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Appartient au dossier : La Chine, sur la voie de la puissance

La diplomatie du panda

« Quand la Chine accepte de prêter des pandas à un pays, c’est une immense preuve de confiance et d’amitié ». Rodolphe Delord, le directeur du zoo de Beauval, résume ainsi parfaitement la stratégie chinoise pour asseoir sa suprématie politique et commerciale dans le monde et garantir de bonnes relations bilatérales : compter sur leur « trésor national », le panda géant.

L’un des pandas géants accueillis au Zoo de Beauval, Saint-Aignan, France.  Par Wayne77, CC BY-SA 4.0 via Wikimedia Commons, 2015.

L’expression « diplomatie du panda » apparaît en 1949, à la création de la République populaire de Chine ; mais dès le 7e siècle, les empereurs Tang scellaient des alliances en offrant un ursidé à leurs voisins. Cette pratique prend son essor sous l’ère communiste. En effet, face à l’engouement des pays occidentaux pour cet animal, Mao Zedong fait du panda le symbole du pays et son cadeau diplomatique par excellence. Le cadeau a d’autant plus de valeur que la Chine a le monopole de cette ressource. Durant la Guerre froide, les pandas permettent de célébrer les rapprochements avec d’autres puissances. En 1972, quand le président américain Richard Nixon reconnaît officiellement le régime chinois, un couple de pandas est offert au zoo de Washington. De même, suite à la première visite officielle d’un président français en Chine effectuée par Georges Pompidou en septembre 1973, deux jeunes pandas arrivent en France. En trente ans, une dizaine de pays d’Europe et d’Amérique du Nord reçoivent des ursidés. Il s’agissait alors de dons, même si les animaux restaient la propriété de la Chine. 

Au début des années quatre-vingt, sous la pression d’associations de défense de l’environnement alarmées par la diminution du nombre de pandas à l’état naturel, la Chine remplace les dons par des prêts à long terme, généralement de dix ans.

Enjeux stratégiques

À première vue, la diplomatie du panda est un moyen, pour la Chine, d’entamer des relations internationales ou de renforcer les liens déjà existants sur le plan politique. La Chine n’accorde ces prêts qu’au compte-gouttes et au terme de négociations au plus haut sommet de l’État. Quand un zoo souhaite accueillir un panda, le président du pays hôte doit s’entretenir avec son homologue chinois pour entériner la demande. Les négociations pour le prêt d’un couple de pandas pour le zoo de Beauval, en janvier 2012, ont duré plus de huit ans et nécessité l’intervention des présidents Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy.

Cette pratique permet aussi à la Chine de s’afficher comme une puissance engagée dans la protection d’une espèce menacée et la conservation de la biodiversité : le panda est classé « vulnérable » par l’Union internationale pour la conservation de la nature depuis 2016, après avoir été en danger d’extinction. D’ailleurs, les zoos qui reçoivent des pandas sont poussés à favoriser la natalité. Une fois sevrés, les bébés rejoignent le Centre de recherche et de reproduction de pandas de Chengdu où ils participent à la survie de l’espèce.

Enjeux économiques

Toutefois, le principal objectif est économique. Les prêts de pandas s’accompagnent généralement de la signature d’importants accords de coopération économique et de contrats commerciaux. Ainsi, en 2012, la France a accueilli un couple de plantigrades quelques semaines après la signature par Areva d’un contrat d’approvisionnement en uranium pour la Chine de près de 20 milliards d’euros. En 2018, suite à la naissance d’un panda et au cours d’une visite d’État en Chine, le président Emmanuel Macron a signé plus d’une cinquantaine d’accords commerciaux. 

La location de pandas est un investissement important que peu de zoos peuvent se permettre. En effet, ces derniers doivent financer le voyage des animaux et recréer sur place leur environnement naturel de vie. À cela s’ajoutent les frais pour l’équipe animalière envoyée par la Chine durant les deux premières années d’acclimatation et à chaque naissance. Mais surtout, les zoos doivent s’acquitter annuellement d’une somme pouvant atteindre un million de dollars, avec un surplus allant jusqu’à 600 000 dollars en cas de naissance. Ces fonds participent au financement de programmes de recherche scientifique, de reproduction et de conservation de l’espèce dans les centres chargés de la protection des pandas du Sichuan. Ces opérations restent néanmoins rentables pour les zoos grâce à la « pandamania » : chaque prêt de ces grosses peluches est un événement, attirant des millions de personnes et augmentant le chiffre d’affaires des zoos.

Source de crispations

La « diplomatie du panda » permet parfois d’exposer les sujets de tension. Ainsi, en 2006, les autorités taïwanaises ont refusé d’accueillir deux pandas pourtant offerts par la Chine. Ils dénonçaient alors une manœuvre politique leur imposant de reconnaître Taïwan comme une simple province chinoise. Les deux pandas ont finalement rejoint Taipei en 2008, après l’arrivée au pouvoir d’un parti nationaliste qui a entamé un rapprochement avec le régime chinois. 

Par ailleurs, les négociations pour le prêt du couple de pandas à la France ont été ralenties en 2008 par une manifestation en faveur du Tibet qui a perturbé le passage de la flamme olympique à Paris et par la rencontre entre Nicolas Sarkozy et le Dalaï-lama. 
Emblème de la force tranquille chinoise, ces « panda-ambassadeurs » renvoient une image plus rassurante que celle du dragon, et pour la Chine, celle d’un développement doux et pacifique. Un parfait soft power, à rapprocher d’autres initiatives culturelles et sportives, comme l’organisation des Jeux olympiques à Pékin en 2008 et celle de l’Exposition universelle à Shanghai en 2010 ou bien la création de plus de 500 Instituts Confucius dans le monde.

Publié le 20/09/2021 - CC BY-SA 4.0

Pour aller plus loin

Carte des zoos accueillant des pandas │panda.fr

Le site d’actualité tenu par Jérôme Pouille, Pambassadeur depuis 2012, propose une carte des zoos accueillants des pandas et de nombreuses ressources sur les pandas.

ZooParc de Beauval

Le ZooParc de Beauval donne des nouvelles de ses pandas prêtés par la Chine, sur son site. En août 2021, des jumelles pandas sont nées : Petite neige et Fleu de coton. Leur naissance a fait l’objet d’une couverture médiatique très large.

Comment les pandas servent les intérêts de la Chine depuis 1941 │Le Parisien, août 2021

La naissance de deux pandas au zoo de Beauval est l’occasion de revenir sur le panda comme « ambassadeur » de la Chine pour de nombreux médias. Le Parisien invitait Antoine Bondaz, spécialiste de la Chine, sur le sujet.

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