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Appartient au dossier : Norman Foster, sky is the limit

Norman Foster, sky is the limit #3 : le plan directeur de Trafalgar Square, à Londres

Achevé en 2003, le réaménagement de Trafalgar Square renouvelle l’expérience piétonne de cette place du cœur de Londres, tout en respectant son environnement historique. Balises vous présente ce projet emblématique de l’architecture de Norman Foster, sujet d’une exposition au Centre Pompidou en 2023.

Une vue aérienne de Trafalgar Square, à Londres
Foster + Partners, Plan directeur de Trafalgar Square, Londres (Royaume-Uni), 1995-2003. Photo : © Nigel Young / Foster + Partners

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Trafalgar Square est une place du quartier londonien de Westminster, aménagée dans les années 1840 par l’architecte Charles Barry. Le monument principal et le toponyme choisi pour ce nouvel espace commémorent la victoire de la marine britannique, menée par l’amiral Nelson, contre les flottes française et espagnole au large du cap de Trafalgar, en octobre 1805. La place est composée d’une large esplanade sur laquelle se trouve l’imposante colonne Nelson, entourée de deux fontaines et de statues de figures militaires ou monarchiques. Plusieurs voies de circulation s’enroulent autour de ce terre-plein central. L’ensemble est bordé d’édifices patrimoniaux ou politiques : la National Gallery, l’église anglicane St Martin-in-the-Fields et les sièges des hauts-commissariats du Canada et d’Afrique du Sud au Royaume-Uni.

La place se situe, de plus, à l’intersection de plusieurs points d’attraction : le quartier royal de Saint James’s Park à l’ouest, les théâtres et la vie nocturne de Leicester Square et de Soho au nord, et la Tamise et l’axe commerçant du Strand au sud-est. Au sud, l’artère de Whitehall accueille de nombreux ministères et relie Trafalgar Square, haut lieu de rassemblements politiques, à Parliament Square et au palais de Westminster, siège du Parlement britannique.

World Squares for All

Le réaménagement de Trafalgar Square s’inscrit dans une réflexion sur l’avenir du quartier, initiée dans la dernière décennie du 20e siècle. En 1996, l’agence de Norman Foster est retenue pour mener à bien le projet « World Squares for All », qui vise à réorganiser un périmètre allant de Trafalgar Square à Parliament Square, en passant par Whitehall. L’objectif est de réguler l’importante circulation automobile et de rendre le quartier plus accessible et agréable aux piéton·nes – les touristes comme les Londonien·nes –, tout en mettant en valeur ces deux places et les nombreux bâtiments historiques qui les entourent.

L’équipe menée par Norman Foster remporte la commande en proposant non pas un projet architectural abouti, mais une approche fondée sur le consensus et la recherche. Les architectes organisent ainsi des consultations avec les dizaines d’organisations propriétaires ou riveraines de la zone concernée, grâce notamment au soutien du Government Office for London (GLO), qui administre alors la capitale britannique et porte la responsabilité de ce réaménagement concerté. Iels mènent également de nombreuses observations de terrain : 27 000 automobilistes transitant par les 9 points d’entrée de Trafalgar Square sont arrêté·es afin de documenter leurs itinéraires, et plus de 10 000 personnes visitant, vivant ou travaillant dans le quartier sont sollicitées pour étudier leurs déplacements et leurs usages de l’espace public sur une longue durée.

Enfin, l’équipe de Norman Foster s’associe à plusieurs cabinets de consultant·es. Une collaboration avec Space Syntax permet d’étudier les flux piétons aux alentours de Trafalgar Square. Il en ressort que les Londonien·nes préfèrent longer les contours de la place plutôt que de la traverser. Les touristes, quant à elleux, se rassemblent souvent au pied de la statue de Charles Ier, ce qui offre un beau point de vue sur les rues environnantes, mais implique de courir entre les voitures. Les visiteur·ses se rendant à Trafalgar Square ne prolongent guère le trajet jusqu’à Parliament Square, et inversement, alors qu’un itinéraire piéton est possible le long de Whitehall. À la suite de cette étude, Space Syntax modélise l’impact potentiel de différentes formes de réaménagement sur ces circulations. Une analyse similaire sur le trafic routier est menée avec les ingénieur·es du cabinet Halcrow Fox, et des architectes paysagistes de Peter Walker & Partners sont également consulté·es. L’équipe menée par Norman Foster formule alors plusieurs propositions, aux degrés d’intervention variables, allant de l’amélioration des passages piétons à la fermeture de certains axes automobiles.

Une expérience piétonne

Des passants sur Trafalgar Square, devant l'escalier menant à la National Gallery de Londres
Foster + Partners, Plan directeur de Trafalgar Square, Londres (Royaume-Uni), 1995-2003. Photo : © Nigel Young / Foster + Partners

De ces multiples concertations et expérimentations émerge finalement un accord sur une mise en œuvre partielle du projet porté par Norman Foster : le réaménagement se concentre sur Trafalgar Square. Les travaux bénéficient d’un budget de 25 millions de livres sterling et de l’accord de la Greater London Authority (GLA), formée en 2000 avec une assemblée municipale et un maire désormais élu, Ken Livingstone.

