Lucie Taïeb
Éditions La Contre allée, 2020
À son ouverture en 1947, la décharge de Fresh Kills, au sud de New York, ne devait rester en activité que trois ans. En 2001, après avoir accueilli une partie des débris du World Trade Center, Fresh Kills ferme enfin. Entretemps, le site est devenu la plus grande décharge à ciel ouvert du monde. Aujourd’hui, cette enclave d’un millier d’hectares de Staten Island est sur le point d’être recouverte par un immense parc, construit sur les déchets.
C’est autour de ce refoulement du rebut, d’abord dans les marges urbaines puis sous terre, que débute le projet d’écriture de Lucie Taïeb. Découverte par l’autrice dans les pages d’Outremonde de Don DeLillo, qui évoque sa présence monstrueuse aux portes de la ville, la décharge apparaît comme une figure du réfoulé. À l’écart mais visible depuis la pointe sud de Manhattan, elle devient un symbole de notre déni de réalité face aux traces que nous laissons sur terre. Enquêtant sur ce lieu hors norme et sur les mutations du tissu urbain qui l’entoure, Lucie Taïeb compose un texte qui, comme son objet d’étude, procède par strates. À mesure que ses recherches progressent, son travail d’élaboration poétique vient se superposer aux discours historiques et techniques glanés dans les archives et les thèses de spécialistes. Cette sédimentation de l’écriture devient à son tour l’image de ce que l’humanité construit sur ses ruines et ses déchets, que ce soit pour en sauvegarder la mémoire ou pour les pousser dans l’oubli. À travers cette mise en forme littéraire de l’enquête, Freshkills devient ainsi la preuve tangible de l’impossibilité, pour tout ce que nous cherchons à enfouir, de rester souterrain.
À la Bpi, niveau 3, 840″20″ TAIE 4 FR
Les champs signalés avec une étoile (*) sont obligatoires