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Appartient au dossier : Press Start 2024 : peur et jeu vidéo

6 jeux vidéo qui exploitent nos peurs les plus intimes

Plonger le joueur ou la joueuse dans l’essence même du frisson est le point commun de ces jeux vidéo, sélectionnés parmi les 25 jeux terrifiants mis à la disposition du public de la Bpi lors de l’édition Press Start 2024. Ces jeux exploitent la peur sous toutes ses facettes et laissent une impression durable bien au-delà de la fin de l’aventure. Découvrez ces incontournables qui maîtrisent l’art de la peur.

Publié le 16/09/2024 - CC BY-SA 4.0

Notre sélection

©Konami/

Silent Hill (1999)

La série de jeux vidéo Silent Hill, développée principalement par Konami, est une référence incontournable du genre survival horror. Depuis le premier jeu sorti en 1999, la franchise s’est distinguée par sa capacité à susciter une peur profonde, qui va bien au-delà des simples sursauts de surprise ou des réactions face à de monstrueuses créatures. Silent Hill exploite les traumatismes et les tourments mentaux, sur fond d’atmosphère cauchemardesque.

La ville de Silent Hill est une entité vivante, un lieu où la réalité et les cauchemars se confondent. Elle reflète les peurs, les regrets et les péchés des personnages qui la traversent, transformant leur psyché en un paysage déformé et terrifiant. Un épais brouillard l’enveloppe. Ce brouillard, combiné à une bande sonore oppressante composée par Akira Yamaoka, renforce le sentiment de désorientation, de menace et de malaise.

La série explore des thèmes psychologiques et émotionnels, tels que la perte, la culpabilité, la dépression et les abus. Les créatures qui peuplent Silent Hill sont les manifestations physiques des peurs et des traumatismes des personnages. Les ennemis ne servent pas uniquement à effrayer les joueur·euses, ils incarnent les thèmes profonds et sombres explorés par le jeu. Les personnages principaux sont des individus torturés par leur passé et confrontés à leurs propres démons intérieurs. Chaque rencontre est donc une confrontation avec les aspects les plus troublants de la psyché humaine. La narration fragmentée et parfois cryptique du jeu ajoute à l’atmosphère d’incertitude et renforce l’angoisse et l’immersion. Le joueur ou la joueuse est amené·e à explorer de sombres histoires ambiguës, trouve des réponses peu claires et une vérité souvent dérangeante. Iel est laissée dans le doute, incapable de distinguer le réel de qui ne l’est pas. Les multiples fins possibles, déterminées par les actions du ou de la gameur·euse tout au long du jeu, accréditent l’idée que chaque choix a des conséquences, parfois terribles.

Le gameplay de Silent Hill contribue également à l’intensité de la peur. Les joueurs et joueuses ne sont pas des héros ou des héroïnes invincibles ; iels sont souvent vulnérables, mal armé·es, et se déplacent lentement. Le combat est rarement la meilleure option, et la fuite ou l’évitement sont généralement nécessaires. Ce sentiment de vulnérabilité est renforcé par une pénurie de ressources, comme les munitions et les soins, obligeant les joueur·euses à évaluer constamment les risques en fonction des récompenses.

La série Silent Hill réussit à créer une atmosphère unique où la terreur ne provient pas seulement de ce qui est visible, mais plutôt de ce qui se cache dans les recoins les plus sombres de l’esprit. C’est cette profondeur psychologique associée à une atmosphère cauchemardesque qui font de Silent Hill une expérience d’horreur inoubliable.

©Visceral Games/Sony Interactive Entertainment

Dead Space (2008)

Dead Space, développé par EA Redwood Shores (devenu Visceral Games) est sorti en 2008. Ce jeu vidéo a redéfini le genre du survival horror en situant l’action dans un environnement spatial (naturellement inadapté et dangereux pour l’humain), peuplé d’ennemis terrifiants. L’USG Ishimura, gigantesque vaisseau spatial abandonné, sert de toile de fond à la majorité du jeu. Autrefois lieu de vie et de travail, il est devenu un lieu de mort, infesté de créatures monstrueuses appelées nécromorphes. Le joueur ou la joueuse, dans la peau de l’ingénieur Isaac Clarke, est confronté·e à l’isolement total, loin de toute aide possible. Le vide spatial autour du vaisseau ajoute à cette sensation de désespoir. Les cris des occupant·es disparu·es résonnent encore à travers de sombres couloirs métalliques du bâtiment. L’expérience de peur qu’offre Dead Space tient tout autant à son ambiance claustrophobique, qu’à son gameplay tendu et ses visuels horrifiques.

