Glossaire

Les mots de la mobilisation collective

Du boycott à l’occupation, du barrage filtrant au tractage, individus et collectifs peuvent agir de nombreuses manières pour défendre ou acquérir des droits. Balises vous propose un glossaire des formes de mobilisations collectives, pour accompagner le cycle de rencontres « Écrire les luttes », organisé par la Bpi à l’automne 2023.

Nicolas Vigier – Manifestation – CC0

Les journalistes, les personnalités politiques et les chercheur·ses utilisent des mots et des expressions récurrents lorsqu’iels évoquent les mobilisations collectives pour la défense ou l’acquisition de droits. Sans s’étendre sur la portée réactionnaire de certains néologismes généralisants, comme « islamo-gauchisme » ou « écoterrorisme », visant à décrédibiliser des forces progressistes, les termes employés dans le contexte des mouvements de protestation ont une portée sémantique qu’il convient d’interroger. 

Certains euphémismes confinent par exemple au glissement de sens. Ainsi, parler systématiquement de « maintien de l’ordre », lorsqu’il s’agit d’évoquer les opérations policières liées aux mobilisations sociales, place le désordre du côté de la remise en cause populaire des inégalités, et l’ordre du côté de la préservation du système en place. Cette manière d’envisager le concept d’« ordre » permet ponctuellement d’occulter la répression d’un mouvement, en particulier lorsque celle-ci occasionne des violences. L’expression « mouvement social » minimise elle aussi la colère et l’importance des inégalités ou des discriminations qui provoquent une révolte ; généralisante, elle occulte en même temps l’objet concret de chaque mobilisation.

À l’inverse, certaines expressions visent à exacerber l’opposition entre, d’un côté, les participant·es à une lutte et, de l’autre, un groupe imaginaire et indéterminé de citoyen·nes qui ne se sentiraient pas concerné·es, voire s’opposeraient, à la révolte en cours. Parler de « prise d’otage » dans le cadre d’une grève, par exemple, paraît assez déplacé et vise surtout à provoquer une « panique morale », selon le concept forgé en 1972 par le sociologue Stanley Cohen. Cette réaction collective disproportionnée face à des pratiques minoritaires est en effet à même d’étouffer ces pratiques, voire de légitimer leur répression.

Les mots utilisés pour décrire les luttes sociales ont donc une portée politique, et il convient de les utiliser avec précision. Alors, de quoi parle-t-on, quand on évoque une mobilisation collective ? Quels sont les leviers de cette mobilisation, et dans quels contextes sont-ils utilisés ? Pour découvrir la multiplicité des actions possibles, individuellement, ou au sein d’une association, d’un collectif, d’un syndicat, d’un parti politique…, Balises vous propose un glossaire.


Action directe / Affichage / Barrage filtrant ou barrage routier / Barricade / Black bloc / Blocage / Boycott / Casserolade ou charivari / Commando « lights off » / Coupure de service / Désarmement, ou écosabotage / Désobéissance civile / Die-in (ou lie-in) / Dénonciation ou « Name and shame » / Grève / Grève de la faim / Guérilla jardinière / Happening / Manifestation ou marche / Non-violence / Occupation / Pétition / Recours en justice / Sit-in / Slogans / Spontanéisme / Swarming / Tractage / Tribune / Zone à défendre (ZAD)


Action directe

Mouvement d’un individu ou d’un groupe qui agit par lui-même, afin de peser directement sur un rapport de force pour changer une situation, sans déléguer le pouvoir à un·e intermédiaire (délégué·e syndical·e, représentant·e politique…). L’action directe peut être pacifique (sit-in…) ou violente (black-bloc…), légale ou illégale. 

L’action directe a été principalement promue par le mouvement anarchiste, en particulier par Voltairine de Cleyre dans un discours de 1912. Elle est également revendiquée par d’autres activistes, tels que le défenseur des droits civiques Martin Luther King dans les années 1960.

