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Appartient au dossier : Les femmes et le sport

Maternité et sport de haut niveau : le challenge

Si concilier maternité et vie professionnelle est un défi pour la plupart des femmes, pour les sportives de haut niveau, c’est un véritable challenge. Balises vous explique pourquoi, à l’occasion du cycle « Les femmes aux Jeux », organisé à la Bpi jusqu’en juin 2024.

Sara Björk Gunnarsdóttir, avril 2013 – Crédits photo : Andreas Nilsson/bilderna.it via Wikicommons

Cachez ce ventre que je ne saurais voir

L’image est forte et a suscité de nombreux commentaires : en juin 2017, la spécialiste du 800 mètres Alysia Montano participe aux championnats d’athlétisme des États-Unis, enceinte de cinq mois. Elle termine dernière de la course, dans un temps très loin de ses performances habituelles. Mais la photo de la coureuse sur la piste, sourire éclatant et ventre bien visible, a fait le tour du monde.

Plus connue, la joueuse de tennis étasunienne Serena Williams a remporté de très nombreux tournois, dont 23 du Grand Chelem entre 1999 et 2017. Un palmarès qui la place en deuxième position des joueuses les plus titrées en Grand Chelem, juste derrière l’Australienne Margaret Court et ses 24 victoires décrochées entre 1960 et 1973. Ce que l’on sait moins, c’est que Serena Williams a remporté l’US Open d’Australie de 2017, sa dernière victoire en Grand Chelem, alors qu’elle était enceinte de deux mois.

Le sujet semble tabou : s’il fait l’objet de travaux de recherche assez nombreux du point de vue médical, maïeutique et physiologique, il est en revanche peu investi dans le champ de la sociologie.

Double peine

La grossesse a des répercussions sur l’ensemble du corps de la femme enceinte. Elle entraine des modifications affectant les systèmes cardiovasculaire, digestif, respiratoire, nerveux, reproductif et urinaire. Modérée, l’activité physique et sportive présente des bénéfices et peut être encouragée pendant cette période, mais le corps médical déconseille l’activité intensive ou certains sports spécifiques. Un entrainement adapté peut être maintenu, en fonction de l’état de santé de la sportive et de l’avancement de la grossesse. Chez les sportives, les changements physiques et les entraînements moins intenses ont cependant des conséquences sur les performances, qui se trouvent inévitablement altérées. 

Dans le sport de haut niveau, le corps est l’instrument de travail essentiel au service de la performance. Cette dernière est un critère économique déterminant et la sportive enceinte se trouve privée des gains qu’elle aurait pu obtenir en participant à des compétitions. Son état peut l’éloigner de ses sponsors, à l’image de ce qu’a vécu la navigatrice Clarisse Cremer. Souvent, elle se retrouve au chômage ou avec des revenus amputés, à l’instar de la footballeuse Sara Björk Gunnarsdóttir, qui dévoile début 2023 que son club, l’Olympique Lyonnais, n’a pas entièrement versé son salaire pendant sa grossesse.

« Quand on est enceinte, on n’existe plus, confie la volleyeuse Kim Novak d’Halluin au journal Libération en novembre 2022. L’impression que ça donne, c’est que c’est pire d’avoir eu une grossesse que d’avoir été blessée. »

Dans ces conditions, les sportives professionnelles se trouvent confrontées à un choix cornélien : carrière ou maternité. Bien souvent, elles ne peuvent que différer leur projet d’enfant pour favoriser leur carrière sportive, par essence plus courte qu’une carrière dans un autre secteur d’activité, au risque de devoir mener une grossesse tardive après 35 ans, donc plus à risque. C’est ce que confirme Manon Heil, gardienne de but, au journal Libération : « Les sportives se privent d’être maman, par peur vis-à-vis de leur club. »

Un impossible retour au travail ?

Après l’accouchement, quand se pose la question du retour au travail, les choses se compliquent encore. Pour les sportives de haut niveau, maternité rime souvent avec fin de carrière sportive.

En cause les doutes sur leur capacité à retrouver leurs performances et leur niveau d’avant la grossesse et sur leur implication dans leur sport une fois devenues mères.

