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Les folles histoires de Gérard Garouste

L’artiste Gérard Garouste, né en 1946, multiplie les références à la littérature, aux mythes et à la religion. Balises vous propose une sélection d’ouvrages pour découvrir ses inspirations, de Don Quichotte à la Divine Comédie en passant par la Haggada et le Talmud. Le Centre Pompidou consacre une rétrospective à ce peintre et sculpteur français du 7 septembre 2022 au 2 janvier 2023.

Dès les années quatre-vingt-dix, Gérard Garouste s’initie à l’hébreu et commence à analyser les textes bibliques, à savourer l’étymologie de chaque mot. Comprendre ces textes fondateurs devient à ses yeux primordial, car cela lui donne l’impulsion vers sa quête constante de savoir et de sens. Dans ses œuvres, Gérard Garouste donne à réfléchir : il désire que chacun et chacune trace son chemin vers la connaissance, trouve son interprétation des choses et y mette ses propres références.

Gérard Garouste s’est également intéressé à de grandes œuvres de la littérature classique, toujours dans cette optique d’en proposer sa propre version et d’en faire un parcours initiatique pour les spectateurs et spectatrices. Couleurs audacieuses, mélange d’abstraction et de figuration, temporalités diverses, dérision et humour… la peinture foisonnante de Gérard Garouste intrigue, interpelle et nous plonge ou replonge dans un immense bain de savoirs.

Publié le 24/10/2022 - CC BY-SA 4.0

Don Quichotte

Gérard Garouste aime à penser que l’écrivain espagnol Miguel de Cervantes (1547-1616) était d’origine marrane, c’est-à-dire issu d’une famille juive qui se serait convertie au christianisme au moment de l’expulsion des Juifs d’Espagne dans les années 1490. Il voit dans le personnage de Don Quichotte deux dimensions : un aspect mystique avec des traits kabbalistiques et prophétiques, et un aspect burlesque et cocasse.

Couverture d'une édition de Don Quichotte illustrée par Gérard Garouste : au centre, un homme barbu aux deux visages, entouré d'un cadre de losanges jaunes et noirs

L'Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche

Miguel de Cervantes Saavedra, illustré par Gérard Garouste
Diane de Selliers, 2012

Initialement publiées en 1605 et 1615, les deux parties du roman de Cervantes sont ici reprises dans deux ouvrages illustrés de cent cinquante gouaches de Gérard Garouste. La subtilité et l’universalité du roman transparaissent dans ces peintures originales, créées spécialement pour cette édition, auxquelles viennent s’ajouter des lettrines ornées en ouverture de chacun des cent-vingt-six chapitres.

À la Bpi, niveau 3, 860″16″ CERV 4 IN 1 et 860″16″ CERV 4 IN 2

La Divine Comédie

La Divine Comédie est un grand récit poétique de l’auteur italien Dante Alighieri, dite Dante (1265-1321). La découverte de cette œuvre inspire fortement Gérard Garouste et donne naissance à un nouveau corpus aux motifs difformes et aux couleurs grinçantes. Le peintre se lance dans une exploration picturale, en écho à la descente aux Enfers décrite dans le célèbre texte. Péchés, supplices… tous les éléments évoqués dans ce texte initiatique complexe deviennent pour l’artiste matière à réflexion et inspiration : « Avant Dante je cherchais un sujet, après Dante je l’ai trouvé pour toujours. »

Les Indiennes de Gérard Garouste

Laurent Busine
Lebeer Hossmann, 1988

Les sculptures réalisées par Gérard Garouste entre la fin des années quatre-vingt et le début des années quatre-vingt-dix entretiennent un lien étroit avec ses peintures inspirées de la Divine Comédie. Elles interviennent à un stade de son œuvre où l’artiste, faisant un retour sur lui-même, remet en question ses positions sur la figuration et sur la technique de la peinture à l’huile.

Afin, selon ses termes, d’enrayer sa propre logique et de se mettre en position de déséquilibre, Gérard Garouste change de medium. Il se tourne vers la terre cuite, le fer forgé ou battu, et le bronze. Les formes se transforment, entraînées vers un dépouillement auquel les peintures consacrées à Dante font écho – notamment Les Indiennes, immenses toiles présentées dans ce catalogue accompagnant des expositions organisées en 1988 au Palais des Beaux-Arts de Charleroi (Belgique), au Centre d’art contemporain et au Musée Goya de Castres, et à la Obalne Galerije de Piran (Slovénie).

À la Bpi, niveau 3, 70″19″ GARO 2

Faust

À la fin des années deux mille, Gérard Garouste s’approprie le personnage de Faust : les légendes et les incarnations variées de ce héros populaire, apparaissant notamment sous la plume de l’écrivain germanique Johann Wolfgang von Goethe (1749-1832), sont autant de sujets pour une nouvelle série. Gérard Garouste s’identifie peut-être à ce personnage alchimiste qui, depuis son plus jeune âge, rêve de posséder la connaissance universelle, de trouver des réponses aux questions existentielles et de percer les secrets de l’Univers. L’artiste y associe le mythe du Golem, également né au 16ᵉ siècle, et la figure de l’homonculus, un petit être humain artificiel. Ces mythes renvoient toujours Gérard Garouste aux questionnements sur les origines de l’humanité.

Gérard Garouste. Walpurgisnachtstraum, Songe d'une nuit de Walpurgis

Gérard Garouste et al.
Galerie Daniel Templon, 2011

Publié à l’occasion de l’exposition « Walpurgisnachtstraum, Songe d’une nuit de sabbat » organisée à la galerie Daniel Templon en 2011, ce catalogue donne à voir trente-trois œuvres dans lesquelles Gérard Garouste revisite le mythe de Faust. Il comprend aussi trois essais de Bernard Blistène, Henri Berestycki et Aurélie Barnier, ainsi que des commentaires de Gérard Garouste.