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Affichage

L’affichage dans l’espace urbain est réglementé et payant. Quelques grosses associations ont les moyens de payer une campagne d’affichage. Elles jouent souvent avec les codes des marques, habituelles locataires de ces espaces réservés, et notamment avec le « subverting » (mot formé à partir de « subversion » et « advertising », c’est-à-dire publicité), pour dénoncer le manque d’éthique des entreprises. Ce mimétisme présente l’avantage de surprendre les passant·es qui s’attendent à un discours publicitaire.
Mais la plupart des causes ont recours à l’affichage sauvage ou au piratage des emplacements à louer pour s’exprimer dans l’espace public et faire exister un discours alternatif. Les opérations de collages sont l’apanage des militant·es politiques et associatif·ves depuis longtemps. Nombreuses sont les organisations qui proposent des kits d’affichage, comme le collectif #NOUSTOUTES. Les Abribus, facilement accessibles, sont la cible fréquente des militant·es. Les activistes des réseaux anti-pubs y placent de fausses affiches pour dénoncer l’omniprésence de la publicité ou la responsabilité des marques dans le réchauffement climatique. À Nantes, ils ont par exemple remplacé les affiches par des végétaux. Paradoxalement, l’affichage sauvage est aussi une stratégie, reprise et organisée par certaines marques dans les années 2010, pour toucher les jeunes urbain·es.

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Barrage filtrant ou barrage routier

Dispositif mis en place sur une voie publique afin d’en contrôler ou d’en limiter le trafic, voire de l’interrompre. Action classique des mobilisations sociales, le barrage peut servir dans le cadre d’« opérations escargots » destinées à ralentir la circulation à des points stratégiques, comme à l’entrée des ponts ou des ports. Il permet de bloquer le transport de marchandises, ou encore d’informer les automobilistes tandis qu’iels sont à l’arrêt dans leur véhicule, comme l’ont souvent fait les Gilets jaunes durant leur mouvement à partir de la fin de l’année 2018.

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Barricade

Amas d’éléments divers destiné à barrer le passage, pour protester ou résister à un assaut, principalement dans un contexte urbain. Les barricades ont une histoire ancienne : le mot est forgé à partir des « barriques », l’un des objets les plus utilisés par les émeutier·ères catholiques pour barrer les rues de Paris lors de la Journée des barricades du 12 mai 1588. Celleux-ci craignaient, à l’époque, d’être tué·es par des protestant·es, dans un contexte politique troublé. Les barricades de la Commune de 1871 ou celle de Mai 68, particulièrement rue Gay-Lussac à Paris, érigées pour entraver l’action des CRS, sont restées célèbres. 

Faites de déchets, de poubelles, de voitures, ou encore de planches, quelquefois enflammées, les barricades servent parfois à bloquer l’entrée d’un bâtiment. Elles peuvent aussi être utilisées pour leur simple visibilité dans l’espace public, afin d’affirmer sa colère ou sa révolte, comme lors des émeutes ayant suivi la mort de Nahel à Nanterre le 27 juin 2023, dans le cadre d’un contrôle routier.

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Black bloc

Manifestation de personnes habillées en noir avec bandeauet capuches sur le visage.
Manifestation à Hambourg, Allemagne avec les black blocs aux premiers rangs. 

Collectifs éphémères utilisant des tactiques de manifestation ou des formes d’action directe, éventuellement violentes. Les actions du black bloc, constitué de personnes masquées et vêtues de noir, ciblent généralement les symboles de l’État (police, tribunaux, bâtiments administratifs) et du capitalisme (banques, entreprises multinationales, publicité, restauration rapide).

Les premiers black blocs ont été nommés ainsi à Berlin-Ouest, au début des années 1980. Face aux incursions policières, les autonomes allemand·es se sont organisé·es en « Schwarzer Block » pour défendre des squats et des lieux autogérés. Les black blocs se sont ensuite multipliés en marge des mouvances anticapitalistes, internationalistes, antifascistes radicales et antiautoritaires.

