Portrait

Pierre Hadot (1922-2010), la vie en philosophie

Politique et société

By © Despatin & Gobeli ( tous droits réservés) (Paris) [CC0]

Il considérait, depuis longtemps, la philosophie comme un phénomène spirituel et non pas seulement comme « une fabrique de concepts ». Professeur au Collège de France de 1982 à 1991, en la chaire d’histoire de la pensée hellénistique et romaine, Pierre Hadot, mort le 24 avril 2010, avait consacré sa vie à l’étude de la philosophie antique et de la patristique latine.

Dans un entretien publié en 2001, il affirmait encore :

« En reconnaissant, comme je le propose, la vie philosophique comme l’un des deux pôles de la philosophie, il y aurait place à nouveau, dans notre monde contemporain, pour des philosophes, au sens étymologique du mot, c’est-à-dire des chercheurs de sagesse… ».

Spécialiste reconnu du courant néoplatonicien où se rejoignent, sans se confondre, hellénisme et christianisme (cf sa thèse Porphyre et Victorinus, 1968), Pierre Hadot propose une lecture personnelle de Plotin (Plotin ou la simplicité du regard, 1963), dont il dirige, à partir de 1988, une nouvelle traduction des Traités (Les Ecrits de Plotin), publiés dans l’ordre
chronologique.

L’intérêt de Pierre Hadot pour les écoles de sagesse de l’Antiquité : platonisme, stoïcisme, épicurisme… (Qu’est-ce que la philosophie antique ? 1995), et en particulier pour Marc Aurèle (La citadelle intérieure : introduction aux « Pensées » de Marc Aurèle, 1992), le conduit à présenter la philosophie antique comme manière d’être et art de vivre. Outre les procédés rhétoriques et les différents genres littéraires de la philosophie, consciemment utilisés par les « maîtres », il y reconnaît l’existence de véritables « exercices spirituels » (pratiques ascétiques, méditation…) visant la transformation de soi et même la conversion des disciples (Exercices spirituels et philosophie antique, 1981).

Cette tradition poursuivie et reconnue encore chez les modernes : Montaigne, Goethe et Wittgenstein (Wittgenstein et les limites du langage, 2004 ; N’oublie pas de vivre : Goethe et la tradition des exercices spirituels, 2008) fera dire à Pierre Hadot que « c’est toute la philosophie qui est exercice, aussi bien le discours d’enseignement que le discours intérieur qui oriente notre action. » (recueil d’entretiens : La philosophie comme manière de vivre, 2001).

Pour découvrir l’œuvre de Pierre Hadot, nous vous proposons ici une sélection de cinq titres marquants.

Publié le 08/08/2012 - CC BY-SA 4.0

Sélection de références

Exercices spirituels et philosophie antique

Pierre Hadot
Albin Michel, 2002

« Exercices spirituels »… entendus comme ce travail de soi sur soi, esquissé déjà chez les premiers philosophes grecs, mais prenant toute son ampleur avec le dialogue socratique et platonicien, les Lettres d’Epicure ou de Sénèque, le Manuel d’Epictète, les Pensées de Marc Aurèle, les traités de Plotin, et que certains modernes, de Montaigne à Bergson, ont continué à pratiquer… On touche ici à l’essence même de la philosophie !

À la Bpi, niveau 2, 1 « 1 » HAD

Le Voile d'Isis : essai sur l'histoire de l'idée de nature

Pierre Hadot
Gallimard, 2004

Un aphorisme hante la philosophie occidentale : celui d’Heraclite, qui veut que « la Nature aime à se voiler ».
Près de vingt siècles durant, ces quelques petits mots ont successivement signifié : que tout ce qui naît tend à mourir ; que la Nature s’enveloppe dans des formes sensibles et dans des mythes ; qu’elle cache en elle des vertus occultes ; mais également que l’Être est originellement dans un état de contraction et de non-déploiement ; ou bien encore qu’il se dévoile en se voilant.

À la Bpi, niveau 2, 14 HAD

N'oublie pas de vivre : Goethe et la tradition des exercices spirituels

Pierre Hadot
Albin Michel, 2008

Grand lecteur de Goethe, Pierre Hadot analyse ici comment le maître allemand se situe dans la longue tradition occidentale des « exercices spirituels » inspirés par la philosophie antique.
A l’instar des Anciens, Goethe croyait à la nécessité de vivre dans le présent, dans la « santé du moment », de saisir le bonheur dans l’instant au lieu de se perdre dans la nostalgie romantique du passé ou du futur.

À la Bpi, niveau 2, 1(43) HAD

Plotin ou la simplicité du regard

Pierre Hadot
Etudes augustiniennes, 1989

Fidèle au conseil de Marc Aurèle pour qui « simple et discrète est l’œuvre de la philosophie », la leçon de Plotin serait de nous apprendre que la philosophie n’est pas la construction prétentieuse et artificielle d’un savant système de discours… Elle est pour lui transformation de la perception et de la vie, par l’attention, en quoi consiste l’amour du Bien.

À la Bpi, niveau 2, 1 « 1 » PLOT 1

Qu'est-ce que la philosophie antique ?

Pierre Hadot
Gallimard, 2004

Depuis Socrate et Platon, peut-être même depuis les présocratiques, jusqu’au début du christianisme, la philosophie procède toujours d’un choix initial pour un mode de vie, d’une vision globale de l’univers, d’une décision volontaire de vivre le monde avec d’autres, en communauté ou en école.
La philosophie antique n’est donc pas un système, elle est un exercice préparatoire à la sagesse, elle est un exercice spirituel.

À la Bpi, niveau 2, 1 « 1 » HAD

Pierre Hadot. " Face au ciel étoilé, j'ai vraiment éprouvé le sentiment brut de mon existence "

Entretien. Pierre Hadot.
 » Face au ciel étoilé, j’ai vraiment éprouvé le sentiment brut de mon existence  » Pierre Hadot pratique l’expérience de pensée pour renouveler son regard sur le monde. Imprégné par la pensée antique et ses « exercices spirituels », il a montré que la philosophie est une école de vie avant d’être une fabrique de concepts.

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