Sélection

Appartient au dossier : Handicaps : vers une société inclusive ?

Des récits personnels sur le handicap

Partageant leurs trajectoires de vie singulières, des personnes en situation de handicap témoignent d’une volonté d’adaptation et d’une énergie que le reste de la société peine à mettre en œuvre pour les inclure. À l’occasion du cycle « Handicaps : une vie à part ? », organisé par la Bpi au printemps 2023, Balises a sélectionné quelques-uns de ces témoignages, qui soulignent la nécessité de construire une société réellement inclusive.

Publié le 28/02/2023 - CC BY-SA 4.0

Notre sélection

Assise, mais toujours debout : le combat d'une femme tétraplégique

Sylvie Faivre
PUG, 2022

Sylvie Faivre, tétraplégique depuis un accident de voiture survenu en 1997 quand elle avait 33 ans, raconte son parcours de combattante pour arriver à vivre une vie à part entière en dépit de son handicap. Elle livre ses souvenirs en 177 pages, denses en émotions. Dans une première partie, elle aborde l’accident qui a fait basculer sa vie et ses suites : la réanimation et le suivi médical au CHU de Besançon. Dans la deuxième partie du témoignage, l’autrice évoque sa rééducation dans le service de médecine physique et de réadaptation (MPR) du Centre Propara à Montpellier.

La troisième et dernière partie est consacrée à sa vie personnelle. D’abord, elle aborde le divorce avec son mari, assumé bien que, comme elle le rappelle, après des événements qui impliquent des accidents médullaires les couples auraient tendance à rester ensemble (selon l’enquête de Tétrafigap seulement 17 % des couples divorceraient). Puis, elle parle du rapport avec ses trois filles, une âgée de 9 ans au moment de l’accident et des jumelles de 7 ans, dont une insulinodépendante. Elle termine sur les relations et la cohabitation avec les aides-soignantes toujours très présentes dans les tâches quotidiennes, car certains gestes, comme la toilette du matin, sont impossibles à réaliser en autonomie par une personne tétraplégique.

Sylvie Faivre au fil des années a retrouvé une vie sociale et s’occupe désormais de politique afin de construire une société inclusive, adaptée aux besoins des personnes en situation de handicap.

À la Bpi, niveau 2, 300.77 FAI

Aimer au pays du handicap

Blandine Bricka
Les Éditions de l'Atelier, 2021

L’écrivaine Blandine Bricka donne la parole à des adultes en situation de handicap mental qu’elle a interrogé·es sur la rencontre et la vie amoureuse, dans le cadre de trois institutions normandes. On découvre ainsi la vie intime et sensible de ces personnes (célibataires, couples, parents ou enfants) qui s’expriment sur leurs désirs, leurs peurs, la découverte de leurs corps et celui de l’autre.

Le rôle des aidant·es (les professionnel·les et parfois les parents) est ici primordial et valorisé. Les parcours à accomplir pour réaliser une union ou une parentalité sont l’aboutissement d’un travail permanent d’accompagnement. Les thèmes sont abordés lors d’ateliers, mis en place dans les structures d’accueil, ayant pour but de libérer la parole, et nécessitent d’être à l’écoute et de conseiller sans pour autant être intrusif·ve. L’objectif est de soigner les souffrances, de lever les doutes ou les questions afin d’amener les participant·es à vivre une relation saine et désirée. Il y est question de consentement, de respect, de protection.

Ce recueil de petits récits s’adresse à tous les publics, et nous apprend beaucoup sur nous-mêmes, sur l’autre et sa différence. Il rend hommage à cette belle aventure humaine qui cherche en l’autre le désir d’aimer et d’être aimé. C’est enfin un livre qui perpétue l’idée que partager et échanger sur tous les sujets permet de lever les tabous et évite les malentendus.

À la Bpi, niveau 3, PRA A2 BRI

Aveugle ? Et alors ! : témoignages

Léo Koesten
L'Harmattan, 2019

Léo Koesten, malvoyant, professeur d’allemand et auteur, a choisi de rassembler dans ce recueil huit autres témoignages de personnes aveugles ou proches de la cécité, dans le but de créer un lien entre le monde des non-voyant·es et celui des voyant·es, de « faire comprendre que le regard de l’aveugle s’est déplacé tout simplement à l’intérieur ». Ces conversations mettent en lumière le travail et le chemin parcouru pour arriver à vivre, à travailler et être heureux·se, à travers l’histoire de Dominique, Ben, Fabrice, Nicolas, Laurence, Léo, Hakim, Zeliha et Dilara. Tous·tes restent optimistes par rapport à ce que la vie peut leur offrir, et font tout pour mener à bien leurs projets avec l’aide d’associations et de moyens techniques toujours plus performants, indispensables pour une communication à distance.

Certain·es ont choisi leurs métiers (kinésithérapeute, journaliste radio, musicien ou professeur) et souhaitent aider leurs semblables par leur retour d’expériences. À travers ces histoires exemplaires, iels donnent espoir et démontrent que l’être humain possède en lui des ressources et des capacités d’adaptation et d’apprentissage exceptionnelles prêtes à prendre le relais quand arrive l’annonce de la perte du sens visuel. Iels expliquent comment la communication est parfois de « meilleure qualité » ou est facilitée du fait de leur handicap : l’absence de regard libère la parole et permet la confidence, elle efface toutes les apparences qu’il s’agisse de couleur de peau, d’identité de genre ou d’origine sociale, par exemple. Dans ce contexte l’humanité qui est en nous peut s’exprimer plus librement, en dehors de tout préjugé.