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Blocage

Action militante, pacifique ou violente, pour entraver le fonctionnement d’une organisation dans l’objectif d’empêcher une action et de donner de la visibilité au mouvement. Les militant·es bloquent les usines, les services publics, la circulation… afin d’amplifier les effets de la grève et de renverser les rapports de force. La paralysie de l’économie ou du fonctionnement de la société fait réagir l’opinion publique, les médias, les entreprises et les pouvoirs publics. Le blocage sert aussi à empêcher une action, comme le lancement des travaux d’un projet contesté. Pour y parvenir, les techniques sont nombreuses, du simple sit-in à la fabrication de barricades en passant par diverses techniques de résistance passive comme l’enchaînement et, plus récemment, le collage des mains au sol. 

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Boycott

Stratégie fondée sur le refus de participer à un événement, d’acheter un produit ou d’engager des discussions avec un interlocuteur donné – individu, collectif ou institution publique –, afin de manifester son opposition aux valeurs ou aux actions portées par ce dernier et d’exercer sur lui une pression économique, politique ou symbolique. Le boycott peut émaner d’une entité constituée ou de personnes privées, dont l’influence repose néanmoins sur la force du nombre. L’appel au boycott est légal, dès lors qu’il ne résulte pas d’une manifestation de discrimination, de diffamation ou d’une pratique anti-concurrentielle. 

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Casserolade ou charivari

Les casserolades trouvent leur origine dans les charivaris, rituels médiévaux exprimant une désapprobation collective et bruyante envers des comportements jugés immoraux. Cette forme de manifestation prend des formes plus nettement politiques à partir du 19e siècle : en France, les casseroles retentissent pour s’opposer à la monarchie de Juillet, puis au 20e siècle à la guerre d’Algérie. Les casserolades se multiplient au 21e siècle partout à travers le monde : lors de la « révolution islandaise » en 2008, pendant la grève étudiante québécoise de 2012, au Gabon en 2021 pour contester les mesures de restriction contre le Covid-19, et en France contre la réforme des retraites en 2023. 

Instruments d’usage courant, de même que les poêles, cloches et cuillères qui peuvent aussi être utilisées, les casseroles font retentir les préoccupations domestiques dans l’espace public, auprès des gouvernant·es. Les participant·es à une casserolade peuvent s’exprimer lors d’un regroupement ou depuis les fenêtres de leur logement, comme cela a été observé lors des couvre-feux décrétés sous la dictature du général Pinochet au Chili. Elles peuvent aussi être composées de groupes épars, se retrouvant à l’occasion d’un déplacement officiel, ou devant un bâtiment public. Formes de manifestations non-violentes et populaires, les casserolades ont parfois fait l’objet d’interdictions : fin avril 2023, en France, des arrêtés ont visé à interdire « les dispositifs sonores amplificateurs de son ».

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Commando « lights off »

Depuis 2015 au moins, des personnes, souvent adeptes du parkour, sillonnent les rues des villes à la nuit tombée et escaladent des devantures pour éteindre les vitrines restées allumées. Depuis le 7 octobre 2022, dans une démarche d’économie d’énergie et d’écologie, tous·tes les commerçant·es de France doivent éteindre leur vitrine au plus tard à 1 heure du matin ou 1 heure après la cessation de l’activité (si celle-ci est plus tardive). Selon ce même décret, les vitrines peuvent être rallumées à partir de 7 heures du matin ou une heure avant le début de l’activité (si celle-ci commence plus tôt). Force est de constater que cette obligation est encore peu respectée.

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Coupure de service

Interruption d’un service par la grève ou l’occupation. L’article 2215-1 du Code général des collectivités territoriales autorise le ou préfet·e à « réquisitionner tout bien ou service et requérir toute personne nécessaire au fonctionnement de ce service ou à l’usage de ce bien », en cas d’atteinte « constatée ou prévisible au bon ordre, à la salubrité, à la tranquillité et à la sécurité publique ». En 2023, à Paris, les éboueur·ses grévistes ont été réquisitionné·es par la préfecture après deux semaines sans ramassage des déchets, dans le cadre de la grève contre la réforme des retraites. 

