Article

Appartient au dossier : Thérèse d’Ávila, la passion de Dieu

Thérèse d’Ávila, icône mystique

Thérèse d’Ávila (1515-1582), sa vie comme son œuvre, ont exercé et exercent encore une certaine fascination sur les artistes. Nous vous dévoilons quelques-unes des créations inspirées par la sainte espagnole.

Sainte Thérèse, peinture de François Gérard datant de 1827 et conservée à l'Infirmerie Marie-Thérèse à Paris
Sainte Thérèse, François Gérard (1770-1837), 1827, peinture conservée à l’Infirmerie Marie-Thérèse à Paris, Domaine public, via Wikimedia Commons.

L’iconographie thérésienne

De son vivant, Thérèse d’Ávila est assez peu représentée. Elle est reconnaissable à son habit de carmélite marron à cape blanche et voile noir. Elle est souvent accompagnée d’un livre et d’une plume, témoignant de son œuvre littéraire, mystique et poétique. Ces deux éléments renvoient également à son statut de Docteur de l’Église. Au XVIIe siècle, les images de la carmélite se multiplient à la faveur de sa canonisation et de la diffusion de sa pensée. 

Première planche de la Vita S. Virginis Teresiæ a Iesv (= Vie de Sainte Thérèse de Jésus), Adriaen Collaert, publié à Anvers en 1630. Livre numérisé par Internet Archive, Domaine public, via Wikimedia Commons.

Dès 1613, un livre de gravure raconte la vie hors du commun de la sainte. Il s’agit de la Vita S. Virginis Teresiæ a Jesv (= Vie de Sainte Thérèse de Jésus) d’Adriaen Collaert (mort en 1618), en collaboration avec Cornelis Galle (1576-1650). Le recueil regroupe vingt-cinq planches gravées, soit autant d’épisodes marquants de la vie de Thérèse d’Ávila. Un seconde édition est publiée en 1630 à Anvers.

L’album de gravures d’Adriaen Collaert est repris en 1682 par le peintre José Espinoza de los Monteros dans ses Seize tableaux sur la vie de Sainte Thérèse conservés dans l’église du monastère des carmélites à Cuzco au Pérou.

Teresa de Jesús, par frère Jean de la Misère, XVIe siècle, Carmel de Séville. Source : http://www.umilta.net/teresavila.html Domaine public, via Wikimedia Commons.

Les peintres sont très inspirés. Ils peignent des portraits tantôt réalistes, tantôt idéalisés.
Une représentation contemporaine de la carmélite nous est parvenue, celle réalisée par frère Jean de la Misère en présence même de Thérèse d’Ávila, alors âgée de 61 ans.

Le peintre flamand Rubens (1577-1640) s’inspire d’ailleurs fortement de ce portrait pour proposer sa propre version en 1615. Parmi les représentations idéalisées, celle de François Gérard (1770-1837), datée de 1827, est particulièrement marquante. Le peintre français, héritier du chef de fil du néoclassicisme Jacques-Louis David (1748-1825), nous montre une Thérèse d’Avila jeune et plongée dans la prière contemplative.

L’épisode de la transverbération, durant lequel la sainte a le cœur transpercé par une flèche enflammée d’amour divin, occupe une place privilégiée dans l’iconographie thérésienne. Comment donner à voir cette expérience mystique par essence indicible et invisible ? Plusieurs artistes ont relevé le défi.

Le plus célèbre est sans aucun doute Gian Lorenzo Bernini dit Bernin (1598-1680). Son Extase de Sainte Thérèse transpose l’expérience mystique de la sainte en une sculpture de marbre monumentale et saisissante. L’état extatique de Thérèse d’Ávila se traduit par une pose alanguie. Un érotisme certain émane de l’ensemble réalisé entre 1647 et 1652 pour la chapelle Cornaro de l’église Santa Maria della Vittoria à Rome.

Certains artistes interprètent d’ailleurs la figure mystique espagnole jusqu’à la caricature. L’artiste belge Félicien Rops (1833-1898) propose ainsi une série de caricatures érotiques de la sainte. Il pousse à l’extrême l’expérience mystique de la carmélite et détourne son « mariage spirituel » avec Dieu.

Ce rapide panorama des œuvres d’art inspirées par Thérèse d’Ávila est loin d’être exhaustif. Il laisse tout juste entrevoir la variété avec laquelle les artistes se sont successivement appropriés la figure de la sainte.

Les adaptations de la vie et de l’œuvre de Thérèse d’Ávila 

Les adaptations de la vie et de l’œuvre de Thérèse d’Ávila sont de natures diverses, allant de la bande dessinée au film en passant par la musique.

En musique

Les poèmes de la sainte inspirent les musiciens et chanteurs. Un certain nombre n’hésitent pas à les mettre en musique, leur donnant une nouvelle vie. C’est le cas par exemple de Guylaine Renaud et Beñat Achiary qui décident de chanter les textes mystiques de la carmélite et de son ami Jean de la Croix, accompagnés entre autres de percussions et d’une vielle à roue. Le nom de l’album, Beatiho, renvoie à de petites boîtes vitrées dans lesquelles se tenaient des crèches ou des scènes de la vie monastique, en usage dans les monastères carmélites provençaux aux XVIIIe et XIXe siècle.

