Sélection

Appartient au dossier : En luttes !

La créativité militante en 5 livres

Tags, affiches, pancartes, banderoles, tracts, pamphlets, mais aussi romans engagés et témoignages couchés sur le papier… Produits dans un cadre militant, ces documents forment la mémoire vivante des luttes d’hier et d’aujourd’hui : leur collecte et leur transmission constituent, elles aussi, un enjeu politique. Que nous révèlent ces écrits de l’évolution des revendications ? Quelle est la place des mots et du graphisme dans les mobilisations collectives en France ? Balises vous propose une sélection d’ouvrages pour accompagner le cycle « Écrire les luttes », organisé par la Bpi à l’automne 2023.

Publié le 28/08/2023 - CC BY-SA 4.0

Quand l'écologie politique s'affiche. 40 ans de militantisme graphique

Dominique Bourg
Plume de carotte, 2014

Dans ce bel ouvrage, le philosophe Dominique Bourg propose une sélection d’environ 150 affiches et documents retraçant l’histoire de l’écologie politique française depuis les années 1970. Qu’elles soient l’œuvre de partis politiques, d’organisations non gouvernementales ou de collectifs citoyens, ces affiches se positionnent sur des thématiques aussi structurelles que les organismes génétiquement modifiés (OGM), le nucléaire, la pêche, les industries liées aux hydrocarbures…

Professeur à l’Université de Lausanne (UNIL), membre de nombreuses commissions gouvernementales et non gouvernementales liées à l’environnement, Dominique Bourg donne l’occasion de comprendre que les préoccupations actuelles sont peu ou prou les mêmes que celles qui relevaient, il y a cinquante ans, de l’avant-garde idéologique et graphique.

À la Bpi, niveau 2, 323.4 BOU

40 ans de slogans féministes. 1970-2010

Collectif
iXe, 2011

Les quarante ans du Mouvement de libération des femmes (MLF) ont été fêtés en 2010. Pourtant, sa date de début est controversée : pour les un·es, on pourrait faire remonter la naissance du mouvement à la manifestation à l’Arc de Triomphe, le 26 août 1970 ; pour d’autres, on pourrait dire que tout a commencé à l’Université de Vincennes, toujours en 1970, ou lors des événements de mai-juin 1968 ; ou encore, pour certain·es, la première manifestation historique du mouvement pourrait dater du 20 novembre 1971, à l’occasion du débat sur l’avortement et la contraception. Quoi qu’il en soit, les historien·nes et les politologues sont d’accord sur le fait que les manifestations féministes constituent alors des événements remarquables.

Le féminisme a en effet donné une nouvelle vie aux slogans, aux banderoles, aux tracts, aux chansons, aux actions et à tous les éléments constitutifs des rassemblements. Le graphisme, notamment, a toujours été particulièrement soigné lors des événements militants. Tout cela est bien mis en exergue dans cet ouvrage préfacé par l’anthropologue de l’écriture Béatrice Fraenkel, directrice d’études de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), par la réalisatrice et productrice Anne-Marie Faure-Fraisse, par la graphiste Corinne App et par la secrétaire de rédaction Lydie Rauzier. Images et slogans défilent tout au long de la lecture du livre, comme lors d’une manifestation.

À la Bpi, niveau 2, 300.11(091) QUA

La politique s'affiche. Petits récits de nos murs politiques

Grégoire Milot
De Borée, 2019

À l’heure où la parole politique se massifie sur les canaux numériques, il est intéressant de se plonger dans cet ouvrage consacré aux supports papier et analogiques diffusant aussi bien les luttes sociales que les discours officiels de la Ve République. Féru d’histoire des idées, le communiquant Grégoire Milot donne à voir une sélection d’environ 200 affiches syndicales et électorales, tracts, graffitis muraux, autocollants, bandes dessinées satiriques… L’auteur les replace dans leur contexte afin de mieux apprécier leur sens de la formule et leur génie graphique.

Le choix du pluralisme pour cette histoire visuelle est appréciable, permettant de cerner toutes les mouvances et préoccupations de la sphère médiatico-politique des différentes phases de la vie politique nationale. Que l’on soit curieux·se, historien·ne ou professionnel·le de l’image, chacun·e y trouvera de bonnes idées et y (re)découvrira joies et avantages de l’imprimé.

À la Bpi, niveau 2, 32.12 MIL

La rue était noire de jaune. 500 slogans, tags, affiches, pancartes, dessins, photos, banderoles...

Comité de soutien 31 aux Gilets jaunes
Éditions du Croquant, 2020

Mouvement social inspirant à ses débuts l’incompréhension parmi l’ensemble de la classe politique et des grands médias nationaux, les Gilets jaunes ont, dès leur « premier acte », multiplié les slogans, tags, banderoles, stickers, tee-shirts personnalisés, développant un sens aigu de la mise en scène.

La mise en page de ce livre témoigne de ce soin porté à l’impact visuel : le blanc du papier, le noir de l’encre et une couleur unique – le jaune – rappellent à chaque page l’immédiateté et la dureté des manifestations. Petit par sa taille – il tient dans une poche de blouson –, mais imposant par sa compilation de documents nés dans et de la rue, ce livre a tout pour devenir un document de référence sur l’un des plus importants mouvements sociaux de la Ve République. Les bénéfices générés par la vente de l’ouvrage servent à payer les frais d’avocat·es des Gilets jaunes.

À la Bpi, niveau 2, 323.4 RUE

L'Espoir et l'Effroi. Luttes d'écritures et luttes de classes en France au XXᵉ siècle

Xavier Vigna
La Découverte, 2016

La classe ouvrière a fait l’objet d’une fascination à la fois positive et négative au cours du 20e siècle. Le sort de ce groupe social en expansion a suscité de nombreux écrits : des textes sur le mouvement ouvrier de la part de l’État, de l’Église, des intellectuel·les, etc., mais aussi des écrits provenant des ouvrier·ères elleux-mêmes. Certains écrits sur les ouvrier·ères cherchent à rendre compte de leurs conditions de vie et essayent de les améliorer, mais cette classe sociale engendre aussi des craintes auprès des élites, avec l’idée que cette population nombreuse et souvent engagée peut, par les mouvements collectifs notamment, bouleverser l’ordre social.

De leur côté, les ouvrier·ères ont investi le champ de l’écriture pour témoigner, restituer leur univers, continuer la lutte et s’émanciper. Il s’agissait pour elleux de faire entendre leur voix propre, entre le cri de revendication et le récit. L’historien Xavier Vigna restitue avec beaucoup de justesse l’histoire ouvrière et la manière dont le destin de cette classe sociale donne à voir la société française au 20e siècle.

À la Bpi, niveau 2, 944-741 VIG

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