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Appartient au dossier : Comment traduire une œuvre ?

Entendre les langues, en chanter les sens 2/3
Dominique Vittoz : Traduire une langue inventée

Dominique Vittoz est amoureuse de l’Italie, de sa langue, de sa littérature et de son histoire. Elle a enseigné l’italien en tant que professeur agrégée pendant vingt-six ans. Depuis treize ans, elle vit de son métier de traductrice littéraire de l’italien vers le français.

mosaïque d'une scène de chasse en Sicile
Villa del Casale, Sicile, par psub [CC BY-SA 2.0)] via Wikipedia Commons

Pour transposer La Saison de la chasse, où Andrea Camilleri fait résonner les harmoniques du sicilien de son enfance au-dessus des accords nationalisés de la langue italienne, Dominique Vittoz, qui avait déjà traduit pour les éditions Fayard La Concession du téléphone du même auteur, doit trouver une solution originale. Afin de recréer une langue qui sera celle d’Andrea Camilleri en français pour la veine historique de ses romans, elle cherche un équivalent du sicilien dans les langues régionales françaises. Il lui revient alors en mémoire la voix de sa grand-mère qui, outre sa parfaite maîtrise du français national, parlait le francoprovençal.

À l’époque de cette traduction, Dominique Vittoz habite Lyon, au cœur de la région où cette langue s’est déployée. Elle suit des cours de ce parler lyonnais afin de le mélanger au français, pour obtenir une langue métissée, à l’image de celle inventée par Andrea Camilleri et qui fait tout le charme de son écriture. La tension entre les deux registres de langues, où s’expriment les tensions sociales, impulse la progression tragi-comique du récit.

Un lexique est présent à la fin du volume pour connaître la traduction exacte des termes francoprovençaux. Mais bientôt le lecteur s’aperçoit qu’il sait déjà lire cette langue nouvelle, si drôlement belle :

« Elles mangeaient, chantaient, faisaient joliment marcher le batillon, manquablement se testicotaient et puis, au bout d’une demi-heure, tout ce monde patalait jusqu’à la vigne, pour y rester jusqu’à tant que le soleil se couche. »

Article initialement paru dans de ligne en ligne n°29

Publié le 21/05/2019 - CC BY-SA 4.0

Sélection de références

La Concession du téléphone

Andrea Camilleri
Fayard, 1999

À la Bpi, niveau 3, 850″19″ CAMI.A 4 CO

La Saison de la chasse

Andrea Camilleri, traduit de l'italien par Dominique Vittoz
Fayard, 2001

À la Bpi, niveau 3, 850″19″ CAMI.A 4 ST

Nouvelle fenêtre

Camilleri, crédit lyonnais. Un article de Libération

Le succès des livres d’Andrea Camilleri, régulièrement en tête des best-sellers en Italie, repose en bonne part sur leur langue, cet « italien sale » comme il l’appelle, où s’entremêle l’italien et le dialecte sicilien. Jamais il n’a voulu ajouter de lexique à la fin de ses ouvrages. Un article de Marc Semo, Libération, 8 mars 2001.

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