Appartient au dossier : Correspondances à l’ère du numérique
Sept romans épistolaires à l’ère du numérique
Le roman épistolaire, genre chéri du 18e siècle, et fondé sur la correspondance entre plusieurs personnages narrateur·rices, connaît une nouvelle jeunesse depuis l’irruption des emails, SMS et autres messages sur les réseaux sociaux. Les écrivaines et écrivains contemporain·es puisent dans ces nouvelles formes d’échanges pour réinventer le genre. Balises vous en propose une sélection.
Les plus célèbres sont Les Liaisons dangereuses (1782) de Choderlos de Laclos, Les Lettres persanes (1721) de Montesquieu ou Les Souffrances du jeune Werther (1774) de Gœthe. Les lycéen·nes et étudiant·es en lettres se sont tous et toutes un jour penché·es sur ces grands textes classiques. À la fin du 20e siècle, La Couleur pourpre (1982), d’Alice Walker, a obtenu le Prix Pulitzer et le Prix de l’American Book Award en 1983 et a été adapté au cinéma par Steven Spielberg l’année suivante.
Aujourd’hui la lettre comme moyen d’échange et de communication est tombée en désuétude, et les romans épistolaires contemporains se tournent vers les nouveaux modes de communication : SMS, emails, blogs, échanges sur divers réseaux sociaux ou jeux en ligne. Mais le ressort principal du genre reste identique : renforcer l’effet de réel en donnant au lecteur ou à la lectrice le sentiment de s’introduire en douce dans l’intimité des personnages, pour susciter proximité et identification.
Pour clore son dossier estival consacré aux correspondances à l’ère du numérique, Balises a sélectionné pour vous sept romans épistolaires écrits au 21e siècle, depuis 2014.
Publié le 25/08/2025 - CC BY-SA 4.0
Notre sélection de romans épistolaires
Amours solitaires
Morgane Ortin
Albin Michel, 2018
Autrefois, les amoureux échangeaient des lettres. Aujourd’hui, ils s’envoient des textos. La poésie n’a pas disparu entre-temps. Depuis qu’elle a créé le compte Instagram « Amours solitaires », Morgane Ortin a recueilli des milliers de conversations intimes d’amoureux·euses anonymes. Des mots doux, des mots crus, exaltés, érotiques, simples, drôles, sensuels, habiles, piquants. Elle en a sélectionné 278 pour composer l’histoire d’amour que vous vous apprêtez à lire. Une histoire que l’on pourrait introduire comme suit : des amours, il en a connu avant. Elle en a vu passer aussi. Ce livre raconte le leur. Celui qui tombe comme un couperet, ici et maintenant.
À la Bpi, FAL LIT ORT
La Demoiselle à cœur ouvert
Lise Charles
POL, 2020
Octave Milton, un écrivain de 44 ans pensionnaire à la Villa Médicis, utilise son talent, sa notoriété et son goût de l’indiscrétion pour attirer ses connaissances comme ses correspondantes, détourner leurs confessions, leurs frustrations, leurs secrets, et les recycler dans son œuvre. Sera-t-il puni ou sauvé ? Est-il un voleur, un pervers, un manipulateur, ou simplement un auteur en manque d’inspiration ? Ou bien peut-on soutenir, comme le fait son amie et éditrice occulte Livia Colangeli, que toute fiction implique un vol ? Le journal pillé d’une adolescente (cette demoiselle à cœur ouvert) apportera une terrible réponse.
Ce troisième livre de Lise Charles est un roman épistolaire contemporain, mettant en scène les emails comme support d’écriture. Il s’inspire avec délices des Liaisons dangereuses, mêlant aux problèmes du désir, de l’amour, de la jalousie, celui de la création. Dans son récit, l’autrice exploite son propre séjour comme pensionnaire à la Villa Médicis en 2018, et joue à de fausses mises en abyme avec les situations, les rôles. Les résonances de plusieurs types de textes à l’intérieur du livre (emails, journal, nouvelle, article universitaire…) créent une épaisseur de réalité en même temps qu’un jeu de miroir profond, et souvent drôle. Cette construction ludique, entremêlant fiction et documents réalistes comme le journal bouleversant d’une jeune adolescente, et le goût de la manipulation du héros, vont pourtant entraîner les lecteur·rices jusqu’à un dénouement tragique. Les jeux du désir et de la création ont rendez-vous avec l’innocence et la mort. [Résumé de l’éditeur, enrichi par Balises]
À la Bpi, 840″20″ CHAR 4 DE
Cher connard
Virginie Despentes
Grasset, 2022
Roman épistolaire entre Rebecca, une actrice quinquagénaire séduisante, Oscar, un écrivain trentenaire peu connu victime du syndrome de la page blanche et Zoé, une jeune féministe accro aux réseaux sociaux. Ces trois individus à la personnalité abrupte, tourmentés par leurs angoisses, leurs névroses et leurs addictions, sont amenés à baisser les armes quand l’amitié leur tombe dessus. © Électre 2022
À la Bpi, 840″20″ DESP 4 CH
La Toile
Sandra Lucbert
Gallimard, 2017
Hackers, esthètes, chef·fes d’entreprise, Agathe Denner et Guillaume Thévenin fascinent autant qu’il et elle inquiètent. Ce duo tisse un réseau de relations complexes et souvent cruelles où leur agence d’art numérique tient une place centrale. Lanceur·euses d’alerte ambigu·es, séducteur·rices troubles, il et elle jouent des naïvetés, piratent les conversations et exploitent indifféremment les failles de leurs rivaux ou de multinationales. Mais du 11e arrondissement parisien à la place Taksim d’Istanbul, en passant par Times Square plongé dans la tourmente, la météorologie imprévisible des mouvements de foule pourrait bien se retourner contre ces deux personnages.