En BD

Dans un tout autre registre, l’illustratrice et scénariste de bandes dessinées Claire Bretécher propose une savoureuse et décapante Vie passionnée de Thérèse d’Ávila en 1980. Elle raconte avec humour la vie de la sainte en quelques épisodes (expériences mystiques, fondation de monastère, etc.). Sa vision de la carmélite insiste sur sa forte personnalité et son caractère pragmatique, des traits indispensables pour s’imposer dans l’Espagne du XVIe siècle.

En films, documentaires, séries

La vie de Thérèse d’Ávila fait également l’objet de plusieurs adaptations audiovisuelles. Parmi les films et documentaires, celui de Josefina Molina est l’un des plus marquants. Intitulée Teresa de Jesús, cette mini-série espagnole date de 1984 et retrace la vie de la sainte en huit épisodes. Elle est intégralement disponible sur le site espagnol RTVE.es.
À noter pour terminer les différents reportages consacrés à la sainte sur la chaîne KTO et disponible via youtube.

Publié le 01/06/2015 - CC BY-SA 4.0

Sélection de références

Beatiho

musique de [et interpr. par] Guylaine Renaud, chant, Beñat Achiary, chant, Gérard Siracusa, percussions, Dominique Regef, vielle, violoncelle, dilruba ; [textes de] Thérèse d’Ávila et Jean de la Croix ; ouvrage de Dominique Serena-Allier et Alain Girard
Actes Sud-Museon arlaten-Association d’idées, 2012

1 disque compact et 1 livret.
Guylaine Renaud et Beñat Achiary, accompagnés des musiciens Gérard Siracusa et Dominique Regref, interprètent des poèmes mystiques de Thérèse d’Ávila et de Jean de la Croix.

À la Bpi, Niveau 3, 782.1 BEA

La vie passionnée de Thérèse d'Ávila

Claire Bretécher
Dargaud, 2007

La dessinatrice et scénariste de bande dessinée Claire Bretécher aborde sous l’angle humoristique et parodique la vie de Thérèse d’Ávila. Son hagiographie décalée offre un regard mordant sur la religieuse et quelques personnalités de son entourage, en particulier Jean de la Croix et Pierre d’Alcántara.

À la Bpi, Niveau 2, 235 THER 2

Vous pouvez également consulter l’album sur la plateforme Iznéo (uniquement sur place à la Bpi).

L'art du XVIIe siècle dans les Carmels de France : [exposition, Paris, Musée du Petit palais, 1983]

Gilles Chazal (catalogue), avec le concours du Comité pour le IVe centenaire de sainte Thérèse d’Ávila
Y. Rocher, 1983

À l’occasion du 400e anniversaire de la naissance de Thérèse d’Ávila, une exposition dédiée à l’art du XVIIe siècle dans les Carmels de France s’est tenue au musée du Petit Palais du 17 novembre 1982 au 15 février 1983. Ce catalogue, même s’il est quelque peu ancien, permet de découvrir une riche iconographie relative à l’ordre du Carmel, accompagnée de textes sur l’histoire des carmes et des carmes déchaux en France. Le chapitre III s’intéresse à la représentation de Thérèse d’Ávila (p. 43-62). Le chapitre IV le complète en revenant sur les relations amicales de la sainte (p. 63-68).

À la Bpi, Niveau 3, 704.405 ART

Le musée chrétien : dictionnaire illustré des images chrétiennes occidentales et orientales. Tome 3

Jean-Pie Lapierre
Seuil, 2014

L’article « Thérèse d’Ávila (sainte) » propose une biographie synthétique et donne les clés essentielles de l’iconographie thérésienne (p. 2431-2436). Quatre œuvres sont brièvement commentées : deux gravures de Karel Van Mallery (1613), un portrait du peintre Jean Narducci (1576) et Sainte Thérèse d’Ávila délivrant Bernardino de Mendoza du purgatoire peint par Rubens (1635).

À la Bpi, Niveau 3, 7.13 LAP tome 3

L’œil mystique : peindre l’extase dans l’Espagne du Siècle d’or

Victor I. Stoichita
Le Félin, 2011

L’ouvrage réunit quatre leçons données par l’historien d’art Victor I. Stoichita au Collège de France. Il s’agit d’étudier la représentation des visions et autres extases mystiques par les peintres du Siècle d’or espagnol (XVIe-XVIIe s.). L’auteur s’attarde notamment sur les œuvres de Velasquez, du Greco, de Zurbaran et de Ribalta pour pointer le paradoxe sous-jacent de cette iconographie : comment donner à voir l’invisible, l’indescriptible, l’irreprésentable ?

À la Bpi, Niveau 3, 754.65 STO

À lire en ligne pour aller plus loin…

Sur la base de donnée Art source (uniquement sur place à la Bpi)

  • « Ecstasy and vision: two concepts connected with Bernini’s Teresa », Susanne Warma, Art bulletin, 66, 1984, p. 508-511. Susanne Warma présente et analyse la célèbre œuvre monumentale représentant la transverbération de Thérèse d’Ávila. En anglais.

Sur l’Encyclopædia universalis (uniquement sur place à la Bpi)

Rédiger un commentaire

Les champs signalés avec une étoile (*) sont obligatoires

Réagissez sur le sujet