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Appartient au dossier : Les premiers aventuriers du cinéma

Les premiers aventuriers du cinéma #1 : Alexandre Promio

À la fin du 19e siècle, le réalisateur et opérateur Alexandre Promio parcourt le monde au service de la maison Lumière, nourrissant par ses reportages un important catalogue de « vues photographiques animées ». Balises revient sur son itinéraire à l’occasion du cycle « À l’aventure ! » organisé par la Cinémathèque du documentaire à la Bpi au printemps 2022.

Des hommes marchant sur un quai et regardant l'objectif de l'appareil que l'on devine posé sur un train en marche
Alexandre Promio, Départ de Jérusalem en chemin de fer, vue Lumière n°408, 1897

Alexandre Promio (1868-1926) rejoint l’entreprise lyonnaise des frères Lumière au début de l’année 1896. Il entame quelques mois plus tard une longue série de voyages à l’étranger afin de promouvoir le cinématographe – appareil d’enregistrement et de projection d’images animées – et d’enrichir le catalogue des frères Lumière. Alexandre Promio réalise ainsi de nombreuses vues documentaires en Espagne, en Italie, en Angleterre, aux États-Unis, en Algérie, en Égypte ou encore au Proche-Orient sous domination ottomane. Il s’attarde par exemple sur les paysages naturels, la frénésie des métropoles, les défilés militaires et les scènes à caractère ethnographique. D’autres de ses vues s’apparentent à des reportages d’actualité. Il couvre notamment, au cours de l’année 1897, la visite du roi Oscar II à l’Exposition d’art et d’industrie de Stockholm, le jubilé de la reine Victoria à Londres, et la visite du président Félix Faure en Russie. Au total, le catalogue Lumière répertorie 348 vues tournées par Alexandre Promio entre 1896 et 1905.

Ses voyages l’amènent à explorer les potentialités techniques et esthétiques du cinématographe, développant ainsi une première réflexion théorique sur le temps, l’espace, la lumière et le mouvement. Il expérimente avec le hors-champ dans Ânes (vue Lumière n°198, 1896) – les bêtes de somme faisant irruption dans le champ pour le traverser –, avec la perspective dans Whitehall Street (vue Lumière n°329, 1896) – les chevaux arrivant de la droite venant briser la ligne de fuite –, ou encore avec les contrastes entre niveaux de plan dans Les Pyramides (vue générale) (vue Lumière n°381, 1897) – le passage des chameliers tranchant avec l’immobilité du Sphinx dont ils semblent suivre le regard. Alexandre Promio signe aussi, à la fin de l’année 1896, deux des premiers travellings de l’histoire du cinéma : Panorama du Grand Canal pris d’un bateau et Panorama de la place Saint-Marc pris d’un bateau (vues Lumière n°295 et 296, 1896). Il ne s’agit plus ici d’un mouvement dans l’espace comme avec les soldats ou les tramways des vues espagnoles ou américaines, mais d’un mouvement dans le temps : le cinématographe posé sur une embarcation descendant le Grand Canal voit défiler les bâtiments environnants.

Cette construction se retrouve à plusieurs reprises dans les vues photographiques animées enregistrées par Alexandre Promio au cours des mois suivants, et notamment dans Départ de Jérusalem en chemin de fer (vue Lumière n°408, 1897), qui illustre bien la réflexion développée par cet opérateur précurseur durant cette année de voyages. On y distingue à la fois un travail sur le mouvement – le cinématographe est installé sur un train quittant une gare, entre travelling arrière et travelling latéral – et un usage du hors-champ – le train est invisible, mais se devine au défilement des rails. Alexandre Promio introduit aussi un regard caméra : les hommes présents sur le quai observent et saluent l’opérateur et son appareil, dans un dialogue entre objet filmant et sujet filmé. À l’instar d’autres vues rapportées des États-Unis ou du Proche-Orient, cet enregistrement présente enfin une dimension anthropologique : les costumes des individus regroupés sur le quai suggèrent différentes appartenances religieuses ou communautaires. Alexandre Promio documente donc aussi, par cette vue, la diversité de la population de Jérusalem au tournant du siècle. S’initiant à la mise en scène en composant ses plans et en dirigeant des figurants, il acquiert ainsi l’expérience qui lui permettra de réaliser, à partir de 1897, les premières fictions de la société Lumière.

Publié le 04/04/2022 - CC BY-SA 4.0

Pour aller plus loin

Alexandre Promio ou les Énigmes de la lumière

Jean-Claude Seguin
L'Harmattan, 1999

Cet ouvrage biographique retrace le parcours d’Alexandre Promio, de ses voyages pour la société Lumière à son travail pour le Service cinématographique du Gouvernement général d’Algérie en passant par la direction de la société Théophile Pathé.

À la Bpi, niveau 3, 791.6 PROM 2

Opérateur : Alexandre Promio | Catalogue-Lumière.com

Conçu par la classe Conception Multimédia de l’École d’Arts Appliqués de la Chaux-de-Fonds, sous la direction de Manuel Schmalstieg et à partir de l’ouvrage La Production cinématographique des frères Lumière dirigé par Michelle Aubert et Jean-Claude Seguin, ce catalogue répertorie l’ensemble des films produits par la société Lumière entre 1895 et 1905. Les vues sont classées par lieu, par date ou événement, et par opérateur. L’entrée consacrée à Alexandre Promio comprend 348 films.

Fonds d'aide au jeu vidéo (FAJV) | CNC

Les vues d'Alexandre Promio dans les collections patrimoniales du CNC

De nombreux titres de la société Lumière et d’Alexandre Promio sont à retrouver dans les Archives françaises du film gérées par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). Ces films restaurés et numérisés sont accessibles dans deux centres de consultation du CNC, à Bois d’Arcy et à la Bibliothèque nationale de France (site François Mitterrand).

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