« Le sport est un milieu qui demeure conservateur. On y retrouve de nombreuses idées reçues sur ce que les femmes ne devraient pas faire ou ne pourraient plus faire une fois devenues mères. »

Catherine Louveau, sociologue du sport, à l’AFP

La différence biologique entre les hommes et les femmes a pour conséquence une inégalité de traitement entre jeunes mères et jeunes pères. C’est ce qu’explique l’haltérophile Dora Tchakounté au Journal du département du Val de Marne  : « La nouvelle a été accueillie de manière négative dans ma famille ainsi que dans le monde du sport. Mes entraîneurs ne croyaient plus en moi. Cette annonce sonnait comme la fin de ma carrière. Il s’agit d’une inégalité flagrante, car un sportif masculin qui devient papa ne récolte que des félicitations et des encouragements. Ce n’est pas du tout le cas pour une femme. »

Toutes les sportives ne sont pas logées à la même enseigne. Certaines ont réussi à concilier maternité et carrière. La judokate Clarisse Agbégnénou, sur le site web de 20 Minutes, révèle : « L’envie [d’avoir un enfant] était beaucoup trop forte pour que je la sacrifie, même temporairement. J’avais envie d’être maman, je veux et je peux faire les deux. » Elle ajoute qu’une fois sa fille née, « La fédération internationale de judo m’a autorisée à l’allaiter en salle d’échauffement au Grand Chelem de Tel-Aviv, ça n’avait jamais été fait. J’ai rencontré des personnes à l’écoute, qui étaient volontaires pour tester. Et j’espère avoir ouvert le chemin pour les suivantes, qu’elles se disent que tout est possible. »

Certaines disciplines sont également plus avancées que d’autres dans la prise en compte de la maternité de leurs sportives. C’est le cas du handball, premier sport français à s’être doté de son propre accord collectif . La Convention collective des Joueuses professionnelles de handball, signée le 15 mars 2021 par l’union des Clubs professionnels de handball féminin (UCPHF), l’association des Joueuses professionnelles de handball (AJPH) et le groupement des Entraîneurs et des Professionnels de la formation de handball, organise et structure l’écosystème en adaptant le droit du travail aux particularités du handball, pour la prévoyance et la complémentaire santé des joueuses. Désormais, le salaire est maintenu pendant 12 mois d’arrêt de travail (contre 3 mois auparavant) pour les longues blessures et les périodes de maternité.

Faire évoluer les mentalités et protéger les sportives

Le bon exemple du handball ne saurait cependant cacher les difficultés rencontrées dans les autres disciplines.

Alerté par les nombreux témoignages de sportives françaises, le ministère des Sports a lancé une enquête « Sport de haut niveau et Maternité ». 700 femmes représentant 55 fédérations sportives, dont 445 sportives professionnelles, y ont répondu. L’objectif de cette enquête, réalisée en mars et avril 2021, était de mieux connaître les rapports à la maternité des sportives de haut niveau, ainsi que le vécu de cette période dans ses différentes étapes (grossesse, accouchement, reprise, accompagnement, etc.). L’enquête a confirmé que la majorité des sportives interrogées (61,6  %) pense qu’il est toujours difficile de devenir mère pendant la carrière sportive.

À la suite de l’enquête, un guide pratique « Sport de haut niveau et maternité, c’est possible ! » a été élaboré en 2022, à destination des sportives et de leur entourage professionnel et familial. Réalisé par des médecins, des juristes, des chercheur·euses et expert·es, il aborde la maternité, les spécificités de la grossesse des sportives de haut niveau, la nutrition, la période post-partum, la reprise de l’entrainement, et les droits des sportives de haut niveau.

Sortir du tabou de la maternité des sportives et faire avancer leurs droits sont des enjeux majeurs pour l’égalité femmes-hommes dans le sport professionnel. Une meilleure représentativité des femmes dans les instances sportives fédérales pourrait, par exemple, contribuer à la favoriser.

Publié le 24/06/2024 - CC BY-SA 4.0

Pour aller plus loin

Sport de haut niveau et maternité, c'est possible !

Ce document de référence, réalisé en 2022, est spécifiquement pensé pour les sportives de haut niveau et pour leur entourage personnel et professionnel. Il vise à les guider dans leur projet de maternité.

La rubrique sport au féminin du site du ministère des sports

D’un enjeu d’affirmation du droit des femmes pour participer au sport, la politique de féminisation du sport évolue vers l’enjeu d’égalité réelle entre les femmes et les hommes dans le sport.

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