Appartient au dossier : Serge Gainsbourg, le temps d’une chanson
8 livres pour redécouvrir Serge Gainsbourg
Du cabaret Madame Arthur aux années Gainsbarre, en passant par les albums-concept et les incursions dans la littérature et le cinéma, comment appréhender l’œuvre plurielle de Serge Gainsbourg ? Balises vous propose une sélection d’ouvrages pour redécouvrir l’itinéraire artistique de cet auteur-compositeur-interprète, alors que la Bpi lui consacre une exposition au premier semestre 2023.
Ces suggestions de lecture offrent de multiples portes d’entrée : des reproductions de manuscrits éclairant le travail de création et les ambitions de Gainsbourg ; des entretiens et des photographies dans lesquels il se dévoile ou se met en scène ; et des biographies et analyses nourries de documents inédits, d’anecdotes et de témoignages de ses proches et de ses collaborateur·rices, interrogeant la genèse de ses albums, la création de son personnage public ou encore ses emprunts au dandysme.
Publié le 02/01/2023 - CC BY-SA 4.0
Traces
Les Petits Papiers de Serge Gainsbourg
Laurent Balandras
Textuel, 2022
Ce beau livre donne à découvrir des partitions, brouillons, dessins, notes de travail et autres traces écrites de Gainsbourg : plus de quatre cents pages manuscrites en fac-similés présentant, dans un ordre chronologique, des documents issus des collections de la Sacem, des collaborateur·rices de l’artiste et de sa fille Charlotte.
Leur retranscription aide à déchiffrer la calligraphie difficilement lisible de Gainsbourg et éclaire son cheminement artistique et le processus de création de chaque chanson. L’ensemble est accompagné d’éléments biographiques et contextuels, ainsi que de nombreux commentaires de Laurent Balandras, éditeur musical et auteur spécialiste de la chanson française. Cette nouvelle édition d’un ouvrage paru en 2011 sous le titre Les Manuscrits de Serge Gainsbourg. Brouillons, dessins et inédits (Textuel) est enrichie de nouveaux manuscrits et fait écho à l’ouverture prochaine de la Maison Gainsbourg à Paris.
Gainsbourg raconte sa mort
Bayon et Serge Gainsbourg
Grasset, 2001
Ce recueil rassemble deux entretiens entre Gainsbourg et le journaliste Bayon. Enregistrés en septembre 1981 et août 1984, ils ont d’abord été publiés dans le quotidien Libération, en version abrégée. Une transcription intégrale a ensuite été divulguée dans l’ouvrage Gainsbourg, mort ou vices en 1992 (Grasset). Gainsbourg raconte sa mort en est une réédition, sous un titre différent, commémorant les dix ans de la mort de l’artiste.
Le premier entretien aborde le sujet de la mort, tandis que le second évoque, sans concession, le thème du vice et la vie sexuelle de Gainsbourg, dont on retrouve ici les provocations caractéristiques. Chacune des deux retranscriptions est précédée d’une introduction de Bayon, qui évoque brièvement son approche des interviews et ses liens avec Gainsbourg.
Gainsbourg, 5 bis rue de Verneuil
Tony Frank et Jean-Pierre Prioul
EPA, 2017
Cet ouvrage s’apparente à une visite sur papier de la maison parisienne de Gainsbourg à travers les clichés de Tony Frank, photographe attitré de l’artiste, et les commentaires de Jean-Pierre Prioul, ami du chanteur et gestionnaire de cet hôtel particulier. Après une courte préface de Charlotte Gainsbourg, qui voit dans ce lieu un véritable « compagnon de vie » de son père, le parcours se fait pièce par pièce : le grand salon, la cuisine, la bibliothèque, la chambre de poupées, la salle de bains, la chambre et la façade sont ainsi dévoilés et commentés.
On y retrouve quelques portraits de Gainsbourg et de ses proches, mais surtout des photographies de ce lieu qu’il habita et qui l’habita pendant plus de vingt ans. L’appareil de Tony Frank s’attarde sur la décoration des pièces et l’accumulation d’objets – mobilier, disques, livres, œuvres d’art, photographies et affiches encadrées… Des citations de Gainsbourg, mises en exergue au début de chaque chapitre, ponctuent la visite et éclairent sa relation intime à ce lieu mi-privé mi-public, qui participe à la construction du personnage : « C’est ici qu’il composait, ici qu’il accueillait ses amis et qu’il aimait se reposer à l’abri du monde et de la lumière du jour. C’est également là qu’il recevait parfois les journalistes et la télévision, donnant de lui-même l’image en ordre d’un intérieur riche et fourmillant. »
Traversées biographiques
Gainsbourg
Gilles Verlant
Albin Michel, 2000
Considéré comme l’une des biographies de référence de Gainsbourg, ce livre retrace la vie de l’auteur-compositeur-interprète sur plus de sept cents pages. Le texte évoque bien sûr sa carrière et son style artistique, mais aussi son parcours individuel, ses relations personnelles, ses ambitions et ses paradoxes. L’ensemble est complété d’une discographie et d’une filmographie.
Le journaliste Gilles Verlant s’appuie sur des entretiens avec les proches de Gainsbourg, sur des archives familiales – les lettres manuscrites de son père, par exemple – et sur des interviews publiées dans la presse, mais aussi, et surtout, sur des propos recueillis auprès de Gainsbourg lui-même. Ami du chanteur, Gilles Verlant a entamé ce travail biographique de son vivant et avec son accord. Cette proximité transparaît tout au long du livre.