Les nécromorphes sont de puissants vecteurs de terreur. D’abord, parce que ces créatures sont des abominations grotesques, résultat de la réanimation et de la transformation des corps des humains morts. Contrairement aux ennemis traditionnels des jeux de tir, ils ne peuvent pas être abattus d’un unique tir à la tête ou au torse. Il faut les démembrer pour les neutraliser. Cette approche du combat ajoute une couche supplémentaire de tensions. Chaque rencontre avec ces créatures est une lutte pour la survie et chaque mauvaise décision peut rapidement conduire à une mort atroce.

Le design sonore de Dead Space joue également un rôle essentiel. Le jeu utilise une bande sonore minimaliste, qui laisse souvent place aux bruits ambiants : le grincement des structures métalliques, les murmures lointains, le bruissement de la combinaison et les bruits soudains, souvent annonciateurs de l’arrivée des nécromorphes. Certaines séquences sont sans musique pour rendre l’expérience encore plus angoissante. Les sursauts sonores qui traversent ce silence oppressant gardent le joueur ou la joueuse en alerte constante.

Le gameplay de Dead Space accentue la sensation de vulnérabilité du protagoniste. Isaac Clarke est lourdement équipé, mais ses mouvements sont lents et délibérés, en raison du poids de son armure. Le fait que le joueur ou la joueuse ne puisse pas simplement courir ou esquiver facilement les attaques ennemies renforce la tension et le stress lors des affrontements. Pour ajouter à la difficulté, iel doit gérer stratégiquement ses rares ressources.

Enfin, Dead Space exploite la psychologie du gameur ou de la gameuse. Il joue avec la perception et la santé mentale d’Isaac, qui commence à avoir des hallucinations à mesure qu’il s’enfonce dans l’enfer de l’Ishimura. Ses hallucinations, qui prennent souvent la forme de visions de sa petite amie disparue, ajoutent une couche de peur psychologique à l’horreur physique déjà présente.

Bref, dans Dead Space, chef-d’œuvre du survival horror, la peur est omniprésente. C’est un jeu qui exploite tous les tableaux pour déstabiliser le joueur ou la joueuse, placé·e en mode survie à chaque instant.

©Red Barrels/

Outlast trilogie (2013)

La série Outlast, développée par le studio Red Barrels, est reconnue pour son atmosphère terrifiante et son utilisation originale des mécaniques de la peur. Dès 2013, Outlast s’est imposé comme une référence du genre survival horror.

Le joueur ou la joueuse y incarne des personnages qui ne peuvent que fuir ou se cacher pour survivre. L’absence de moyen de défense à leur disposition est un des éléments amplificateurs de la peur. Le personnage dispose d’une caméra pour voir dans l’obscurité grâce à sa vision nocturne, qui s’avère une source de stress supplémentaire, car sa durée d’utilisation est limitée. Chaque instant passé dans le noir, à la recherche de nouvelles piles, devient un défi en soi. Les décors sombres, étroits et souvent labyrinthiques, des couloirs mal éclairés et d’étranges bruits lointains participent à l’immersion dans cet univers terrifique et rendent l’exploration particulièrement anxiogène.

Les antagonistes dans la série, qui vont des patient·es dément·es dans un asile abandonné aux adeptes fanatiques d’une secte, sont aussi terrifiant·es qu’imprévisibles. Leurs apparitions soudaines, accompagnées de musique stridente et de bruitages violents, provoquent les sursauts inévitables qui maintiennent le joueur ou la joueuse dans un état de vigilance permanente.

Si la peur est omniprésente, c’est aussi grâce à l’histoire. Les récits de Outlast et de sa suite explorent les thèmes de la folie, les expériences médicales non éthiques, et les croyances religieuses extrêmes. En entretenant le flou entre réalité et fiction, ils créent un malaise profond, qui persiste bien après avoir quitté le jeu.

En somme, Outlast utilise habilement la vulnérabilité de l’avatar, un environnement angoissant, des ennemis terrifiants et un scénario dérangeant pour créer une expérience de peur intense. Elle reste gravée dans la mémoire de celles et ceux qui osent s’y aventurer.

©Naughty Dog/Sony Computer Entertainment

The Last of Us (2013)

La série de jeux vidéo The Last of Us, développée par Naughty Dog, est une œuvre magistrale qui transcende le genre pour explorer la peur sous diverses formes, tant physiques qu’émotionnelles. Sortis respectivement en 2013 et 2020, The Last of Us et The Last of Us Part II plongent les joueur·euses dans un monde post-apocalyptique dévasté par une pandémie dûe à champignon parasite, le Cordyceps. Ce dernier transforme les humains en créatures sauvages et déformées appelées les Infecté·es. Cependant, la série va bien au-delà de ces horreurs visibles pour explorer la peur : elle joue sur un niveau beaucoup plus intime et psychologique.

