En chiffres

90 000 caméras de surveillance dans les rues françaises

Conçus pour protéger les biens et les personnes, les dispositifs de vidéosurveillance se multiplient au nom des risques terroristes et se perfectionnent grâce à l’intelligence artificielle. Alors qu’approchent les Jeux olympiques accueillis par Paris en 2024, occasion d’une nouvelle extension quantitative et qualitative de cette surveillance, certain·es s’interrogent sur les risques qu’elle fait peser sur les libertés publiques et individuelles. Balises vous présente les enjeux de ces dispositifs à l’occasion de la rencontre « Tout savoir sur la surveillance biométrique », le 14 septembre 2023 à la Bpi.

Deux femmes sous un mur rempli de caméras de videosurveillance
Photo de Matthew Henry sur Unsplash

Combien de caméras de surveillance en France ?

En 2023, un rapport sur la vidéosurveillance rendu par les députés Philippe Gosselin (LR) et Philippe Latombe (Modem) estimait à 90 000 le nombre de caméras de surveillance de la voie publique contrôlées par la police ou la gendarmerie ; elles n’étaient « que » 60 000 en 2013.

Si on comptabilise en plus les caméras présentes dans des lieux publics comme les commerces, les banques, les parkings, on arrive à un nombre beaucoup plus important : en 2012, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) recensait environ 935 000 caméras actives sur notre territoire. Les attentats terroristes de 2015-2016 ont certainement fait augmenter ce chiffre, ce que confirme la progression régulière des ventes dans ce secteur.

Caméras augmentées ou biométriques ?

Les caméras de surveillance s’appuient sur le contrôle en temps réel ou a posteriori des images par des personnes habilitées – ce qui ne va pas sans poser de nombreuses difficultés, tant en termes de ressources humaines qu’en matière de rapidité et de capacité d’analyse. De nouveaux dispositifs ont été mis au point, qui permettent un traitement algorithmique des images. Ces caméras, dites aussi « intelligentes » ou « augmentées », analysent les vidéos en temps réel et de manière automatique grâce à des logiciels d’intelligence artificielle. 

Les caméras augmentées sont d’ores et déjà utilisées en vue de produire des statistiques, par exemple compter les vélos dans les rues ou évaluer le nombre d’usager·ères dans les transports en commun. Elles sont aussi utilisées pour sanctionner certaines infractions au code de la route. Mais l’article 7 de la loi relative aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024, promulguée le 19 mai 2023, étend les usages de ces caméras… malgré un avis négatif de la CNIL rendu en juillet 2022. Pendant toute la durée des Jeux et jusqu’au 31 mars 2025, 500 de ces nouvelles caméras – selon le préfet de police de Paris Laurent Nunez – seront ainsi déployées dans la capitale, à des fins expérimentales. Il ne s’agirait plus cette fois d’un usage statistique, mais d’une garantie pour la sécurité de la manifestation sportive. Les caméras seront ainsi en mesure de détecter des événements inhabituels comme un départ de feu ou un colis abandonné, mais aussi des comportements particuliers, tels qu’une personne statique dans une rue animée ou marchant à contresens dans un couloir d’accès. 

Il importe, certes, de distinguer les caméras augmentées des caméras biométriques, qui intègrent un système de reconnaissance faciale couplé à un fichier d’identités et demeurent interdites par le Règlement général sur la protection des données (RGPD) et par la loi Informatique et Libertés. Néanmoins, le déploiement des caméras augmentées ne va pas sans poser de questions éthiques. Selon la CNIL, la surveillance de l’espace public, dans lequel prévaut le droit à la vie privée et à l’anonymat, devient problématique quand elle se double d’un repérage des comportements.

Des biais algorithmiques

Conçus par des entreprises privées auxquelles l’État délègue ses compétences de détection, les algorithmes ne sont, par nature, pas transparents. Ils sont élaborés sur la base d’un large panel de vidéos filmées dans l’espace public, mais ce panel – qui permet de déterminer les « comportements suspects », dont il n’existe pas de définition claire – n’est pas exhaustif. Plusieurs biais interviennent lors de la détection, comme l’a noté l’association la Quadrature du net, qui en donne deux exemples : 

Dans le cadre de la VSA [vidéosurveillance automatisée], si un algorithme a été entraîné à repérer des personnes susceptibles d’écrire sur un mur à partir d’un jeu de données, celui-ci va se servir de toutes les informations à sa disposition pour repérer ce type de profil. Si dans le jeu de données initial il y a davantage d’hommes, davantage de personnes jeunes, davantage de personnes à la peau foncée par exemple, l’algorithme pourra être amené à utiliser ces critères comme un élément différenciant pertinent pour prédire si une personne est un potentiel grapheur. 

Projet de loi relatif aux Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 : dossier d’analyse de la vidéosurveillance automatisée – La Quadrature du Net, 17 février 2023

Comme tout système de surveillance de l’espace public, la vidéosurveillance automatisée surveille en priorité les personnes qui passent le plus de temps à l’extérieur et détecte des comportements d’autant plus efficacement qu’elle a pu s’entraîner à partir d’une grande quantité de séquences d’images représentant une même action. En pratique ce seront donc les comportements typiques de ces populations qui passent du temps dans la rue, peu importe que ces activités soient licites ou illicites. 

Projet de loi relatif aux Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 : dossier d’analyse de la vidéosurveillance automatisée – La Quadrature du Net, 17 février 2023

L’automatisation de la surveillance marque donc un tournant dans les politiques publiques de sécurité, qui inquiète la CNIL et plusieurs associations. La CNIL sera partie prenante de l’observation des dispositifs mis en place à l’occasion des Jeux olympiques et sera invitée à rendre son avis à l’issue de l’expérimentation.

Publié le 05/06/2023 - CC BY-SA 4.0

Pour aller plus loin

La Vidéoprotection urbaine. Cadre juridique, mise en œuvre et évaluation

Serge Colombié et Christophe Ringuet
Territorial éditions, 2019

Outil jugé efficace dans la prévention et la lutte contre la délinquance par certain·es, qualifié d’attentatoire aux libertés individuelles par d’autres, la vidéoprotection a connu un véritable essor ces dernières années, notamment au sein des collectivités locales.
L’arrivée des dernières technologies engendre un profond bouleversement du système global dans lequel s’intègre la vidéoprotection ; celle-ci ne peut se résumer à la simple mise en place d’un outil, car elle est conditionnée par ce même système qu’elle interroge sur de multiples plans. Cet ouvrage répond aux interrogations et questionnements qui peuvent surgir lors de la mise en œuvre d’un dispositif de vidéoprotection.

À la Bpi, niveau 3, 352.51 COL

L'Identité à l'ère numérique

Guillaume Desgens-Pasanau et Éric Freyssinet
Dalloz, 2009

Autour de trois thèmes relatifs à la biométrie (le corps identité), aux technologies de la communication (les identités connectées) et à l’archivage électronique (l’identité mémorisée), les auteurs analysent l’évolution du concept d’identité à l’heure du numérique, une identité plus complexe, plus volatile, plus réglementée. L’ouvrage propose en outre des pistes de réflexion sur les précautions à prendre face à ces évolutions.

À la Bpi, niveau 3, 345.1 DES

Vos réactions
  • Judycael : 7/04/2024 01:56

    vais voir les caméras déjà utilisé pour voir et comment

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