Serge Gainsbourg en dix leçons
Bertrand Dicale
Fayard, 2009
Journaliste et biographe spécialiste de la chanson française, Bertrand Dicale transpose ici par écrit ses interventions d’abord présentées à la Cité de la Musique. Les dix leçons évoquent autant d’attitudes ou d’étapes dans la trajectoire artistique de Gainsbourg : être différent, décevoir, échouer, vendre, choquer, persévérer, triompher, durer, s’éparpiller et mourir. L’ensemble forme un ouvrage de presque trois cents pages, nourri notamment de références aux livres de Gilles Verlant et Laurent Balandras cités ci-dessus, ainsi qu’à Serge Gainsbourg. L’Intégrale, et cætera (Yves-Ferdinand Bouvier et Serge Vincendet (dir.), Bartillat, 2006).
Si ces dix leçons abordent différents chapitres de la vie de Gainsbourg dans un ordre chronologique, elles ne prétendent pas à l’exhaustivité biographique. Au contraire, leur pleine appréciation nécessite une connaissance préalable de ses chansons célèbres et de leur contexte politique et culturel. Les lecteur·rices à la recherche d’un ouvrage plus détaillé pourront se tourner vers les mille pages de Tout Gainsbourg, également de Bertrand Dicale (Jungle, 2016).
Approches thématiques
Le Gainsbook. En studio avec Serge Gainsbourg
Sébastien Merlet (dir.)
Seghers, 2019
Construit comme un « guide d’accompagnement à l’écoute du répertoire de l’artiste », cet ouvrage richement illustré et documenté revient sur la genèse des albums de Gainsbourg. Chaque chapitre rassemble des photographies de personnalités impliquées dans la création, des reproductions de manuscrits et de pochettes d’albums, des fiches techniques recensant les dates d’enregistrement en studio, les lieux des concerts et les différent·es interprètes, et des textes évoquant les sources d’inspiration, le contexte d’écriture des paroles et de la musique et le déroulé des séances en studio.
Établi sous la direction de Sébastien Merlet avec Christophe Geudin, Jémérie Szpirglas et Andy Votel, ce beau livre est le fruit de plusieurs années d’enquête et de nombreux entretiens avec des arrangeurs, musiciens et techniciens ayant contribué aux albums de Gainsbourg.
Serge Gainsbourg. Making of d'un dandy
Marie-Christine Natta
Passés composés, 2022
Spécialiste de la littérature du 19ᵉ siècle, Marie-Christine Natta propose ici un « portrait de Gainsbourg en dandy ». Elle analyse son élégance gestuelle et vestimentaire, sa démarche de construction d’un nouveau personnage, son approche de la langue française et de l’écriture et son admiration pour le génie humain, qui s’incarne dans les peintures qu’il adore comme dans les petits objets qu’il collectionne. Sa maison de la rue de Verneuil illustre alors ce culte du luxe et de l’artifice : pour Gainsbourg comme pour les dandys du siècle précédent, la beauté naît souvent de l’inutile – une caractéristique que l’auteur-compositeur cultive dans la décoration de cette maison-musée, mais aussi dans l’usage de son temps libre. Marie-Christine Natta évoque aussi l’individualisme de Gainsbourg, son orgueil et son goût de la provocation.
Ce texte de plus de trois cents pages s’appuie sur de précédentes biographies et analyses de l’œuvre de Gainsbourg, mais également sur de très nombreux entretiens accordés par l’artiste à la presse écrite et à la radio. S’instaure ainsi un rapprochement entre les propos de Gainsbourg et les écrits d’auteurs du 19ᵉ siècle comme Jules Barbey d’Aurevilly, Charles Baudelaire, Eugène Delacroix, Joris-Karl Huysmans, Alfred de Musset et Edgar Allan Poe.
Gainsbourg sans filtre
Marie-Dominique Lelièvre
J'ai lu, 2016
Publiée pour la première fois en 1994, cette enquête de la journaliste et portraitiste Marie-Dominique Lelièvre interroge la relation de Gainsbourg aux médias et à la célébrité. Elle s’appuie sur des articles de la presse d’époque, sur des écrits de l’artiste ou encore sur des entretiens avec ses proches et ses collaborateur·rices. Les observations et propos de Gainsbourg rapportés par son biographe Gilles Verlant sont aussi mobilisés.
Tentant d’identifier l’homme derrière le mythe, Marie-Dominique Lelièvre brosse le portrait d’un artiste ayant « accompagné les mutations de la société française, entonnant toujours la mélodie du moment. » Elle évoque donc la capacité de Gainsbourg à comprendre, voire à anticiper, l’air du temps, mais souligne aussi, de manière peu flatteuse, son opportunisme et son attrait pour le pouvoir, l’argent et la célébrité. Objet de fascination des médias et du public, ses provocations répétées apparaissent alors comme la stratégie d’un personnage pris à son propre jeu. Arguant qu’une star, une étoile, « n’est pas une personne, mais un phénomène optique », l’autrice retrace de manière chronologique le parcours de l’homme à la tête de chou, pour en conclure que « Serge Gainsbourg n’existe pas. C’est une apparition. Une création de la société française. »
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