exposition.
À la Bpi, niveau 3, 7.4 SCH
Curiositas
Site dédié aux cabinets de curiosités, initié par des enseignants-chercheurs de l’université de Poitiers et par l’Espace Mendès France, centre de culture scientifique en Poitou-Charentes.
Ne manquez pas les prochains événements qui mettront en valeur la curiosité à Poitiers, et ouvriront au public un vaste choix de sorties qui combleront la curiosité des petits comme des grands curieux. Voici, classés par ordre chronologique, les différents rendez-vous à retenir.
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