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Les MOOC, une révolution de la formation ?

Les MOOC (Massive Open Online Courses) sont apparus en France dans les années deux-mille-dix. Ces cours en ligne réalisés par des personnalités ou des écoles renommées, accessibles sans condition, devaient révolutionner l’apprentissage numérique en permettant à chacun de se former en autonomie. Dix ans et une crise sanitaire plus tard, les MOOC ont-ils tenu leurs promesses ? La question est posée pendant la conférence en ligne Je MOOC, tu MOOCs… Comment apprendre en ligne ? organisée par la Bpi, le 11 février 2021.

Une explosion de l’offre

Les nouvelles technologies ont révolutionné l’enseignement à distance en le rendant accessible au même moment et le plus souvent gratuitement à toutes les personnes disposant d’une connexion Internet.. En 2011, les premières plateformes de MOOC, Udacity et Coursera, accueillent les cours en ligne de plusieurs universités. Cependant, les établissements français sont peu présents. L’État décide donc de développer une nouvelle plateforme pour les promouvoir. Il crée en 2013 la plateforme FUN (France université numérique). En 2020, FUN revendique plus de 6 millions d’inscriptions à 547 MOOC diffusés et plus de 130 partenaires producteurs de MOOC et SPOC (dispositif privé à destination des salariés d’entreprises). L’offre de MOOC et de plateformes de MOOC s’est tellement développée que des annuaires de MOOC se créent. L’un d’eux, My mooc, classe et référence plus de 10 000 MOOC. My Mooc établit également un bilan annuel qui souligne la vitalité du secteur et la diversité des sujets abordés.

En 2020, la production de MOOC et les connexions à ceux-ci ont explosé en raison du confinement. Le nombre de MOOC augmente de 51 % entre 2019 et 2020. Le bouleversement du rythme de travail dû à la pandémie libère parfois davantage de temps qu’auparavant pour se former ou se réorienter par ce biais. Ces tendances devraient se poursuivre en 2021 car l’offre s’enrichit en MOOC permettant aux étudiants de s’orienter, et à tous de se former, par exemple sur l’environnement ou la citoyenneté.

Une réalité moins optimiste

Toutefois, si le nombre d’inscriptions aux MOOC est impressionnant – plus de 2 millions pour les MOOC de la plateforme FUN –, seuls 50 % des inscrits ouvrent le MOOC à la date de lancement. Le réseau Canopé dresse le même bilan à propos de son MOOC sur la classe inversée :

Sur les 9 300 inscrits, seulement 1 025 ont terminé le MOOC soit 11,02 % et 958 ont obtenu une attestation soit 10,30 %. Sachant que depuis le début du MOOC près de la moitié des inscrits ne se sont jamais connectés, ce qui donne à réfléchir sur la réalité et la signification des chiffres avancés.

Bien que le niveau d’engagement soit précisé dès l’inscription avec l’indication du nombre d’heures par semaine et de la durée du MOOC, nombreux sont ceux qui abandonnent par manque de temps, parce qu’ils avaient surestimé leur niveau de compétence de base, parce qu’ils rencontrent des difficultés avec l’outil informatique ou que leur motivation baisse. D’autre part, le parcours proposé ne répond pas toujours aux attentes des participants qui restent passifs et picorent l’information qui les intéresse. Les certifications, facultatives et seul acte soumis à paiement des MOOC, souffrent d’un manque de reconnaissance auprès des recruteurs et ne suffisent pas à motiver les apprenants.

Quant au profil des participants, il correspond à une infime part de la population : les hommes jeunes et très diplômés. Les MOOC sont de plus en plus produits en langue anglaise pour une question de rentabilité sur un marché international.

Des MOOC qui se réinventent

Peu de bilans sur les MOOC sont réalisés, mais ils font tous le même constat : l’aspect magistral favorise le décrochage par manque d’engagement et de motivation.

Certains producteurs de MOOC réagissent et soignent l’accueil des participants. L’ergonomie de l’interface et les outils de partage favorisent l’interaction avec l’équipe pédagogique. D’autres encouragent le partage et les corrections entre pairs pour construire une communauté basée sur le partage et la responsabilité, comme le MOOC « Gestion de projet » proposé par Centrale Lille qui propose sa 17e session en 2021.

Dans son essai MOOC : engagement et apprentissage (2020), Catherine Tcheng Blairon partage son expérience sur les différentes versions du MOOC « Innovation publique territoriale » du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), remaniées pour favoriser l’engagement des participants. Elle propose une co-construction des contenus et une version augmentée avec l’organisation d’événements en présentiel. 

Capture d’écran du Mooc « Innovation publique territoriale » sur FUN Mooc.

Le MOOC « Gestion de projet » proposé par Centrale Lille favorise le partage et les corrections entre pairs pour construire une communauté basée sur le partage et la responsabilité. De son côté, le Centre Pompidou s’est attaché à produire un parcours non-linéaire pour les « picoreurs ». 

