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Appartient au dossier : Radio Libertaire, histoire d’une radio libre

Radio Libertaire, histoire d’une radio libre 3/4 : La saisie de la station

La troisième photographie de notre série consacrée aux débuts de Radio Libertaire montre deux hommes en équilibre sur une antenne d’émission…

Au cours des années soixante-dix et quatre-vingt, de nombreuses radios libres sont créées en France par des acteurs aux motivations diverses : des militants politiques, des religieux, des communautés d’entraide, des entrepreneurs. Cependant, sous la présidence de Giscard d’Estaing, les autorités brouillent les fréquences des radios pirates pour conserver un monopole d’État sur la radiodiffusion. Après son élection en 1981, le président François Mitterrand choisit de légaliser ce nouvel usage de la bande FM afin de mieux l’encadrer. 
 
L’histoire de Radio Libertaire, radio de la Fédération anarchiste fondée en 1981, est emblématique du mouvement des radios libres. La station ne dispose d’aucune ressource publicitaire et émet uniquement en région parisienne. Elle donne à entendre les luttes politiques et syndicales de l’époque, mais aussi des formes musicales encore peu diffusées : chanson française engagée, rock, free jazz…

Cette série iconographique s’inscrit dans le cadre du partenariat entre la Bibliothèque publique d’information et Radio Campus Paris, pour célébrer les vingt ans de la station associative.

Deux silhouettes sur un toit, en équilibre sur une antenne
Les techniciens de la police judiciaire sectionnent l’antenne de Radio Libertaire, le 28 août 1983. Archives de la Fédération anarchiste.

Cliquer sur l’image pour l’agrandir.

Sur cette photo, les techniciens de la police judiciaire portent le coup de grâce à Radio Libertaire. Le dimanche 28 août 1983 vers 6 heures du matin, ils montent sur le toit du studio et sectionnent le câble de l’antenne. Les anarchistes s’attendaient à cette intervention policière : ils avaient organisé des tours de garde et toutes les nuits des animateurs dormaient dans le studio. Mais les forces de l’ordre ont agi extrêmement vite et au moment où la radio est la plus vulnérable.
À 5 h 40, un militant de la Fédération anarchiste tambourine à la porte du studio pour prévenir d’une saisie imminente, puis prend la fuite. À l’intérieur de la station transformée en bunker, les animateurs tout juste réveillés n’osent pas sortir pour vérifier l’information. Des demandes de confirmation sont effectuées par radio et par téléphone, mais rien de nouveau ne leur parvient.
Au petit matin, des militants se dirigent vers la butte Montmartre, font le tour du quartier, mais ils ne trouvent pas l’ombre d’un policier. Ils se dirigent vers les studios pour faire le point avec leurs compagnons à l’intérieur, lorsque deux hommes en civil sortent en courant de l’immeuble de Radio Libertaire.

L’alerte est lancée. Le quartier est encerclé par la police. Les forces de l’ordre, mal renseignées, commencent par attaquer le cinquième étage de l’immeuble où réside un simple étudiant. Revenus de leur erreur, ils s’attaquent au rez-de-chaussée mais butent contre la porte blindée du studio de Radio Libertaire. La porte ne saute que vingt minutes plus tard et les deux animateurs présents sont alors roués de coups.
Ils avaient tout juste eu le temps d’appeler Radio Ici et Maintenant afin de retransmettre la saisie en direct. Ce laps de temps permet aussi de diffuser un dernier disque et les anarchistes jouent une chanson de l’Espagnol Agustín García Calvo  intitulée C’est ce qu’on refuse qui fait chanter les hommes. Après quelques minutes, les forces de l’ordre découvrent le dispositif et coupent les micros.
Quant au poste émetteur, il arbore une pancarte indiquant « émetteur piégé – danger ». Un artificier est alors demandé en urgence… or, il s’agissait en fait d’un canular. Au bout de la procédure de déminage, l’émetteur est intransportable. Il est désossé et le reste du matériel est emmené dans un camion banalisé. À trois jours du deuxième anniversaire de Radio Libertaire, tous les efforts des anarchistes sont anéantis en quelques heures.

Félix Patiès

Publié le 20/06/2018 - CC BY-SA 3.0 FR

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