Série

Appartient au dossier : Norman Foster, sky is the limit

Norman Foster, sky is the limit #4 : l’aéroport international de Hong Kong

Inauguré le 6 juillet 1998, l’aéroport international de Hong Kong est aujourd’hui le treizième plus important au monde. Il est, à l’époque, le projet d’aéroport le plus cher jamais conçu, nécessitant notamment la création d’une île artificielle. Balises vous présente cette construction emblématique de l’architecture de Norman Foster, sujet d’une exposition au Centre Pompidou en 2023.

Trois silhouettes regardent au travers une immense baie vitrée quadrillée de métal : un avion qui atterrit, et le reste d'un bâtiment en verre et en métal, au toit arrondi, est visible à travers la verrière.
Foster + Partners, Aéroport international de Hong Kong, Hong Kong (Chine), 1992-1998 Photo : © Dennis Gilbert /VIEW

Cliquer en haut à droite pour agrandir l’image.

La conception de l’aéroport international de Hong Kong a commencé en 1992 et a requis la collaboration de six architectes de l’agence Foster + Partners. Sa construction s’est terminée six ans plus tard, s’étendant sur une surface de 516 000 m². L’aéroport voit aujourd’hui transiter environ 71 millions de passager·ères par an, et en attend 80 millions par an à l’horizon 2040, soit autant que les aéroports de London Heathrow et de JFK (New York) réunis.

Une ville ouverte

Aussi appelé Chek Lap Kok, du nom de l’île artificielle sur laquelle il est bâti, l’aéroport international de Hong Kong est un gigantesque espace de verre et d’acier. Dédié aux voyageur·ses, le hall d’embarquement est conçu comme une petite ville : il comprend de multiples voies de circulation et des commerces, communiquant aisément entre eux sur plusieurs niveaux, grâce au nombre minimal de piliers blancs s’élançant du sol vers le toit pour soutenir la structure. 

L’ensemble est baigné de lumière naturelle. D’immenses baies vitrées illuminent en effet l’aéroport, ainsi que des percées dans le toit. Les voûtes elles-mêmes, consolidées par une armature métallique blanche et fine, sont de couleur claire, de même que les sols, renforçant l’impression de luminosité douce.

Un espace de transition

Grâce à ses gigantesques baies vitrées ouvertes sur les pistes, d’où chacun·e peut voir les avions décoller et atterrir, mais aussi grâce à sa hauteur sous plafond hors norme, l’aéroport international de Hong Kong offre aux voyageur·ses un espace de transition entre le ciel et la terre.

Représentatifs de la lisibilité de l’espace revendiquée par Norman Foster, les jeux de transparence permettent également aux passager·ères de s’orienter : au travers des vitres, on peut apercevoir d’un côté la mer de Chine, de l’autre l’île de Lantau, à laquelle l’aéroport est relié et, au loin, la région de Hong Kong. L’aéroport est d’ailleurs pensé comme un hub. Comprenant 90 portes, il permet de rejoindre plus de 180 villes dans le monde. Il est également, en 2023, le plus important aéroport de fret au monde. Il est donc relié au port et à la ville de Hong Kong par un vaste réseau de transports terrestres.

Un modèle qui interroge

Pour faire émerger cette colossale installation, comprise dans un vaste projet d’infrastructures appelé « Airport Core Program », il a fallu terrasser l’île montagneuse de Chep Lap Kok et sa voisine Lam Chau, ainsi que deux îlots proches, abaissant leur dénivelé de 100 mètres à 7 mètres au-dessus du niveau de la mer. Une île artificielle a ensuite été créée en réunissant Chep Lap Kok et Lam Chau, grâce aux gravats issus de leur aplanissement. Pour assurer la stabilité du site, les boues sous-marines environnantes ont été aspirées sur 12 mètres d’épaisseur afin de mettre la roche sous-marine à nue. Or, synthétise le géographe Yves Boquet, les mouvements écologistes dénoncent alors « les atteintes à l’environnement marin causés par ces énormes travaux de remblaiement successifs, alertant sur la perte de biodiversité illustrée par le statut menacé des dauphins du Delta, sur les risques de glissements de terrain, et sur les atteintes aux activités traditionnelles des pêcheurs de Lantau. »