La peur dans The Last of Us est intrinsèquement lié à la survie quotidienne dans un monde brutal. Les environnements sont dangereux et imprévisibles, qu’il s’agisse de zones urbaines en ruines, de forêts désolées, ou de bâtiments abandonnés. Partout, le danger rôde. Il provient des Infecté·es, mais d’autres survivant·es désespéré·es sont prêt·es à tout pour assurer leur propre survie. Chaque rencontre peut être mortelle, et la méfiance est de rigueur. Cette menace constante crée une atmosphère angoissante.

Les Infecté·e sont particulièrement terrifiant·es. Ils se divisent en plusieurs types en fonction de leurs caractéristiques, toutes effrayantes. Les « Clickers », par exemple, sont aveugles. Ils utilisent l’écholocation pour chasser en produisant des cliquetis sinistres. Entendre ces petits bruits est annonciateur d’une rencontre qui peut être fatale. Les « Bloaters » sont des formes avancées d’Infecté·es, capables de lancer des spores toxiques. Le moindre bruit trahit évidemment la présence de l’avatar et peut déclencher une attaque meurtrière.

Cependant, la peur dans The Last of Us ne se limite pas à des horreurs physiques. Elle s’exprime aussi à travers les relations humaines et les dilemmes moraux auxquels sont confrontés les personnages principaux, Joel et Ellie. La série aborde des thèmes profonds tels que la perte, la culpabilité, la vengeance ou le désespoir, forçant les joueur·euses à réfléchir aux conséquences de leurs actions. Dans un monde post-apocalyptique, la remise en question des valeurs morales et la peur de perdre ceux que l’on aime deviennent un moteur narratif puissant. Dans The Last of Us Part II, la peur de la solitude, de l’échec et de la trahison sont des thèmes récurrents qui résonnent tout au long du jeu. La narration complexe alterne entre différentes perspectives et amène le joueur ou la joueuse à ressentir une empathie contradictoire, créant une tension émotionnelle extrême bien au-delà de simples frayeurs.

The Last of Us exploite également la peur du futur incertain. Dans ce monde dévasté, l’humanité lutte pour trouver une nouvelle voie. Les choix que font les personnages, moralement ambigus la plupart du temps, soulèvent des questions troublantes sur ce que signifie survivre et sur le prix de cette survie. Le jeu ne fournit pas de réponses simples et conduit à un état de réflexion et d’inconfort qui perdure bien après la fin du jeu.

Le design sonore et l’ambiance visuelle servent cette omniprésence de la peur. Les bruits, les musiques discrètes, mais poignantes, et le détail des décors souvent sinistres, immergent le joueur·euse dans un monde où l’espoir est rare et la menace permanente. Le silence est aussi utilisé de manière efficace, favorisant l’imagination pour créer une tension qui persiste même dans les moments de répit.

The Last of Us est donc une série qui maîtrise l’art de la peur sous toutes ses formes : physique, psychologique et émotionnelle. En introduisant les joueur·euses dans un monde violent, où chaque choix est lourd de conséquences, où les relations humaines sont complexes et douloureuses, The Last of Us crée une expérience de jeu à la fois terrifiante et profondément émouvante.

©Creative Assembly/Sega

Alien: Isolation (2014)

Alien: Isolation, développé par Creative Assembly et sorti en 2014, est un jeu vidéo du genre survival horror. Inspiré directement du film culte Alien de Ridley Scott, le jeu plonge les joueur·euses dans une atmosphère claustrophobique et angoissante. La furtivité et la stratégie, plus que la confrontation, sont les conditions de la survie. La manière dont Alien: Isolation recrée l’ambiance oppressante du film original est redoutablement efficace. Le joueur ou la joueuse incarne Amanda Ripley, qui cherche à découvrir ce qui est arrivé à sa mère, Ellen Ripley. Elle se retrouve piégée dans une station spatiale délabrée, le Sevastopol, où un xénomorphe rôde. La station elle-même est un lieu inquiétant, avec ses couloirs sombres, ses lumières vacillantes et ses bruits métalliques qui résonnent dans le silence.

Le xénomorphe, évident adversaire principal du jeu et prédateur aux instincts primitifs, est la figure universelle de la terreur. Contrairement à de nombreux jeux où les ennemis suivent des schémas attendus, l’Alien dans Isolation est plus qu’imprévisible. Il traque le joueur ou la joueuse de manière dynamique, apprenant de ses actions et réagissant en conséquence. Ce fonctionnement crée un sentiment constant de danger.

