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Appartient au dossier : La Chine, sur la voie de la puissance

La santé, un enjeu politique

À son arrivée à la présidence de la République populaire de Chine en 2013, Xi Jinping a rapidement signifié son souhait de voir l’influence chinoise se renforcer sur le plan international. Les questions sanitaires, considérées avec grand intérêt jusqu’alors, sont devenues cruciales avec l’émergence de la Covid-19.

Vaccin sur carte du monde


De la diplomatie du masque…

Premier pays touché par l’épidémie, la Chine a bénéficié d’une aide internationale conséquente au début de l’année 2020, dont la fourniture en février de plus de 50 tonnes de matériel médical par l’Union européenne. Un mois plus tard, alors que le virus touchait la majeure partie du globe, la Chine sortait de la crise. En l’espace de quelques mois, elle a multiplié par douze ses capacités de production de matériel médical, ce qui lui a permis d’aider les pays les plus touchés. Deux organisations caritatives chinoises ont ainsi offert à la France un million de masques, un geste accompagné d’une commande du gouvernement français d’un milliard de masques.
Cette politique de générosité, nommée diplomatie du masque, a été l’objet de vives critiques venues d’Europe et d’Amérique du Nord. Jean-Pierre Cabestan, professeur de Sciences politiques à la Hong Kong Baptist University, explique dans Marianne en mars 2020 que « la diplomatie du masque a […] très vite agacé Bruxelles, notamment son double langage, insistant sur sa propre générosité tout oubliant l’aide initiale que l’UE lui avait apportée. D’autant que l’aide généreuse a souvent consisté en masques défectueux et chers ». Sur son blog, Josep Borrell, vice-président de la Commission européenne, constate une « bataille de narratifs » dans laquelle la Chine chercherait à se positionner comme un partenaire plus « fiable » que les États-Unis et tenterait même de « discréditer l’UE ».

à celle du vaccin


Le vaccin occupe désormais une place centrale dans la politique diplomatique chinoise. Il s’agit pour la Chine de redorer son image écornée en proposant un produit bon marché, le Sinovac, aux pays en développement, et de se placer comme un interlocuteur de premier plan. L’efficacité et l’innocuité du Sinovac sont des préoccupations majeures du gouvernement chinois, selon Huang Yanzhong, responsable des questions de santé au Council on Foreign Relations (CRF), car la Chine doit éviter une nouvelle polémique.

Sur le plan diplomatique, l’envoi d’1,2 millions de doses du Sinovac vers le Liban, l’Inde ou le Brésil en 2020 a suscité des critiques. Le gouvernement chinois a été accusé de multiplier les relations bilatérales plutôt que de favoriser la coopération internationale. Aussi, depuis la fin de l’année dernière, quatre firmes chinoises participent à COVAX, un programme de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) destiné à « accélérer la mise au point et la fabrication de vaccins contre la Covid-19 et d’en assurer un accès juste et équitable, à l’échelle mondiale ». Selon Antoine Bondaz, de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), cet engagement n’est pas totalement désintéressé : il permettrait à deux grandes entreprises chinoises de compter dorénavant parmi les leaders mondiaux du secteur de la santé.


Une diplomatie ancienne


La diplomatie sanitaire chinoise a une histoire ancienne, notamment en Afrique. Dès 1963, la Chine envoie du personnel médical en Algérie. Entre les années 1960 et 2010, le pays aurait envoyé plus de 20 000 personnels de santé sur le continent africain, mouvement qui culmine en 2014 avec l’épidémie d’Ebola. Pour faire face à ce fléau, la Chine déploie alors sur place des équipes médicales de près de 1 200 personnes. Elle apporte également sa contribution financière à la lutte contre ce virus à hauteur de 150 millions de dollars.

Cette diplomatie sanitaire s’inscrit au sein d’un projet plus vaste, économique et technologique : les « nouvelles routes de la soie » (Belt and Road Initiative) visent à relier les économies mondiales grâce à des routes commerciales terrestres et maritimes, jusqu’en Europe et en Afrique. Ce projet d’envergure a été lancé dès 2013 par Xi Jinping. À ce titre, la Chine a développé dès 2015 un volet sanitaire des « routes de la soie », lancé officiellement en 2017. Dans ce cadre, l’Italie, qui avait déjà signé un accord dès 2019 pour intégrer les « nouvelles routes de la soie », s’est vue proposer par la Chine une aide sanitaire au moment où la péninsule faisait face à la première vague de l’épidémie de Covid-19.

En parallèle aux envois de personnel et de matériels, la Chine participe régulièrement à la construction in situ d’infrastructures sanitaires qui concrétisent et renforcent son réseau d’influence. Elle a ainsi lancé la construction en décembre 2020 à Addis Abeba en Éthiopie du Centre africain de contrôle et de prévention des maladies.

Enfin, la diplomatie sanitaire chinoise s’incarne au sein même des instances internationales. À ce titre, la République populaire a joué de toute son influence pour faire élire l’éthiopien Tedros Adhanom Ghebreyesus contre ses concurrents britanniques et pakistanais à la tête de l’Organisation mondiale de la santé, organisation dont elle est désormais le deuxième contributeur financier après les États-Unis.

Forte de son poids financier et politique, la Chine a largement médiatisé ses succès tout au long de la pandémie de Covid-19 dans le traitement voire l’éradication du virus sur son sol. Avec un faible total de décès (4 636 morts officiels au 24 août 2021), face aux supposées impréparations et inefficacité des puissances occidentales comme les États-Unis ou la France, avec respectivement 630 000 et 114 000 décès recensés au 24 août 2021, elle n’a cessé de mettre en avant l’efficacité et l’exemplarité de son système de gouvernance (confinement drastique, construction rapide d’hôpitaux provisoires, envois massifs de masques…). 

Publié le 01/11/2021 - CC BY-SA 4.0

Pour aller plus loin

L’OMS, la pandémie et l’influence chinoise : un premier bilan | Institut Montaigne

Analyse de François Godement, Conseiller pour l’Asie à l’Institut Montaigne.

La contribution croissante de la Chine à la santé publique sur la scène nationale et internationale │OMS, 2016

Ce discours du Directeur Général de l’OMS, la Dr Margaret Chan, du 18 novembre 2016, fait un bilan des actions et des promesses chinoises avant la pandémie.

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