En effet, les seules mesures monétaires ne rendent pas compte de la complexité des sociétés et des individus. Évaluer le bonheur des populations permet d’éclairer les choix de société et d’assurer la pertinence des comparaisons internationales. De nombreux indicateurs se mettent donc en place pour mesurer le bien-être, en étudiant la qualité de la vie, celle de l’environnement et le ressenti des populations.
Santé
La santé apparaît d’emblée comme un facteur essentiel du bien-être qui conditionne à la fois les individus, la société et l’économie. L’alimentation, l’accès à l’eau potable et aux soins médicaux peuvent être facilement évalués et sont pris en compte par l’indice de développement humain. La pénibilité du travail, les comportements individuels (tabagisme, alcoolisme) ou l’environnement (pollution aux particules fines) ont aussi un impact sur la santé, ce qui explique de nombreuses disparités au sein d’une même population : en France par exemple, les inégalités sociales et territoriales de santé restent importantes.
Environnement
Les préoccupations environnementales sont également ignorées par le PIB, alors même que l’épuisement des ressources aura des effets sur le bien-être des générations futures. En outre, la pollution et la dégradation de l’environnement ont un impact sur la santé des populations, et devraient donc venir en déduction du PIB. C’est ce que propose l’indice de bien-être durable qui mesure la destruction des ressources, son coût et ses effets à long terme et proposent de les soustraire au PIB. Le Happy Planet Index de son côté calcule l’empreinte écologique des habitants et le poids du développement sur l’environnement : la France arrive à la 124ᵉ place (sur 178 pays) dans ce classement.
Travail
Le taux de chômage et les revenus du travail font l’objet de mesures régulières mais les nouveaux indicateurs s’interrogent en outre sur la qualité du travail. On peut ainsi mesurer les conditions de son exercice en s’intéressant à la part du travail de nuit ou le dimanche, au nombre d’accidents du travail, aux maladies professionnelles ou à la pénibilité, en s’appuyant sur l’indice français BIP 40. En outre, le travail domestique et le travail bénévole, qui n’entrent pas dans le PIB, font l’objet de mesures par l’indicateur de progrès véritable. Cela permet de relever une inégalité persistante entre hommes et femmes, lesquelles restent les premières concernées par ce travail gratuit….
Loisirs
Le PIB ne tient aucun compte du temps de loisirs et des activités domestiques qui sont pourtant essentiels à la qualité de vie. Le temps libre participe au bien-être tandis que des horaires de travail au-delà de cinquante heures par semaine peuvent nuire à la santé, selon l’Organisation mondiale de la santé. Le Better Life Index de l’OCDE mesure ainsi l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée (sans prendre en compte les temps de trajet ou le travail domestique). Une enquête nationale sur les pratiques culturelles des Français donne des précisions sur l’usage de ce temps de loisirs et révèle des disparités territoriales et sociales.
Éducation
L’éducation est un gage d’intégration sociale et professionnelle qui permet en outre l’épanouissement personnel. Le taux de scolarisation des enfants (proche de 100 % dans les pays développés mais à 40 % dans les pays les moins avancés), est comptabilisé par les indicateurs du PNUD (Programme des Nations-Unies pour le Développement) qui s’intéressent à la durée moyenne de scolarisation des enfants. L’éducation des femmes, qui leur permet d’assurer leur autonomie, de développer l’économie et de lutter contre la surpopulation dans les pays en développement, est aussi un indicateur important. Pour les pays de l’OCDE, l’enquête PISA mesure, outre les performances des élèves, l’impact des inégalités sociales sur la réussite scolaire.
Épanouissement
Quoique subjectifs et intangibles, l’épanouissement et le bonheur font également l’objet d’évaluations. Le bonheur des populations est mesuré à l’aide de sondages, d’enquêtes et de témoignages, en associant psychologie et sociologie. Il s’agit de déterminer comment chacun vit ses relations aux autres, dans la sphère personnelle et professionnelle, comment l’individu évalue sa place dans la société et dans quelle mesure ses besoins et aspirations sont satisfaits. C’est ce qu’on appelle l’économie du bonheur. Dans un rapport célèbre, la commission Stiglitz-Sen-Fitoussi a proposé de mesurer la richesse des nations en prenant en compte des indicateurs de « bonheur ». En outre, le Bhoutan a mis en place un indice, appelé « Bonheur national brut », qui englobe les indicateurs de développement humain du PNUD et des indicateurs environnementaux. De nombreux pays sont intéressés par la mise en place de cette mesure.
Confiance
La confiance dans l’avenir comme dans les institutions d’un pays fait partie des critères retenus par certains indicateurs. La confiance est nécessaire à l’activité économique comme à la vie politique : le bien-être s’appuie sur des relations aisées aux autres et sur la réduction des incertitudes pour mener sa vie au mieux. La situation des droits humains et des libertés publiques à travers le monde est mesurée par l’index Freedom House, tandis que les Worldwide governance indicators de la banque mondiale s’appuient sur différents critères pour évaluer la confiance dans un pays donné : stabilité politique, niveau de corruption, participation des citoyens à la vie publique, etc.
Pour aller plus loin
Éloi Laurent et Jacques Le Cacheux
Odile Jacob, 2015
Ce livre présente de nouveaux indicateurs économiques pour dépasser les mesures de revenus, comme le PIB. Ces outils s’intéressent à l’éducation, la santé ou encore l’écologie, et permettent d’évaluer le bien-être. Ils offrent ainsi de nouvelles perspectives afin de conduire les politiques publiques.
À la Bpi, niveau 3, 336.1 LAU
Jean Gadrey et Florence Jany-Catrice
La Découverte, 2016
Après avoir contesté la pertinence du PIB, les auteurs présentent une série de nouveaux indicateurs, fondés sur le développement humain, la santé sociale, ou encore la soutenabilité écologique.
À la Bpi, niveau 3, 330.51 GAD
Claudia Senik
La République des idées et Seuil, 2014
Si l’argent ne fait pas le bonheur, comment mesurer le bien-être ? Claudia Senik présente dans cet ouvrage ses recherches sur l’économie du bien-être. Si celui-ci est subjectif, il est néanmoins possible de le mesurer à travers les ressentis et déclarations des individus et ainsi éclairer le décalage entre richesse et bonheur.
À la Bpi, niveau 3, 336.1 SEN
Joseph Stiglitz, Amartya Sen et Jean-Paul Fitoussi
Odile Jacob, 2009
Les membres de la commission dirigée par les deux prix Nobel de l’économie proposent des modèles de gouvernance pour penser la décroissance à travers la mesurabilité des performances économiques et sociales, de la qualité de la vie, du développement durable et de l’environnement.
À la Bpi, niveau 3, 338 STI
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