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Le 25 juillet 2004, plant de maïs OGM arraché par un membre français de l’organisation « les faucheurs volontaires ». – Jean-Marc Desfilhes – CC-BY-SA

Désarmement ou écosabotage

Action de blocage par le sabotage, souvent liée aux mouvements écologistes qui placent l’urgence climatique avant la propriété privée. La première action du genre en France date de 1975 : le dynamitage de la pompe du circuit hydraulique de la centrale de Fessenheim, alors en construction. Le fauchage des champs d’OGM, le déboulonnage, la destruction de machines ou de pipe-lines sont à classer dans cette catégorie d’actions. Le terme « désarmement », employé pour la première fois en 2021 lors de l’occupation de quatre cimenteries Lafarge et de la destruction d’infrastructures, fait référence à la guerre contre la planète et transforme les militant·es en écodéfenseur·ses.

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Désobéissance civile

Refus revendiqué d’obéir à une loi, par opposition à celle-ci ou, indirectement, à la politique de l’État dont elle émane. Il s’agit donc d’une démarche non-violente, assumant l’éventualité d’une sanction. Son objectif est triple : défendre un principe moral jugé supérieur à la législation en vigueur ; attirer l’attention des autres citoyen·nes sur l’injustice dénoncée ; et exercer une pression médiatique incitant les autorités publiques à modifier leur action. 

D’abord conceptualisée par le philosophe américain Henry David Thoreau (La Désobéissance civile, 1849), la désobéissance civile a également été théorisée par Gandhi et pratiquée dans le cadre de la lutte pour l’indépendance de l’Inde, du mouvement pour les droits civiques aux États-Unis ou, plus récemment, du soutien aux migrant·es en situation irrégulière et des mobilisations écologistes. La désobéissance civile peut prendre de nombreuses formes : refus du recensement, résistance fiscale, blocages routiers

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Die-in ou lie-in

Rassemblement durant lequel les manifestant·es simulent la mort en s’allongeant tous·tes au sol, immobiles. Le die-in se déroule souvent dans un espace associé au pouvoir politique ou au phénomène dénoncé par les participant·es (siège d’entreprise, usine…). Il est souvent utilisé pour défendre les droits du vivant – défense des animaux, alerte sur l’urgence climatique… –, et plus spécifiquement pour les droits humains. De célèbres die-in ont ainsi été organisés par l’association Act Up-Paris afin de lutter pour les droits des personnes atteintes du SIDA en figurant les mort·es à terre, ou encore pour protester contre la guerre en Irak dans les années 2000.

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Dénonciation ou « Name and shame »

Procédé hérité d’une pratique anglo-saxonne qui consiste à « déclarer publiquement qu’une personne, un groupe ou une entreprise agit de manière fautive ». Il est employé par les administrations ou les médias pour pousser les fautif·ves à rectifier leur comportement. Les militant·es l’utilisent pour dénoncer les entreprises non vertueuses en matière de protection de l’environnement, de droit du travail ou d’égalité homme-femme… La viralité des hashtags fait avancer les prises de conscience et les causes, forçant parfois les décideur·ses à remédier à certains dysfonctionnements sous peine de ternir leur réputation, ou de subir un boycott. La masse de publications et de témoignages permet également de documenter des sujets tabous et de défendre des victimes, comme le font par exemple les vidéos de violences policières.

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Grève

Le droit de grève, « cessation collective et concertée du travail en vue d’appuyer des revendications professionnelles », est inscrit à l’alinéa 7 du préambule de la Constitution de 1946, repris par la Constitution de la Ve République. Pour être « collectif », le mouvement doit être suivi par au moins deux salarié·es. Cependant, quand ce droit s’exerce dans le cadre d’un mouvement de grève national, le ou la salarié·e peut être seul·e gréviste sur son lieu de travail.

