Série

Appartient au dossier : Les robots, la BD et nous

Les robots, la BD et nous 2/4 : Les dérives du transhumanisme

Sur cette image extraite d’Adulteland de Yeong-Jin Oh, le patron d’une entreprise et son associé discutent des vertus d’un robot conversationnel qu’ils ont acquis dans des conditions troubles.
De nombreuses bandes dessinées de science-fiction invitent androïdes et gynoïdes de service ou de combat dans des récits interstellaires aussi divertissants que fantaisistes. Mais lorsque les intelligences artificielles apparaissent dans des fictions graphiques plus réalistes, qu’est-ce que ces histoires racontent de notre rapport aux nouvelles technologies ?
Dans le cadre du cycle de rencontres proposé par la Bpi autour des intelligences artificielles, Balises a sélectionné quatre bandes dessinées contemporaines qui évoquent l’impact sur nos sociétés de technologies comme le deep learning, le transhumanisme, ou les réseaux de données. Suspense et émotion à la clé !

Deux hommes discutent des vertus d'une gynoïde.
Adulteland, Yeong-Jin Oh (FLBLB, 2014)

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Sur cette image issue d’Adulteland de Yeong-Jin Oh, le patron d’une entreprise de robots conversationnels décrit avec affection les capacités relationnelles de sa machine préférée. Quelques cases plus tôt, son associé s’inquiétait à l’idée que celle-ci ressente des émotions.
Adulteland décrit en effet un univers pesant dans lequel des personnages désabusés peinent à entretenir des relations sociales, mais où le héros découvre le bonheur de converser avec le robot Yogi, qui paraît connaître intimement l’un de ses collègues.
Le contraste du noir et blanc et les traits graphiques qui esquissent les silhouettes contribuent à atténuer les différences entre humains et robots. Ils ajoutent également une épaisseur poisseuse à ce récit d’anticipation dans lequel plusieurs temporalités enchâssées permettent de découvrir progressivement la vérité sur l’identité de ce chatbot plus humain que nature.

Adulteland explore les limites entre humain et robot. Les hommes y projettent des émotions et croient voir de la vie sur une intelligence artificielle aux capacités d’apprentissages surdéveloppées et à l’aspect humanoïde.
D’un autre côté, cette bande dessinée coréenne se demande jusqu’où et dans quelles conditions le recours aux robots permet de prolonger la vie humaine au sein d’une société qui tend à marchandiser les corps. Métaphysique et glaçant.

Publié le 17/10/2018 - CC BY-NC-SA 4.0

Sélection de références

Adulteland

Yeong-Jin Oh
FLBLB éditions, 2014

À la Bpi, niveau 1, MA ADU

Le Cas Alan Turing : histoire extraordinaire et tragique d'un génie

Éric Liberge & Arnaud Delalande
Les Arènes, 2015

Le Cas Alan Turing dresse le portrait de celui qui a permis de déchiffrer les codes nazis grâce à une intelligence artificielle pendant la Seconde Guerre mondiale, et qui s’est suicidé en croquant une pomme empoisonnée après sa condamnation pour homosexualité au début des années cinquante.
Le récit s’ouvre et se clos sur la mort de Turing, fait quelques incursions dans son enfance, et déroule principalement le fil des déductions qui lui ont permis de construire Colossus durant la guerre. Cette machine, ancêtre de l’ordinateur, constitue le “premier calculateur électronique fondé sur le système binaire, programmé à l’aide de panneaux tabulateurs” et doté “d’une mémoire électronique interne”. Au fil des pages, il est donc principalement question de formules mathématiques, de demandes de financements et de raisonnements logiques.
Le trait est réaliste et assez classique, alternant scènes de vie aux longs dialogues, et surimpressions qui matérialisent les intuitions, les rêveries et les fantasmes d’Alan Turing. Cependant, le dessin paraît ne prétendre qu’illustrer un discours didactique assez dense et parfois rébarbatif pour qui n’est pas féru de technologie, malgré une atmosphère de cauchemar ponctuellement assez envoûtante. Bref, Le Cas Alan Turing possède d’évidente vertus pédagogiques, mais peine à passionner son lecteur.

À la Bpi, niveau 1, AL CAS

L'Intelligence artificielle : fantasmes et réalités

Jean-Noël Lafargue & Marion Montaigne
Le Lombard, 2016

Gladys est un robot du futur, chargé de retourner en 2016 accompagné de son “cérébro-guide” Google pour comprendre comment humains et intelligences artificielles en sont arrivés à s’entre-détruire. A partir de cette trame fictionnelle, Jean-Noël Lafargue et Marion Montaigne retracent de manière ludique et synthétique les grandes étapes du développement des intelligences artificielles, en démontant les clichés qui leur sont associés.
Il est question de la vallée de l’étrange, du mythe de la singularité, de méthode cognitive ascendante ou encore de robots résilients, mais tout devient limpide grâce à l’entrelacement des informations et de l’humour, situé autant dans le texte que dans les images de Marion Montaigne. Tout en étant drôle à chaque page, ce petit livre n’oublie pas de souligner l’absence criante des femmes au fil de l’histoire des techniques informatiques, ou encore le pouvoir vertigineux de Google. Surtout, c’est par l’humour qu’il fait la démonstration de quelques écarts irréductibles entre humains et machines : rire, sens commun et pulsion de destruction n’appartiennent qu’à nous.

À la Bpi, niveau 1, RG MON I

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