À la Bpi, niveau 3, 70″19″ GARO 2

François Rabelais

Vers la fin des années quatre-vingt-dix, Gérard Garouste conçoit La Dive Bacbuc, un dispositif circulaire fermé sur lui-même et agrémenté de judas qui permettent d’en voir l’intérieur. Cette installation est inspirée des écrits de l’auteur français François Rabelais (vers 1494-1553) : elle en transmet la trivialité, l’humour caustique, la jouissance vitale et surtout la dimension mystique. Dans cette création très originale, Gérard Garouste évite de tout donner à voir : la part cachée propose aux spectateurs et spectatrices d’ouvrir leur espace mental et les invite à la réflexion et à l’imagination. Rabelais revisité et réinventé !

La Dive Bacbuc

Gérard Garouste et Jacinto Lageira
Fondation d'entreprise COPRIM, 1998

Publié en écho à une exposition de la Fondation d’entreprise COPRIM en 1998, ce catalogue présente une installation de Gérard Garouste, La Dive Bacbuc, à travers trente-cinq reproductions en couleurs. Cette œuvre s’apparente à une immense toile disposée en un cercle fermé et peinte des deux côtés : le public peut admirer l’extérieur en déambulant autour de l’installation, mais la face interne ne s’observe qu’à travers des œilletons. L’appréhension parcellaire et progressive de l’œuvre fait écho à la transmission des savoirs à la Renaissance. Les scènes représentées, pleines de sagesse sous des apparences grivoises, évoquent les écrits de Rabelais. Le titre lui-même, à travers l’emploi du terme hébreu, est une référence à l’expression « dive bouteille » apparue sous la plume de cet auteur humaniste.

Bientôt à la Bpi

Franz Kafka

Tout comme Franz Kafka (1883-1924), écrivain de langue allemande et de religion juive, Gérard Garouste a appris l’hébreu et développé un intérêt pour ce texte sacré. Ses longues heures d’étude avec le rabbin Marc-Alain Ouaknin, grand connaisseur des écrits de Kafka, l’ont inévitablement mené vers l’auteur du Procès et de La Métamorphose. De cette rencontre est née une œuvre picturale puissante et majestueuse, fruit de trois ans de travail. La pièce majeure de cette série est sans conteste un triptyque au centre duquel se trouve Le Banquet, qui met en scène Kafka en compagnie d’intellectuels et d’artistes.

Correspondances, Gérard Garouste - Marc-Alain Ouaknin

Gérard Garouste et Marc-Alain Ouaknin
Templon, 2021

Gérard Garouste et Marc-Alain Ouaknin offrent leurs regards croisés sur l’œuvre de Kafka. À travers une vingtaine de tableaux, Gérard Garouste propose une plongée jubilatoire et ludique dans l’univers unique de cet écrivain héritier d’une tradition juive et incarnation d’une certaine modernité littéraire. À ces reproductions de toiles et dessins vient s’ajouter un texte de Marc-Alain Ouaknin sur les écrits de Kafka.

À la Bpi, niveau 3, 70″19″ GARO 2

La Haggada et le Talmud

À partir de 1990, Gérard Garouste s’intéresse à la tradition exégétique juive à travers l’étude du Talmud et du Midrach. Il apprend l’hébreu puis se convertit au judaïsme en 2014. Pour lui, être juif, c’est être un passeur : « Dès Abraham, les Juifs n’ont-ils pas appris à passer d’une rive à l’autre ? Je vois dans cette notion la plus belle idée du judaïsme. Son principe même. » Sa peinture se fait alors l’écho de cette pensée.

Haggada

Marc-Alain Ouaknin, illustré par Gérard Garouste
Assouline, 2001

La Haggada est un texte religieux central dans les rituels de Pessah, la Pâque juive. Il évoque notamment l’exode hors d’Égypte, un événement majeur dans l’histoire du peuple juif. Les illustrations imaginées par Gérard Garouste pour cette édition de 2001 font écho au déroulé de la célébration, aux traditions juives et à leurs symboles.

À la Bpi, niveau 2, 296.3 HAG

Gérard Garouste. En chemin

Olivier Kaeppelin et al.
Flammarion et Fondation Maeght, 2015

Paru à l’occasion d’une exposition organisée à la Fondation Marguerite et Aimé Maeght de Saint-Paul-de-Vence en 2015, ce catalogue présente de nombreuses esquisses et notes issues des carnets de Gérard Garouste, accompagnées de textes d’Olivier Kaeppelin, Hortense Lyon, Adrien Maeght et Marc-Alain Ouaknin. Il éclaire ainsi sa carrière et ses sources d’inspiration, en particulier le Talmud.

À la Bpi, niveau 3, 70″19″ GARO 2

Pour aller plus loin

Exposition « Gérard Garouste » | Centre Pompidou, Paris, du 7 septembre 2022 au 2 janvier 2023

Le Centre Pompidou consacre une grande rétrospective à Gérard Garouste, peintre figuratif et sculpteur français contemporain. L’exposition rassemble une centaine de tableaux et donne également toute leur place à l’installation, à la sculpture et au travail graphique.

« Gérard Garouste, l'intranquille », par Sophie Duplaix | Magazine du Centre Pompidou, 22 août 2022

Sophie Duplaix, conservatrice en chef des collections contemporaines au Musée national d’art moderne et commissaire de l’exposition, revient sur l’œuvre foisonnante de Gérard Garouste, dans cet article publié par le Magazine du Centre Pompidou.

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