La grève est encadrée par le droit du travail : un·e salarié·e n’a par exemple pas le droit d’être sanctionné pendant sa grève. À l’inverse, certain·es salarié·es, travaillant dans une institution publique ou dans certains secteurs privés, sont obligé·es de déposer un préavis avant de commencer une grève. Il n’existe pas de durée maximale ou minimale de grève. La grève peut prendre des formes courtes et répétitives – les débrayages. Elle peut également être symbolique : le personnel des urgences hospitalières, par exemple, ne cesse pas d’accueillir des patient·es lorsqu’il se met en grève, se contentant de signes visuels.

Certains modes de grève sont illégaux, par exemple la grève perlée – ralentissement du rythme de travail ou de sa qualité –, qui désorganise la production sans l’arrêter, la « grève du zèle », qui consiste à appliquer les règlements avec tant de formalisme qu’on empêche la réalisation du travail, ou encore la grève par gratuité, où l’on offre des services normalement payants.

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Grève de la faim

Jeûne de protestation, qui peut conduire au décès de la personne qui défend une cause dépassant son cas personnel. La grève de la faim peut être portée par une personne médiatique, comme Gandhi en 1948, ou menée comme une action collective. Les premières grèves de la faim politiques connues sont apparues en Russie, en 1878, contre les conditions de détention de prisonnières politiques. Les suffragistes militantes britanniques ont repris à leur compte cette méthode de protestation dans les années précédant la Première Guerre mondiale. L’exemple le plus dramatique reste celui de la grève de la faim entreprise en 1981 par quarante prisonniers républicains irlandais au cours du conflit nord-irlandais, qui aboutit à la mort de dix d’entre eux.

En août 2021, sept jeunes de moins de 30 ans débutent une grève de la faim à Berlin pour réclamer une concertation face à l’urgence climatique. Les deux dernier·ères jeûneur·ses obtiennent du chancelier Olaf Scholz une réunion publique sur le climat. 

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Guérilla jardinière

Apparue aux États-Unis dans les années 1970, sous le nom de « guerrilla gardening » ou de « green guerrilla », la guérilla jardinière est une pratique mêlant le jardinage et l’aménagement spontané de l’environnement urbain. Ses adeptes sèment, plantent et cultivent des végétaux – en particulier des fleurs et des légumes potagers – sur des terrains délaissés ou des recoins cultivables du domaine public – trottoirs, ronds-points… Par leur choix d’implantation, ces initiatives individuelles visent à interroger le partage des ressources foncières ou le rapport à l’espace public urbain. Dans une perspective écologiste, il s’agit aussi, bien souvent, de proposer une autre source d’alimentation ou de renforcer la place du végétal dans un environnement dominé par les humain·es.

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Happening

Le terme « happening », qui existe depuis la fin des années 1950 aux États-Unis et depuis 1964 dans la langue française, désigne une performance comportant une part d’improvisation et une certaine participation du public, qui peut être considérée comme une forme artistique. Forme privilégiée de plusieurs groupes d’artistes dans les années 1960 et 1970, le happening se pare déjà souvent, à l’époque, de revendications politiques. 

Des interventions artistiques dans l’espace public sont régulièrement mises en œuvre à partir de Mai 68 pour donner une dimension visuelle et spectaculaire aux revendications – on peut penser à Act Up déroulant un préservatif rose géant sur l’obélisque de la place de la Concorde, à Paris, en 1993, aux happenings des Femen torse nu et couronnes de fleurs sur la tête, aux flashmobs des Rosies dans les cortèges contre la réforme des retraites de 2020 et 2023, aux décrochages de portraits présidentiels par des militant·es écologistes Alternatiba / Action non-violente – COP21 depuis 2019, aux tableaux recouverts de peinture ou de condiments alimentaires par des militant·es écologistes dans les musées…

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Manifestation ou marche, rassemblement

La manifestation désigne un mode d’expression collectif et pacifique sur la voie publique. La légitimité des manifestations est diversement reconnue à partir du 19e siècle dans le monde occidental : d’abord seulement tolérées, les manifestations sont progressivement encadrées par des lois (à partir de 1935, en France). Le droit de manifester est reconnu depuis 1966 par les Nations unies, via le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, à condition de prendre une forme non-violente. 