À ces problématiques spécifiques au site de construction, s’ajoute le développement d’infrastructures de transport aérien à l’heure où le poids de l’aviation dans le réchauffement climatique est indiscutable – un seul aller-retour entre Paris et Hong Kong en avion répand environ 1,5 tonnes de CO2 par passager·ère, quand l’Accord de Paris encourage à réduire l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre à 2 tonnes par personne et par an à l’horizon 2050. En effet, Chek Lap Kok n’est pas le seul aéroport conçu par Foster + Partners : l’agence a dessiné de nombreuses infrastructures de transport aérien, dont le terminal international de l’aéroport de Pékin Capitale, inauguré en Chine en 2008, Queen Alia en Jordanie en 2012, Koweït City International au Koweït en 2023, ou encore Red Sea Airport en Arabie saoudite la même année. Norman Foster revendique cet intérêt pour l’organisation des grandes sociétés modernes. Néanmoins, le « contrôle environnemental » que l’architecte place au cœur de sa réflexion peut sembler bousculé par l’ampleur de la pollution que génèrent les modèles d’économie et de transport qu’il participe à consolider plutôt qu’à questionner au 21e siècle.

Publié le 24/07/2023 - CC BY-SA 4.0

Pour aller plus loin

Exposition « Norman Foster » | Centre Pompidou, du 10 mai au 7 août 2023

« Figure majeure de l’architecture mondiale, souvent considéré comme un leader du courant dit « high tech », le Britannique Norman Foster a signé de nombreuses réalisations iconiques dans le monde.

Sur près de deux mille deux cents mètres carrés, l’exposition offre à voir un important cabinet de dessins, des carnets de travail, ainsi que de multiples maquettes et prototypes, permettant d’appréhender une centaine de projets, en architecture comme en design. Une sélection d’œuvres d’art moderne et contemporain rappelle à quel point elles ont été pour Norman Foster les marqueurs de périodes esthétiques déterminantes. »

Aéroports. Un siècle d'architecture

Hugh Pearman
Seuil, 2005

Les trois grands acteurs du mouvement high-tech, Norman Foster, Richard Rogers et Nicholas Grimshaw, ont tous construit des aéroports internationaux. Ce livre donne une large place à l’œuvre de Norman Foster, renvoyant notamment au design d’aéroport, à ses réalisations (Londres-Stansted, Hong Kong-Chek Lap Kok, Pékin-Capitale Internationale…), et à sa conception des avions (American Air Museum). Norman Foster est lui-même pilote et passionné d’aviation.

À la Bpi, niveau 3, 720.3 PEA

Norman Foster

Frédéric Migayrou (dir.)
Éditions du Centre Pompidou, 2023

« Norman Foster a piloté des avions et des hélicoptères, mais le planeur représente pour lui la métaphore de l’architecture », explique Frédéric Migayrou, commissaire de l’exposition consacrée à l’architecte au Centre Pompidou en 2023. « Car il faut savoir gérer en temps réel tous les paramètres de ce système autonome pour rester en vol le plus longtemps possible. » Un planeur suspendu au plafond survole les maquettes de l’architecte exposées au sixième niveau du Centre Pompidou.

À la Bpi, niveau 3, 70″19″ FOST

« La vitrine Norman Foster au Centre Pompidou », par Isabelle Regnier | Le Monde, 1er juin 2023

Le long article qu’Isabelle Regnier consacre à l’exposition Norman Foster dans Le Monde revient à la fois sur la qualité du parcours proposé et des pièces exposées, et sur les limites éthiques de l’exercice. La journaliste et critique souligne notamment le paradoxe entre des cartels principalement axés sur le développement durable et les réalisations effectives de l’architecte :

« Présenter son travail sous l’angle de l’écologie n’est pas seulement contre-intuitif, et pour le moins biaisé. En tordant le cou à la réalité pour coller à l’air du temps, le Centre Pompidou se fait complice d’une forme de greenwashing. L’œuvre de Foster méritait mieux. Elle aurait pu être présentée pour ce qu’elle fut : un moment majeur de l’architecture des cinquante dernières années, dont le modèle ne répond plus aujourd’hui aux exigences posées par l’urgence climatique. »

En accès abonné sur LeMonde.fr et à la Bpi via Europresse

Rédiger un commentaire

Les champs signalés avec une étoile (*) sont obligatoires

Réagissez sur le sujet