Jean-Baptiste Malet
Fayard, 2017
Jean-Baptiste Malet, journaliste indépendant, découvre par hasard le rachat de l’usine française de production de sauces à la tomate Le Cabanon par une société chinoise. Quand il se rend sur place en 2011, il constate une certaine opacité autour du mode de production de l’entreprise. Il découvre surtout un stock de grands fûts de plastiques contenant du triple concentré chinois. Il n’en faut pas plus pour intriguer le journaliste, qui se lance dans une enquête minutieuse de plus de deux ans sur le marché de « l’or rouge », un produit banal et universel dont le commerce s’avère lucratif.
Jean-Baptiste Malet explore les archives des producteur·rices et transformateur·rices de tomates, lit la presse spécialisée comme la revue Tomato News, visite des musées à la gloire des grands groupes agro-industriels et arpente les salons spécialisés dans l’industrie de la tomate. Il identifie et approche les acteur·rices historiques comme les nouveaux·elles industriel·les, ainsi que celles et ceux qui travaillent du côté de l’ingénierie, des douanes, de l’agronomie, de la génétique. Mais il recueille également la parole des ramasseur·euses et des petit·es producteur·trices. Son enquête le mène aux quatre coins du monde : en Italie, pays réputé pour la qualité de ce produit phare de sa gastronomie ; aux États-Unis, où les communautés italiennes ont diffusé leurs habitudes alimentaires ; en Chine, où le fruit est cultivé depuis les années deux mille alors que les Chinois·es ne consomment guère de tomates ; au Sénégal et au Ghana, où la production locale est menacée par les importations. Derrière le storytelling à base d’artisanat, de soleil et d’origines traditionnelles, dans des contenants ornés de tomates appétissantes, les consommateur·rices trouvent en fait un seul et même produit à base de triple concentré, principalement d’origine chinoise.
Journaliste engagé, Jean-Baptiste Malet est l’auteur de nombreux articles et de plusieurs ouvrages dans lesquels il décrypte les rouages d’un système économique. Il a notamment travaillé comme intérimaire pour la société américaine Amazon avant d’en raconter son fonctionnement interne dans l’ouvrage En Amazonie : infiltré dans le meilleur des mondes (Fayard, 2013). Il poursuit son entreprise de décryptage du capitalisme avec cette enquête sur la tomate, déclinée à la fois en un long métrage documentaire réalisé par Xavier Deleu (L’Empire de l’or rouge, 2017) et en un livre éponyme qui se lit comme un thriller. L’auteur entraîne ses lecteur·ices de découverte en découverte. Il met en lumière les enchaînements de décisions ou d’événements motivés par la quête de rentabilité. Il pointe les dérives d’un système ultralibéral : industrialisation, délocalisation, tromperie, contournement des lois, fraude, corruption, laxisme des États, vide juridique, exploitation de la main d’œuvre, emploi des enfants, migration, appauvrissement et dépendances… Il ne propose ni solution ni boycott, mais expose un modèle transposable à l’ensemble des secteurs économiques, qui explique les inégalités économiques et sociales de nos sociétés.
À la Bpi, niveau 3, 339.1 MAL
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