En France, elles sont depuis 2012 encadrées par le Code de la sécurité intérieure. Celui-ci stipule que toute manifestation doit être déclarée par ses organisateur·rices à la mairie ou la préfecture, en précisant le parcours suivi. La déclaration préalable est critiquée par certain·es juristes qui la considèrent contraire au droit international. 

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Non-violence

Prônée par la plupart des religions, la non-violence s’applique d’abord dans la morale individuelle, bien qu’elle ait pu être employée face à des persécutions massives. Mais c’est Gandhi au 20e siècle qui la théorise et la met en pratique comme outil de mobilisation et de résistance politique, face aux colonisateurs anglais. 

Pour les militant·es non-violent·es, lutter contre un pouvoir, qui bénéficie selon le sociologue Max Weber du « monopole de la violence légitime », ainsi que de moyens étendus pour dominer par la force, impose de ne pas entrer dans une spirale de brutalités réciproques. En employant la non-violence, les opposant·es évitent non seulement des forces policières armées et bien organisées, mais encore iels empêchent un surcroît de répression de la part des autorités. La non-violence exprime ainsi une forme de détermination, qui peut s’accompagner de désobéissance civile, et révèle la cruauté des pouvoirs qui font usage de la force. Les causes défendues par la non-violence s’attirent ainsi la sympathie des populations. 

Cependant, la non-violence est jugée inefficace par certains militant·es, qui constatent l’échec des mouvements pacifiques face à des gouvernements – autoritaires ou démocratiques – qui n’entendent rien céder même face à des mobilisations massives. 

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Occupation

L’occupation de places publiques accompagne certaines mobilisations. S’inspirant de la révolte chinoise de la place Tiananmen en 1989, les occupations de places se sont multipliées au 21e siècle. En 2010-2011, de nombreuses places ont ainsi été occupées, aussi bien lors des différents printemps arabes (Place Tahrir du Caire, place de l’Université de Sanaa au Yemen), que du mouvement des Indignés en Espagne et Occupy Wall Street à New York. En 2016 en France, le mouvement Nuit debout s’étend, depuis la place de la République à Paris, à une centaine de villes. 

D’autres mouvements peuvent s’accompagner d’occupations : 

  • d’universités lors de révoltes et manifestations étudiantes (Mai 68, Mouvement contre le contrat première embauche de 2006, etc.).
  • de logements ou d’immeubles par des personnes mal-logées, parfois avec l’appui d’associations qui réclament « l’application de la loi de réquisition sur les immeubles et logements vacants »
  • d’églises par des personnes migrantes : de mars à août 1996, trois cents étranger·ères en situation irrégulière ont occupé à Paris l’église Saint-Ambroise puis l’église Saint-Bernard de la Chapelle pour demander leur régularisation. En 2023, des personnes migrantes occupent encore des églises à Alençon et à Nice. 

Appropriation collective d’un lieu en principe géré par l’État ou d’autres autorités, l’occupation permet de représenter sur la durée un mouvement de protestation clairement visible dans l’espace public. L’occupation, souvent marquée par l’installation de banderoles, tentes ou stands, se combine avec des assemblées générales et des réunions visant à organiser l’espace occupé et à étendre son implantation. Visibles et de grande ampleur, les occupations de places marquent par le nombre et la fermeté des occupant·es (prêt·es à dormir sur place et se relayant pour garder la place), et rencontrent un grand écho dans l’opinion publique et les médias.