Sandra Lucbert réarme subtilement le dispositif épistolaire des Liaisons dangereuses : messageries instantanées, emails, réseaux sociaux sont autant d’outils pour questionner le statut de la vie privée, de l’information et des gouvernances. Manipulations, jeux de pouvoir et réputation alimentent les tornades virtuelles et les séismes du quotidien. Ce roman très original, nerveux, montre comment une technologie et ses utilisateur·rices redessinent les logiques du désir et du politique – nos façons de vivre et d’aimer. [Résumé de l’éditeur, enrichi par Balises]
Où es-tu, monde admirable ?
Sally Rooney
Éditions de l'Olivier, 2022
Alice, une jeune romancière ayant connu un succès fulgurant, quitte Dublin pour s’installer dans un village d’Irlande. Elle fait la connaissance de Felix sur un site de rencontres. Eileen, la meilleure amie d’Alice, préfère rester dans la capitale et travaille pour un magazine littéraire. Elle renoue avec Simon, un copain d’enfance qui n’a jamais caché son attirance pour elle. Malgré la distance, Alice et Eileen se parlent presque tous les jours, ou plutôt elles s’écrivent. Des emails aussi drôles qu’intimes où elles laissent libre cours à leurs réflexions sur le sexe, l’amour, l’argent, l’amitié, la politique. Mais le monde s’assombrit. L’inégalité, l’injustice, la violence ne cessent de grandir. Comment continuer à se comprendre, s’aimer et admirer la beauté qui nous entoure quand le pire semble inévitable ?
Après Normal People, Sally Rooney nous fait partager les rêves et les déceptions de ces enfants du siècle avec une franchise et une justesse remarquables. [Résumé de l’éditeur]
À la Bpi, 820.1 ROON 4 BE
Et je danse, aussi
Anne-Laure Bondoux et Jean-Claude Mourlevat
Fleuve éditions, 2015
Un email comme une bouteille à la mer. D’ordinaire, l’écrivain Pierre-Marie Sotto ne répond jamais aux courriers d’admirateur·rices. Mais cette Adeline Parmelan n’est pas une lectrice comme les autres. Quelque chose dans ses phrases, peut-être, et puis il y a cette épaisse et mystérieuse enveloppe qu’elle lui a fait parvenir, et qu’il n’ose pas ouvrir. Entre le prix Goncourt et la jeune inconnue, une correspondance s’établit qui en dévoile autant qu’elle maquille, de leurs deux solitudes, de leur secret commun. [Résumé de l’éditeur, enrichi par Balises]
À la Bpi, RR BON E
Avec Maman
Alban Orsini
Chiflet & Cie, 2014
Avec Maman, c’est une histoire qui a commencé en février 2013 : dès les premiers jours, ces échanges de SMS quotidiens entre un fils et sa maman (visibles sur Tumblr et Facebook) ont fait un véritable buzz sur la toile et cela continue encore ! Avec Maman retrace l’histoire d’un fils et de sa maman que l’on lit au fil de leurs échanges de textos. Imaginée comme une fiction, cette histoire drôle, touchante et parfois surréaliste nous parle des liens parents/enfants, du décalage de génération… Inattendu, hilarant et captivant, on ne s’en lasse pas : au fil des jours on s’attache aux personnages, on en découvre de nouveaux, on s’identifie… Une véritable attente sur la suite des événements se lit dans les commentaires postés sur Tumblr ou Facebook. Avec Maman est devenu une véritable communauté. [Résumé de l’éditeur, enrichi par Balises]
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