L’axe nord, qui longe la National Gallery et la sépare du terrain central, est piétonnisé avec la collaboration du cabinet d’ingénierie Atkins. Un large escalier droit est ajouté au bord de cette nouvelle esplanade, incitant les piéton·nes à traverser la place ou à descendre se promener au pied de la colonne Nelson et des fontaines. Les marches elles-mêmes permettent de s’asseoir ou de profiter du point de vue vers Whitehall et vers Big Ben. Sur une suggestion d’Atkins, un large terre-plein ovale est ajouté au pied de la statue équestre de Charles Ier, ce qui fluidifie le trafic routier et assure la sécurité des piéton·nes sans changer le contour sud de la place.

Si ces interventions modifient les circulations piétonnes et automobiles, elles restent discrètes : les lignes sont épurées et les matériaux utilisés – le granit, la pierre de York, le bronze – font écho aux composantes historiques de la place. Un jeu de textures et de contrastes visuels délimite les différents espaces et améliore leur lisibilité. Ce réaménagement introduit aussi une signalisation routière plus sobre, un éclairage public amélioré et un mobilier urbain repensé – en particulier de nouvelles assises, invitant à faire une halte. L’expérience de la place est donc radicalement transformée. En revanche, le projet de réaménagement de Parliament Square porté par Norman Foster n’aboutit pas : l’opération est confiée à une autre agence, ce qui en réduit l’ambition, avant d’être abandonnée à l’arrivée de Boris Johnson à la mairie de Londres en 2008.

Achevée en 2003, la réorganisation de Trafalgar Square s’inscrit dans la réflexion de Norman Foster sur l’aménagement des villes et sur l’amélioration des circulations entre différents espaces publics et touristiques. Cette préoccupation irrigue plusieurs de ses projets à Londres, en particulier la construction du Millenium Bridge qui, depuis 2000, permet de marcher en ligne droite de la cathédrale Saint-Paul, située sur la rive nord de la Tamise, à la Tate Modern, implantée sur la rive sud déjà piétonnisée. Vers l’est, cette promenade se prolonge jusqu’au quartier de More London, réaménagé au début des années 2000 par l’agence Foster + Partners et plusieurs consultants, dont les paysagistes de Townshend Landscape Architects. L’attention portée aux matériaux, au mobilier urbain et à l’expérience piétonne est là encore manifeste, puisque la zone est traversée en diagonale par une allée pavée et rectiligne, constituant le chemin le plus direct entre la station de métro London Bridge et le touristique Tower Bridge.

Publié le 17/07/2023 - CC BY-SA 4.0

Pour aller plus loin

Exposition « Norman Foster » | Centre Pompidou, du 10 mai au 7 août 2023

« Figure majeure de l’architecture mondiale, souvent considéré comme un leader du courant dit « high tech », le Britannique Norman Foster a signé de nombreuses réalisations iconiques dans le monde.

Sur près de deux mille deux cents mètres carrés, l’exposition offre à voir un important cabinet de dessins, des carnets de travail, ainsi que de multiples maquettes et prototypes, permettant d’appréhender une centaine de projets, en architecture comme en design. Une sélection d’œuvres d’art moderne et contemporain rappelle à quel point elles ont été pour Norman Foster les marqueurs de périodes esthétiques déterminantes. »

Norman Foster : Works 6

David Jenkins (dir.)
Prestel, 2014

En plus d’offrir un aperçu des projets individuels de Norman Foster, ce volume du catalogue raisonné contextualise son travail, en identifiant les thèmes et les connexions, en discutant des influences et des inspirations et en invoquant de nombreuses références historiques, culturelles et architecturales.

Le plan « World Squares for All » – devenu « Central London Masterplan » – et sa mise en œuvre partielle à Trafalgar Square sont ainsi présentés sur une vingtaine de pages. Les textes de l’architecte et critique Peter Buchanan fournissent des informations détaillées sur la chronologie du projet et sur les institutions publiques, chercheur·ses et ingénieur·es associé·es aux phases de conception et d’exécution. Des croquis, des photographies et des modélisations informatiques donnent à voir l’évolution, réelle ou imaginée, de ce quartier du centre de Londres. La structuration thématique de l’ouvrage facilite, de plus, les parallèles avec d’autres projets portés par Norman Foster, en particulier l’aménagement de More London.

À la Bpi, niveau 3, 70”19” FOST 2

Foster + Partners. Catalogue

Foster + Partners
Prestel, 2008

Le guide des 100 plus grands projets de Foster + Partners détaillés et documentés par des photos, des croquis et des plans, de 1960 à 2008, avec notamment une étude du réaménagement de Trafalgar Square.

À la Bpi, niveau 3, 70″19″ FOST 2

« Le coup de Trafalgar », par Philip Jodidio | L'Œil n°546, avril 2003

La revue mensuelle L’Œil consacre, dans ce numéro, un dossier spécial à Londres et à son actualité artistique et architecturale. Le critique d’art et spécialiste de l’architecture Philip Jodidio y signe un court article sur le réaménagement de Trafalgar Square par Norman Foster.

À la Bpi, niveau 3, 7(0) OEI

« Behave! », par Richard J. Williams | The Art Book n°10(4), septembre 2003

L’historien de l’art Richard J. Williams, spécialiste de l’architecture et de la ville, livre ici un article en anglais sur le projet de réaménagement de Trafalgar Square par Foster + Partners et, plus largement, sur le plan directeur « World Squares for All » et sur le rôle et l’avenir des espaces publics au Royaume-Uni.

Accessible en ligne à la Bpi via Art and Architecture Source

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