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Pétition

Demande écrite adressée aux autorités et soumise à la signature de citoyen·nes. Désormais numérique, la pétition se diffuse très largement grâce aux réseaux sociaux et se signe sur des plateformes dédiées. Il en circule sur tous les sujets, lancées par des particuliers ou des organisations. Il existe également un droit à pétition devant les assemblées parlementaires, institué depuis la Révolution française.

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Recours en justice

Un recours en justice vise à obtenir la reconnaissance d’un droit qui n’a pas été respecté. Les recourant·es s’adressent aux tribunaux contre une personne ou une institution afin de faire valoir des droits reconnus par la loi mais non appliqués. Des recours en justice sont régulièrement déposés par des militant·es écologistes ou des organisations non gouvernementales (ONG) contre des États qui contreviennent à leurs engagements légaux en matière de défense de l’environnement. En 2018, le procès dit de l’« Affaire du siècle », par lequel quatre ONG dénoncent l’inaction climatique du gouvernement français, a débouché sur une condamnation. D’autres États comme les Pays-Bas, la Colombie ou le Montana (États-Unis) ont également été condamnés en justice pour des raisons similaires.

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Sit-in

Des policier projet du gaz sur des manifestants assis
Manifestations contre l’OMC à Seattle, le 30 novembre 1999. Du gaz poivré est appliqué sur la foule – Steve Kaiser – CC-BY-SA

Lors d’un sit-in, un groupe de personnes assises, couchées ou debout, occupent de manière passive et non-violente un bâtiment ou la voie publique. Refusant de libérer les lieux, les participant·es à un sit-in attirent la sympathie des observateur·ices par leur calme et leur détermination, et embarrassent les autorités qui doivent employer la force pour les déloger. Les sit-in, qui visent à bloquer la circulation de manière imprévue, ne sont généralement pas déclarés en amont aux autorités.

Le premier sit-in se tient en 1960 au cours du mouvement afro-américain pour les droits civiques, qui multiplie ensuite cette technique de militantisme. Elle est encore aujourd’hui très employée : la violence employée contre des manifestant·es pacifiques attire l’attention du public et des médias sur des problèmes sociaux, politiques et écologiques. 

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Slogans

Emprunté à l’anglais, le terme « slogan » désigne à l’origine le « cri de guerre d’un clan écossais ». Il prend à partir du 20e siècle, avec l’apparition des médias de masse, le sens de formule synthétique et percutante, qui véhicule largement et en quelques mots une idée forte. Mais l’existence de slogans est beaucoup plus ancienne : elle est par exemple attestée dans la Chine impériale, où la communication politique a longtemps utilisé des formules lapidaires, largement répandues au sein de la population. 

Utilisés dans le langage publicitaire, aussi bien que dans la communication politique, les slogans, qui emploient régulièrement la rime ou des rythmes poétiques, sont facilement mémorisables. Souvent humoristiques, ils suscitent rapidement l’adhésion. Scandés ou chantés lors des manifestations, les slogans véhiculent, sous une forme simple, des appels à la mobilisation et à l’enthousiasme collectif. 

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Spontanéisme

Théorisé au 19e siècle par Karl Marx, le spontanéisme considère que les mouvements révolutionnaires doivent se former spontanément au sein de la population, sans encadrement ni organisation par des partis politiques ou des syndicats. Si Marx a remis en cause, par la suite, l’efficacité du spontanéisme, cette idée reste au cœur de la pensée de Pierre-Joseph Proudhon et de Mikhaïl Bakounine. 

Le mouvement des Gilets Jaunes, en 2018-2019, a été considéré par certain·es observateur·rices, comme relevant du spontanéisme, puisqu’organisé essentiellement sur les réseaux sociaux, sans leader ni idéologie déclarée. 