Les MOOC sont désormais structurés de plusieurs manières. Les xMOOC consistent en des cours vidéo réalisés par un enseignant. Les cMOOC sont basés sur l’interaction des participants, facilitée par un enseignant. Les tMOOC associent instruction et socio-constructivisme en invitant les participants à mettre en commun leurs compétences pour réaliser des tâches. Les MOOC peuvent également s’adresser, aujourd’hui, à des publics captifs. Les SPOC (Small Private Open Courses) sont réservés à des groupes et les COOC (Corporate Open Online Courses) sont fabriqués par des entreprises pour leurs salariés.

Quel avenir pour les MOOC ?

Le modèle économique des MOOC évolue. La majorité des MOOC sont gratuits avec en option la certification payante. Toutefois, certains MOOC deviennent payants. Certains MOOC américains délivrent des crédits universitaires. En France, des plateformes comme OpenClassroom proposent des formations payantes et diplômantes sur des spécialités pointues, d’autres des abonnements pour accéder à leur catalogue de formation continue.

Certaines formations ne peuvent se dérouler uniquement à distance car elles nécessitent des travaux pratiques : se former à l’impression numérique nécessite l’accès, à un moment, à une imprimante numérique. De plus, toutes les formations en ligne réclament de l’assiduité, de la motivation et de l’attention, ce qui nécessite parfois un soutien personnalisé en ligne, voire en présentiel.  

Lors du congrès de l’ABF (Association des bibliothécaires de France) de 2018, Angie Gaudion, bibliothècaire formatrice, faisait découvrir des expériences de médiation autour des MOOC en bibliothèque. Les usagers étaient invités à suivre et partager un MOOC ensemble, au cours de rendez-vous réguliers, reconstituant ainsi une classe d’apprenants en présentiel. Partager un même espace physique fluidifie et enrichit les échanges. Cela permet aussi de s’appuyer les uns sur les autres pour résoudre d’éventuels problèmes techniques. Les rendez-vous constituent une contrainte supplémentaire motivante.

Les entreprises et les écoles ont également un rôle de médiateur à jouer pour favoriser ces formations à distance. Un meilleur suivi est constaté lorsque le MOOC est recommandé par l’entreprise ou intégré dans un parcours de formation. Le confinement de mars 2020, en rendant difficile la mise en place de formations en présentiel, a permis de mettre en valeur les qualités des MOOC auprès de ces prescripteurs. Ils ont pu disposer d’un large catalogue de formations adaptées au mode à distance, éprouvées et gratuites.

Publié le 08/02/2021 - CC BY-SA 4.0

Pour aller plus loin

Pourquoi les MOOC ne tiennent pas leurs promesses │ Havard Business Review, août 2018

S’ils ont suscité un grand nombre d’espoirs à leur apparition, les cours en ligne ouverts et massifs peinent à convaincre, mais il reste encore de nombreuses possibilités à explorer.

La nuit des moocs-vivants │ Thot Cursus, octobre 2018

Si le bilan des MOOC n’est pas satisfaisant, les producteurs de MOOC ont tiré des leçons de leurs expériences et s’orientent vers des MOOC plus interactifs.

Analyse des parcours des apprenants du MOOC « La classe inversée à l’ère du numérique »

Dans ce document à télécharger, des chercheurs du Laboratoire Techné de l’université de Poitiers dressent le bilan quantitatif et qualitatif du MOOC « La classe inversée à l’ère du numérique » produit par le réseau Canopé.

Quatre années de MOOC. Bilan de 2013 à 2016 │ Institut Mines Technologies

L’Institut Mines Technologies dresse le bilan de quatre années de MOOC .

Apprendre en ligne : quel avenir pour le phénomène MOOC ?

Nicolas Oliveri
L'Harmattan, 2016

Présentation des MOOC sur un plan pédagogique, technique et économique.

À la Bpi, niveau 2, 371.36 OLI

MOOC : engagement et apprentissage. L'ingénierie pédagogique au service de l'apprenance

Catherine Tcheng Blairon
L'Harmattan, 2020

Comment soutenir l’engagement des participants à un MOOC tout au long du dispositif ? À partir d’une enquête portant sur les deux premières saisons du MOOC « Innovation Publique Territoriale » du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et de son expérience en ingénierie pédagogique, Catherine Blairon tente d’apporter des réponses.

Je MOOC, tu MOOCs… Comment apprendre en ligne ? | Bpi (2021)

À l’heure où les usages numériques explosent, où les ressources et formations en ligne se multiplient, quelles “nouvelles” façons d’apprendre s’esquissent-elles en cette période de crise sanitaire ? Comment apprentissages en présentiel et à distance, en groupe et en autonomie tentent-ils de se conjuguer, à tous les âges de la vie ? Dans cette actualité, les MOOCs (Massive Open Online Courses), cours en ligne gratuits et ouverts à tous sur inscription, nés à la fin des années 2000, trouvent toute leur place : passé l’effet de mode des premières années, la production de MOOCs perdure, revivifiée depuis l’an dernier par la mutation des pratiques et le développement de nouveaux dispositifs hybrides. Mais apprend-on de la même façon en ligne, en présentiel, à travers des formations mixtes ou hybrides ? Et quelles limites pour ces dispositifs reposant quasi exclusivement sur le numérique ?

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