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Appartient au dossier : Pasolini, de fable en réel

« Je suis le miroir de l’infini extérieur » : Pasolini, sujet documentaire

Pier Paolo Pasolini a été l’auteur mais également le sujet de plusieurs documentaires, qui permettent d’éclairer sa personnalité et son œuvre. Balises vous en présente quelques-uns, dans le cadre du cycle « Pasolini, Pasoliniennes, Pasoliniens ! » proposé par la Cinémathèque du documentaire à la Bpi au printemps 2021.

Forte personnalité aux revendications politiques et esthétiques assumées, Pasolini a inspiré plusieurs réalisateurs de fiction. L’Affaire Pasolini de David Grieco (2014) et Pasolini, mort d’un poète (1995) de Marco Tullio Giordana tentent ainsi de percer le mystère de son assassinat sur la plage d’Ostie en 1975, tandis que le Pasolini d’Abel Ferrara (2014) évoque de manière plus onirique les derniers jours du cinéaste. Mais Pasolini est également le sujet de plusieurs documentaires, qui explorent divers aspects de sa personnalité et de son œuvre.

Publié le 10/05/2021 - CC BY-NC-SA 4.0

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Pasolini en gros plan

Pasolini l'enragé

Jean-André Fieschi
AMIP - Audiovisuel Multimedia International Production, INA - Institut National de l'Audiovisuel, La Sept ARTE, 1966

Le fil conducteur de cet épisode de la célèbre collection « Cinéastes de notre temps » est une série d’entretiens avec Pasolini, réalisés chez lui ainsi que dans plusieurs faubourgs romains. L’artiste y parle longuement, en français, de sa relation au cinéma comme langage, de ce qui peut le différencier du néoréalisme, et du mélange de styles qui caractérise son œuvre. Il souligne l’impossibilité de s’exprimer autrement que de manière indirecte, dans une ivresse poétique ou religieuse, et se définit dans un rapport heureux à lui-même et malheureux au monde, poussé à la création par une « nostalgie de la vie qui accroît [son] amour pour la vie ».

Les positions politiques de Pasolini sont aussi largement évoquées à travers ses films. Pour définir son point de vue sur le sous-prolétariat et la bourgeoisie, le cinéaste échange avec Franco Citti, l’acteur principal d’Accatone (1961), et avec Ninetto Davoli, notamment à propos des Oiseaux, petits et grands (1966). Des longs extraits de films viennent illustrer leurs propos.

Ce documentaire incontournable sur Pasolini, en forme de réflexion sur le langage, laisse le temps à sa pensée, à sa prosodie et à sa gestuelle de se développer. Simultanément, le film traverse plusieurs lieux clés pour comprendre sa vie et son œuvre, captant dans de nombreux mouvements de caméra le détail de constructions et de visages qui rendent toute sa touchante humanité à une personnalité trop souvent réduite à sa dimension subversive.

Pasolini, la langue du désir

Ludwig Trovato
Maison de la culture André Malraux, La Terra Trema, 1984 (2007 pour le montage actuel)

Moins de dix ans après la mort de Pasolini, Ludwig Trovato consacre son premier film à l’artiste. Un montage alterné d’entretiens passionnants donne la parole à des proches qui analysent avec précision plusieurs aspects de sa pensée. 

Pasolini, la langue du désir s’ouvre en constatant les contradictions assumées du réalisateur. Puis, les écrivains Alberto Moravia et Enzo Siciliano, les réalisateurs Ettore Scola et Bernardo Bertolucci, les acteurs Ninetto Davoli et Laura Betti, et bien d’autres intervenants, abordent en profondeur et de manière souvent discordante l’évolution de son approche du sous-prolétariat italien et l’amère déception politique qui en découle, ses convictions de « marxiste chrétien » et son rapport conflictuel au Parti communiste italien, la dimension religieuse et maniériste du « rêve littéraire » au travers duquel il voyait le monde… .

Tous brossent le portrait d’un homme opposé à toute réduction de la pensée, dont les croyances intenses n’ont eu d’égales que les violentes désillusions, et qui défendait ardemment la singularité de son désir au sein d’une société normalisée. Comme le souligne Laura Betti, Pasolini aura été le premier à « parler à la première personne du singulier », pour mieux « ouvrir les portes avec son propre corps ».

Pasolini, la passion de Rome

Alain Bergala
Zadig Productions, Cinémathèque française, 2013

Le critique et réalisateur Alain Bergala, co-commissaire de l’exposition « Pasolini Roma » à la Cinémathèque française en 2013, part sur les traces du cinéaste à Rome et dans ses environs. En filmant ses domiciles successifs, les lieux qu’il a fréquentés, ceux où il a tourné et les personnes qui l’ont connu dans la capitale italienne, il retrace la biographie de Pasolini de son arrivée à Rome en 1950 jusqu’à son assassinat sur une plage d’Ostie en 1975.

La caméra subjective déambulant dans la ville et le commentaire qui s’adresse à Pasolini en le tutoyant, comme dans une lettre, cherchent à donner au documentaire une tonalité intime. Pour autant, le propos n’est jamais voyeuriste. Pour Alain Bergala, il s’agit avant tout de raconter l’amour du réalisateur de Mamma Roma pour différents quartiers de sa ville d’adoption et de ses faubourgs, d’expliquer pourquoi ce territoire fut pour lui un sujet de réflexion et de création, et de tenter de comprendre l’amertume de Pasolini face à l’évolution de l’urbanisme romain.

À la Bpi, niveau 3, 791.6 PASO 2 – DVD

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