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« Swarming » ou essaimage, fourmillement

Tactique qui repose sur l’organisation simultanée d’actions par de petits groupes d’individus. Employée par les black blocs pour déborder les services d’ordre et éviter les arrestations, elle est déclinée de façon non violente à Londres, en 2018, par le groupe Extinction Rebellion. Des marcheur·es arpentent les abords des ponts sur la Tamise, puis se regroupent pour bloquer tour à tour chacun des ponts et se dispersent à l’arrivée de la police pour mieux recommencer plus loin. 

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Tractage

Opération de distribution de tracts, feuillets imprimés délivrant un message politique. On retrouve trace des premiers tracts en 1789. La distribution de ces messages est fortement encadrée et soumise à autorisation jusqu’en 1881. Il subsiste encore quelques obligations à respecter, que les organisations militantes listent pour faciliter le tractage. L’écrit oblige à formuler clairement et à argumenter sérieusement. Le tract reste donc un outil indispensable dans l’arsenal du militantisme.

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Tribune

Du latin tribuna (« siège élevé ») qui désignait la place réservée aux orateurs, puis à partir du Moyen-Âge aux prêtres et aux prédicateurs, le terme « tribune » prend un sens politique au cours de la Révolution française, en désignant plus largement toute déclaration publique, sous forme orale ou écrite. 

Une tribune, ou tribune libre, permet à un individu ou un groupe d’exprimer publiquement ses positions ou ses critiques. Généralement, la tribune est constituée d’une page de journal laissée à la libre expression d’une opinion, qui ne représente pas nécessairement celle du journal qui la publie. Elle peut désormais prendre la forme d’une prise de parole radiodiffusée ou télévisée. La tribune permet donc de faire connaître aux lecteur·rices ou auditeur·rices d’un média des opinions minoritaires ou décalées par rapport à leurs propres convictions.

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Zone à défendre (ZAD)

Des batiments artisanaux en bois disposés sur une ZAD
Notre dame des landes : la ZAD – CC-BY

Les opposant·es à la construction de l’aéroport Notre-Dame-des-Landes, par le groupe Vinci, reprennent l’acronyme légal ZAD (« zone d’aménagement différé ») en en détournant le sens qui devient « zone à défendre ». Une ZAD s’installe sur un lieu destiné à accueillir des projets ou des infrastructures jugés nocifs pour l’environnement ou la vie locale. Les zadistes, généralement des militant·es écologistes, autonomes, anticapitalistes ou altermondialistes, sont régulièrement accompagné·es d’agriculteur·rices, de néo-ruraux ou de sympathisant·es ne séjournant pas sur le site. En occupant physiquement ces emplacements, pendant une durée qui peut varier de quelques jours à plusieurs années, les militant·es rendent impossibles tous travaux et toute intervention des pouvoirs publics.

Quoiqu’elle n’ait pas été désignée du nom de ZAD, l’occupation d’une zone destinée à des terrains militaires sur le plateau du Larzac, dans les années 1970, a sans doute constitué la première apparition de ce mode d’action. Les ZAD se sont multipliées en France au cours des des années 2010 : selon la définition plus ou moins étroite qu’on en donne, entre douze et une cinquantaine de ZAD sont actives en France, mais elles sont apparues également en Belgique (ZAD d’Arlon) ou en Suisse (ZAD de la Colline). 

Ce mode d’action, qui a montré son efficacité à plusieurs reprises, inquiète particulièrement les gouvernements. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a annoncé en 2023 la création d’une « cellule anti-ZAD ». 

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Publié le 18/09/2023 - CC BY-SA 4.0

Pour aller plus loin

Dictionnaire des mouvements sociaux

Olivier Fillieule, Lilian Mathieu, Cécile Péchu
Presses de Sciences Po , 2020

Ce corpus comprend près de cent articles de synthèse sur divers concepts relatifs aux mouvements sociaux et politiques : analyse événementielle, boycott, comportement collectif, grève de la faim, identité collective, etc. Il explique l’origine et le développement de ces notions, en précise les usages et expose les débats qu’elles suscitent. ©Electre 2020

À la Bpi, niveau 2,305.32(03) DIC et sur Cairn

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