Georges Perec : écrire les lieux
Auteur prolifique et touche-à-tout, Georges Perec est trop souvent ramené à la seule dimension oulipienne de son œuvre. Les contraintes sont certes au cœur des romans de Perec, et si sa virtuosité ne connaît pas d’égal au vingtième siècle, cela ne doit pas pour autant occulter les thématiques qui traversent son œuvre, ni les ambitions de l’auteur. En parcourant les lieux de Perec, on comprend que son écriture va bien au-delà du simple jeu sur le langage.
Si elle peut-être intimidante au premier abord, cette œuvre exigeante et profonde est aussi une cartographie hétéroclite et ludique des lieux de l’intime et du quotidien. À l’occasion de la sortie de la collection Perec 53 aux éditions de L’œil ébloui, nous vous proposons une sélection de livres, d’entretiens et d’articles qui vous donneront quelques clés pour recomposer le puzzle des lieux de Perec.
Publié le 11/09/2025 - CC BY-SA 4.0
Sélection de références
Lieux
De Tentative d’épuisement d’un lieu parisien à La Clôture, Perec a souvent interrogé la notion d’espace et la façon dont on peut l’habiter ou le décrire.
Ces textes – et bien d’autres – doivent beaucoup à un projet monstre : Lieux. L’œuvre est publiée à titre posthume en 2022 par les éditions du Seuil, sur support papier et en version dématérialisée. Lieux consiste en une montagne de descriptions de 12 lieux parisiens, observés pendant 12 ans, pour un total de 288 textes. Seuls 138 fragments ont été rédigés, à partir des souvenirs ou de l’observation directe de Perec, mais les lieux hantent une grande partie de sa production littéraire. Ce projet fou, dont on peut consulter les textes sur un site Internet passionnant, constitue une porte d’entrée inattendue vers l’œuvre de l’écrivain.
Les Revenentes
Georges Perec
Julliard, 1991
Délesté de ses « e », La Disparition est sans doute le plus célèbre texte de Perec. Les Revenentes est l’envers de cette œuvre : monovocaliste. Toutes les autres voyelles disparaissent. Le « e » règne sur ce texte, jusque dans son titre que Perec s’amuse à mal ortographier.
« Mes respects ! Bel effet, excellent, Perec s’est pété le cervelet », encensent les zélés. « Méééé… de kwè çè pèrle ? » bêlent les perplexes. En bref : l’évêché d’Exeter est en effervescence. Bérengère de Bremen-Brévent vend ses perles et ses gemmes. Des dégénérés (des clephtes ?) rêvent de les enlever en secret. Kékés et pépées de l’évêché recherchent le pèze. Clergé et pègre, pêle-mêle, mettent le nez. Est-ce net ? Évènements et emmerdements, revers et dérèglements… Extrême rendement des pensées perverses de Perec ! C’est dément, et sévèrement échevelé. Z’êtes tentés ?
À la Bpi, 840″19″ PERE.G 2
Espèces d'espaces
Georges Perec
Galilée, 1974
Comment habite-t-on un lit ? Comment traverse-t-on une rue ? De la page blanche aux continents, Perec entreprend dans ce livre inclassable un inventaire méthodique et sensible de tous nos espaces quotidiens. Il ausculte notre rapport aux lieux dans ce qu’il faut bien considérer comme une « anthropologie de l’espace moderne ».
À la Bpi, 840″19″ PERE.G 2
« Mot à mot », avec Georges Perec, France Culture, 29 janvier 1980
1980. Au micro de Jacques Paugam, l’écrivain Georges Perec parle de ses rituels d’écriture, de son « échauffement » intellectuel à l’écriture oulipienne et évoque sa peur de ne pas pouvoir réaliser tous ses projets.
Perec. De la judéité à l’esthétique du manque
« J’écris parce qu’ils ont laissé en moi leur marque indélébile et que la trace en est l’écriture. » Derrière les jeux textuels, la virtuosité et les contraintes, Perec ne cesse de tourner autour d’un drame originel : la disparition de ses parents, juifs, au cours de la Seconde Guerre mondiale.
Entre difficultés à se souvenir (« Je n’ai pas de souvenirs d’enfance », écrit-il dans W) et retour incessant de la notion de disparition, son œuvre est une tentative continue, éclairée par la psychanalyse, d’approcher la figure des disparu·es. Marcel Bénabou, membre de l’OuLiPo qui connut bien Perec, revient en profondeur sur cette « esthétique du manque » qui parcourt l’œuvre de Perec.
Je me souviens de l'imperméable rouge que je portais l'été de mes vingt ans
Lydia Flem
Seuil, 2016
Quelle meilleure preuve de la vitalité de l’œuvre de Perec que de la voir continuée aujourd’hui par d’autres ? Dans Je me souviens de l’imperméable rouge que je portais l’été de mes vingt ans, Lydia Flem reprend le principe des « Je me souviens » de Perec, ces brefs échos du passé appartenant autant à l’intime qu’à la mémoire collective.
Elle y ajoute une autre dimension, en portant une attention toute particulière au vestiaire féminin au long des décennies. Sujet futile ? Loin de là, car le vêtement se fait témoin des contraintes qui pèsent sur le corps féminin, et de sa libération. En 479 fragments – un de moins que Perec -, Lydia Flem dessine ainsi une histoire de la mode et des avancées sociales, des premières créations de Sonia Rykiel aux soutien-gorges brûlés de 68, en passant par la mini-jupe, tout en rendant un bel hommage à son modèle.
À la Bpi, 840″19″ FLEM 4 JE
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