La peur dans Alien: Isolation est accentuée par le design sonore, tout comme dans le film. Chaque pas, chaque ouverture de porte, chaque bruit peut attirer la créature. L’avatar doit se cacher, se faufiler et utiliser des leurres pour éviter d’être détecté, sachant qu’une rencontre directe avec l’Alien est presque toujours fatale. Les bruits de fond, les craquements de la station, les respirations du xénomorphe et les pulsations cardiaques qui augmentent lorsque la créature est proche, engendrent une tension insoutenable. La musique est rarement présente pour mieux céder la place à des silences angoissants, où chaque son surgissant pourrait annoncer l’arrivée de l’Alien. Le joueur ou la joueuse est dans un état de stress permanent. Même durant les rares moments de répit, la tension reste palpable, car l’Alien peut réapparaître à tout moment.

Alien: Isolation instille une peur profonde, quasi viscérale, qui découle de l’impuissance face à une menace implacable. C’est sa capacité à restituer l’essence de la survie, en jouant sur la vulnérabilité face à un ennemi redoutable et en utilisant les codes et l’atmosphère d’un film d’horreur de science-fiction, qui fait d’Alien: Isolation l’un des jeux les plus effrayants de son époque.

©Bandai Namco

Little Nightmares (2017)

La série de jeux vidéo Little Nightmares, développée par Tarsier Studio et éditée par Bandai Namco, est une plongée captivante dans un monde sombre et surréaliste où la peur est omniprésente, bien que souvent subtile et psychologique. Sortie pour la première fois en 2017, cette série explore les terreurs de l’enfance à travers des environnements cauchemardesques, des créatures grotesques et une atmosphère ténébreuse. Les joueur·euses éprouvent un malaise constant.

Little Nightmares parvient à capturer l’essence des cauchemars. Le jeu se déroule dans des mondes gigantesques où le joueur ou la joueuse incarne de petits personnages vulnérables, comme Six, une petite fille en imperméable jaune, ou Mono, un garçon masqué. La disproportion entre leur taille et celle des environnements crée un sentiment d’impuissance et de fragilité. Dans le monde de Little Nightmares, tout semble vouloir dévorer ou écraser l’avatar, renforçant la sensation d’un danger constant.

Les ennemis que l’on rencontre dans Little Nightmares sont des incarnations des peurs enfantines. Ces créatures, comme le Concierge aux bras anormalement longs, les Jumeaux cuisiniers, obèses et brutaux, ou encore la mystérieuse Dame, sont à la fois terrifiantes et repoussantes. Leur apparence difforme et leurs comportements étranges sont dérangeants, mais c’est leur nature imprévisible et implacable qui instille une véritable terreur. Ils poursuivent sans relâche les petits protagonistes, transformant chaque rencontre en une course désespérée pour échapper à une mort horrible.

L’environnement joue également un rôle crucial dans l’instauration de la peur. Le Maw dans le premier jeu ou la Pale City dans Little Nightmares II, sont des espaces remplis de dangers cachés et d’ombres menaçantes, imprégnés d’une atmosphère lugubre. Chaque pièce, chaque couloir, semble avoir une histoire sinistre à raconter. Les décors sont souvent en mouvement, se déformant ou changeant soudainement, contribuant à la sensation de désorientation, d’incertitude et de danger.

La série excelle dans l’art de créer une tension par le contraste entre silence et sons. La bande sonore de Little Nightmares est minimaliste, composée principalement de bruits d’ambiance angoissants : le grincement des planchers, le souffle des créatures et les bruits lointains… Le silence, généralement utilisé juste avant une confrontation, devient un outil puissant pour maintenir le joueur sur ses gardes.

La peur dans Little Nightmares est aussi profondément liée à la thématique de la perte d’innocence. Les protagonistes, bien qu’enfants, sont confrontés à des horreurs indicibles et à un monde sans pitié. La normalité y est déformée : les adultes sont monstrueux et la bienveillance est absente. Cette thématique résonne particulièrement fort, car elle évoque la transition de l’enfance à l’âge adulte et la découverte des dures réalités du monde. Little Nightmares joue également avec la peur de l’inconnu. Les joueur·euses sont laissé·es dans l’ignorance. Iels n’ont pas d’information sur l’origine de ces mondes cauchemardesques, ni des créatures qui les habitent. Cette absence d’explications et l’ambiguïté des histoires font la part belle à l’interprétation et à l’imagination. Un sentiment de mystère et d’inquiétude persiste tout au long du jeu.

Little Nightmares est une série qui explore habilement les angoisses primaires, dans un univers et une ambiance terrifiants. Plus que la peur des monstres, c’est celle de se retrouver seul et vulnérable dans un monde incompréhensible et dangereux qui prédomine. L’expérience de jeu est riche en émotions et bien servie par une esthétique soignée.

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