Francis Rissin
Martin Mongin
Tusitala, 2019
Des affiches mystérieuses. Une intrigue audacieuse. Une narration prodigieuse. Un personnage insaisissable. Un roman inclassable, d’une actualité redoutable. Voilà comment résumer les 600 pages de Francis Rissin, le premier roman de Martin Mongin.
Difficile de définir ce roman, tant il s’inscrit au-delà du genre romanesque. Le lecteur navigue entre le roman politique, le polar, le journal intime, la biographie ou encore le fantastique. Il est tout aussi difficile de définir le personnage central du roman, le fameux Francis Rissin, personnalité politique à la fois omniprésente et évanescente, tantôt convoitée, tantôt redoutée, qui est tour à tour sujet de recherche universitaire, incarnation d’un espoir, ou encore objet d’une enquête policière… Francis Rissin est à la fois intangible et étrangement familier. Une fois que l’on a vu, lu ou entendu son nom, on ne l’oublie plus. Enveloppé de mystère, ce nom représente à la fois tout et rien. Alors qu’il semble cristalliser les espoirs d’une nation, alors qu’on le voit martelé un peu partout, alors qu’on se demande même si Francis Rissin n’est pas l’autre nom de Dieu, personne ne sait qui est Francis Rissin. Même sur Google, la requête « Francis Rissin » n’aboutit à aucun résultat !
Et pourtant, le chapitre central du roman lui donne la parole. À la première personne, Francis Rissin dénonce avec virulence le système politique français et se présente comme un sauveur. Il est partout et en même temps « aussi impalpable que le vent ». Et il n’apparaît pas seulement sur ces étranges affiches bleues et blanches qui peuplent les murs partout en France : Francis Rissin, ce sont aussi des bustes en terre cuite à son effigie (alors que personne ne l’a jamais vu) remplaçant les bustes de Marianne dans plusieurs mairies de France, une exposition « Visages de Francis Rissin » au Centre Pompidou à Paris, ou encore les Archives Francis Rissin… Le récit joue sur la schizophrénie supposée du personnage et sur le fait que ce nom, Francis Rissin, qui résonne tel un écho entêtant, est celui d’un individu multiple. Au bout d’un certain temps, on ne sait plus si on traque Francis Rissin ou si c’est l’inverse. Le roman tout entier prend la forme d’un jeu de piste, sorte d’enquête géante qui s’appuie en réalité sur des archives fictives et de faux témoignages.
La construction pyramidale du roman est parfaitement maîtrisée. L’auteur brouille malicieusement non seulement les frontières entre les genres, mais aussi les pistes pouvant mener à Francis Rissin, tout en bousculant avec brio les liens entre littérature et politique, parvenant à sonder la société actuelle à travers la fiction. Ce roman est là pour saisir et décrypter les angoisses du présent. Il résonne bruyamment avec la crise politique et les revendications sociales qui secouent la France depuis plusieurs mois. À travers ce roman, c’est tout l’inconscient collectif qui s’exprime et qui cherche à s’identifier à la figure providentielle et résolument contemporaine de Francis Rissin, sorte de super-héros de la politique moderne dont l’histoire s’achève de manière délicieusement surprenante.
À la Bpi, niveau 3, 840″20″ MONG 4 FR
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