Interview

Entretien avec Rifkinus Jeremus
"Remettre la magie au cœur de nos vies"

Politique et société - Sciences et techniques

Pour le professeur Rifkinus Jeremus, l’heure de la révolution magique a sonné. Nos sociétés vont devoir s’adapter.

Aujourd’hui, dans un monde marqué par les conflits, les crises économique et écologique, un homme résiste. Cet homme, c’est Rifkinus Jeremus, éminent professeur à l’Université de Gotham, qui développe depuis plusieurs années une pensée optimiste et singulière. Dans son dernier ouvrage, The Magic Revolution will be Magic, il pense le “modèle de l’après” et substitue au paradigme du monde réaliste celui de la magie.
Malgré un emploi du temps chargé, Rifkinus Jeremus, a accepté de nous recevoir entre deux avions, dans un grand hôtel parisien. Autour d’une tisane au trèfle, l’homme s’est montré chaleureux – l’œil brillant et la moustache malicieuse  , ne laissant rien paraître du décalage horaire. En l’écoutant, une chose est sûre, la révolution magique est en marche. Entretien.

Dix ans se sont écoulés depuis la parution de votre précédent ouvrage, qu’avez-vous fait pendant tout ce temps ?

Après le succès de Chroniques des Tanukis, j’ai eu besoin de prendre du recul par apport à ce qui m’arrivait. J’avais enchaîné tellement de cours, de conférences et d’interviews qu’il me fallait me retrouver moi-même. J’ai alors décidé de quitter temporairement le milieu universitaire pour me retirer sur l’Ile Rishiri. C’est une île peuplée de Tanukis, que j’avais déjà évoqués dans mon précédent livre. Là, j’ai appris à connaître cette communauté “de l’intérieur”, je suis véritablement passé du statut d’observateur à celui de membre de leur tribu. J’ai appris à écouter plus qu’à observer. C’est ce glissement de la théorie vers la pratique qui est l’origine de mon nouveau livre.

Que vous a appris cette communauté ?

J’ai vu des êtres heureux, vivant en paix et en harmonie, mais d’une certaine façon tristes d’être mis en marge de nos sociétés humaines. Je suis allé rencontrer d’autres communautés comme les loups-garous, les sorcières, les fées – jusque dans les royaumes du Nord. Je me suis rendu compte que leur discours était sensiblement le même : ce sont des créatures des marges, que les hommes ne parviennent pas à intégrer, alors qu’elles auraient tant de choses à nous apporter. Nous avons tenu à distance ces créatures trop longtemps, en les enfermant dans un univers folklorique lointain et stigmatisant. Il est aujourd’hui temps de remettre la magie au cœur de nos vies. Et, nous – les hommes – avons un rôle important à jouer dans l’intégration de ces créatures à nos sociétés. Je suis convaincu qu’elles peuvent être une réponse à nos problèmes contemporains. C’est ce que j’appelle la révolution magique.

Quels seraient les bénéfices de cette révolution ?

Tout d’abord, il faut dépasser le clivage monde réel/monde fantastique. En somme, il faut ré-enchanter le monde. Hier, les hommes, aujourd’hui les robots, demain les fées, telle est la clé d’un monde harmonieux.
D’un point de vue économique, en associant les créatures extraordinaires à notre système de production, nous entrerions dans une société d’abondance où tous les désirs et les besoins pourraient être satisfaits d’un coup de baguette magique.
D’un point de vue écologique, nous devons aller maintenant au-delà de la simple ville intelligente, en révolutionnant les modes de consommations à l’échelle mondiale. Par exemple, la téléportation pourrait avoir un fort impact sur la réduction des émissions de carbone. De même, en combinant les énergies magiques et renouvelables (je préconise notamment l’équipement de chaque foyer d’un binôme dragon/éolienne), nous pourrions rendre les grandes métropoles auto-suffisantes d’ici 2056. D’ailleurs, je prévois que le dragon dépasse le chat comme animal de compagnie dans les prochaines années !

Quelles sont les conditions pour que se réalise cette révolution ?

C’est un vaste chantier au sein duquel chacun a un rôle à jouer. Il est de notre devoir d’accompagner les créatures magiques et fantastiques dans cette transition. En effet, il est primordial que ces créatures aient un libre accès au savoir, à la formation… Les bibliothèques ont notamment un rôle capital à jouer. Certaines initiatives et actions à destination de ces publics spécifiques sont déjà mises en œuvre et obtiennent de très bons résultats. L’autoformation en magie et les magics labs ne sont que la partie immergée de l’iceberg. Bien d’autres pistes restent encore à explorer. Ce sera d’ailleurs l’objet de la conférence que je donnerai ce vendredi 1er avril à l’espace 4 de la Bpi.

N’avez-vous pas peur que cette révolution ne soit l’apanage que de quelques-uns – notamment les groupes d’intérêts privés ?

Vous avez raison. Ce nouveau paradigme magique, tel que je le conçois, soulève des questions très importantes. Comment pouvons-nous être certains que les gouvernements et les entreprises ne vont pas essayer de monopoliser la magie à des fins politiques ou commerciales ? Il est essentiel que la magie reste un bien commun appropriable par tous. En ce sens, nous réfléchissons actuellement à la création d’une licence libre – sur le modèle des creatives commons – dédiée aux formules magiques.

Publié le 01/04/2016 - CC BY-SA 3.0 FR

Sélection de références

Chroniques des Tanukis

Jeremus, Rifkinus
Presses Universitaires de Gotham, 2005

A la Bpi, niveau 2, espace 4, 498.8 JER

Couverture The magic revolution will be magic

The magic revolution will be magic

Jeremus, Rifkinus
Gotham University Press, 2016

A la Bpi, niveau 2, espace 4, 498.8 JER

Wonderland : au fondement des sociétés magiques

Jeremus, Rifkinus
Presses Universitaires de Gotham, 2002

A la Bpi, niveau 2, espace 4, 498.8 JER

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