Ce livre qui s’adresse à tous·tes est aussi une aide précieuse car il donne également des conseils, des adresses et la liste d’outils techniques utiles.

À la Bpi, niveau 3, PRA A2 KOE

Le Cri de la mouette

Emmanuelle Laborit
Laffont, 1994

Emmanuelle Laborit, née sourde profonde, pousse des cris d’oiseaux pour se faire entendre de ses parents qui la surnomment affectueusement « a mouette ». À l’âge de 7 ans, elle fait un voyage aux États-Unis qui transforme sa vie : elle découvre qu’il existe de nombreux·ses sourd·es qui communiquent entre elleux. Elle apprend en trois mois la langue des signes française (LSF), cette langue méprisée en France – qualifiée de langue des « singes » et même interdite dans l’enseignement jusqu’en 1991 –, qui lui permet aussi de communiquer avec les entendant·es qui l’apprennent, comme ses parents et sa petite sœur. Emmanuelle Laborit n’a de cesse de vouloir s’exprimer et communiquer avec tous, entendant·es et sourd·es. En LSF, elle s’appelle désormais « le soleil qui part du cœur » et ce nouveau départ dans la vie lui permet de réaliser son rêve de devenir comédienne. Elle est la première sourde à recevoir le prix Molière de la révélation théâtrale en 1993 pour son rôle dans la pièce Les Enfants du silence. Elle devient l’ambassadrice de la langue des signes en France, où la LSF finit par être reconnue comme langue à part entière par la loi du 11 février 2005. Ce livre autobiographique, publié en 1994, est le moyen de communication qu’elle a choisi pour faire le lien entre les entendant·es et les sourd·es.

Emmanuelle Laborit a milité très tôt pour que la communauté sourde sorte de son silence, soit reconnue comme composée de citoyen·nes à part entière avec les mêmes droits que les entendant·es et surtout que ses membres puissent avoir accès aux mêmes informations. Aujourd’hui, elle codirige l’International Visual Theatre (IVT). Ce centre culturel parisien, fondé en 1977 pour accueillir la première compagnie de théâtre pour comédien·nes sourd·es, comporte également un centre de formation et une maison d’édition qui œuvrent pour la transmission et la diffusion de la LSF.

À la Bpi, niveau 3, 840″19″ LABO.E 4

Les Naufragés de l'intelligence : paroles et trajectoires de personnes désignées comme handicapées mentales

Nicole Diederich
La Découverte, 2004

Nicole Diederich, docteure en sociologie et chargée de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), décédée en 2010, a étudié tout au long de sa vie les maladies mentales. Sa thèse de 1981 portait sur le handicap mental (Au nom du handicap mental : les fonctions sociales des institutions spécialisées dans l’orientation et la prise en charge d’enfants et adolescents désignés comme handicapés mentaux). Elle s’est également intéressée à l’arrêt du 17 novembre 2000 de la Cour de Cassation, dit arrêt Perruche, portant sur le préjudice subi par un enfant né handicapé du fait d’une erreur médicale.

Dans Les Naufragés de l’intelligence, la sociologue s’attache à retracer, dans les détails, les trajectoires de vie des personnes « handicapées mentales » qu’elle suit, de leur scolarité à leur rôle dans la société. Elle rappelle la mise en garde de Pierre Bourdieu sur le classement des personnes : reléguées dans des cases et ségréguées dans des lieux prétendus « adaptés » à leur condition, elles sont exclues, de facto, de la société. Un simple trouble cognitif peut alors se transformer en une véritable pathologie provoquant des difficultés à l’insertion dans le monde du travail et dans la société.

Il y a trente ans (la première édition de cet ouvrage date de 1990), on ne s’interrogeait pas vraiment sur la portée d’une société inclusive, d’une école inclusive, etc., mais à travers des ouvrages comme celui-ci, nous pouvons retracer les questionnements qui ont amené les changements de mentalité et de culture vis-à-vis du handicap.

À la Bpi, niveau 2, 300.77 DIE

Pour aller plus loin

Le Dictionnaire du handicap

Gérard Zribi et Dominique Poupée-Fontaine
Presses de l'École des hautes études en santé publique, 2020

Ce dictionnaire est un ouvrage de référence pour aborder et comprendre les différents handicaps au sein d’une société qui se veut inclusive et évolutive. Comme il est régulièrement réédité, il rend compte des dernières avancées juridiques et sociales. Il constitue ainsi une aide précieuse pour tous·tes, mais particulièrement pour toutes les personnes concernées par le handicap, famille, patient·es, professionnel·les ou entreprises.

Il est très facile d’accès : les notions abordées sont classées par ordre alphabétique avec, à la fin de chaque article, le rappel de la législation et une courte bibliographie. Il contient également un repère chronologique des différentes politiques portant sur le handicap, ainsi qu’un guide pratique avec les organismes de référence et un index de 500 entrées pour accéder aux sujets.

À la Bpi, niveau 3, 365.76(03) ZRI

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