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Le campus à la ville
L'exemple du Campus Nation, avec Christian de Portzamparc

Aménagées depuis les années soixante à l’extérieur des villes, les universités françaises cherchent aujourd’hui à redevenir des composantes des centres-villes, à la fois sur les plans architectural, urbain et social. Elles affichent ainsi l’ambition d’une ouverture croissante vers la population voisine, le monde de l’entreprise et les domaines artistiques.
Pour accompagner l’accrochage photographique Deux ou trois choses, de Hannah Darabi et Benoit Grimbert, Balises aborde la question de l’aménagement des campus en ville, en s’appuyant sur l’exemple du campus Nation Sorbonne Nouvelle, livré en 2022 par l’architecte et urbaniste Christian de Portzamparc.

Du campus délocalisé au quartier universitaire

Dans les années soixante, l’augmentation du nombre d’étudiants incite l’État à planifier la construction de grands sites universitaires excentrés. L’objectif est de délocaliser les universités hors des centres-villes pour les installer sur des terrains où le prix du foncier est moins élevé. Les plans de ces campus « à la française » sont dessinés selon les principes de la Charte d’Athènes rédigée par Le Corbusier dans les années trente, qui prône notamment la séparation des fonctions dans l’espace urbain. Leurs espaces sont délimités et exclusivement réservés à l’enseignement et à la recherche. Ils centralisent également des logements universitaires, des lieux de restauration et des complexes sportifs, s’inspirant alors des universités anglophones.

Dans les années quatre-vingt-dix, certaines universités font le choix de réinvestir la ville. Celles qui sont implantées historiquement en centre-ville rénovent l’immobilier existant. C’est le cas du campus de l’Université Rennes 1 qui entreprend une remise aux normes énergétiques de ses bâtiments à partir de 2030. D’autres sites universitaires comme celui de la Cité Descartes, située entre Champs-sur-Marne et Noisy-le-Grand depuis 1983, ambitionnent de créer un quartier à faible empreinte carbone dans la Métropole du Grand Paris. Ce type de campus est appelé « quartier universitaire », en raison de la proximité des activités universitaires avec celles de la ville. Apparu en France au cours des années quatre-vingt-dix, ce modèle peut prendre la forme d’un seul et même site universitaire réunissant tous les bâtiments dédiés à la recherche ou représenter un ensemble de bâtiments universitaires dispersés dans la ville.

UPEM, cité Descartes, © Béatrice Faveur [CC BY-NC-ND 2.0, sur Flickr]

Une architecture adaptée à la ville, l’exemple du Campus Nation

Conçu par l’architecte et urbaniste Christian de Portzamparc, le Campus Nation répond à une volonté de regroupement des universités dans Paris intra-muros. L’Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3, composée jusqu’alors de onze sites, se concentre désormais sur trois pôles (Sorbonne, Condorcet, Nation). Construit sur un terrain de 35 000 m², appartenant anciennement au ministère de l’Agriculture, le campus est composé de trois entités : la bibliothèque, le bâtiment des salles de cours (comprenant l’administration et le restaurant) et le bâtiment des amphithéâtres (avec les salles de spectacle). 

Le complexe universitaire a la particularité d’être entouré de bâtiments religieux. La présence d’un séminaire du 19e siècle, de la chapelle Notre-Dame-de-la-Paix, d’un couvent mais aussi du cimetière Picpus, confère un caractère historique aux bâtiments de l’université. « Pour composer avec l’exiguïté du terrain, je me suis inspiré de la figure du cloître, comme espace de circulation. Au Moyen Âge, les universités étaient conçues autour d’un cloître, ce qui permettait aux étudiants de déambuler, de se rencontrer et d’échanger », explique Christian de Portzamparc. 

Théâtre de verdure du Campus Nation Sorbonne Nouvelle © Nicolas Borel

Le Campus Nation est pensé selon les principes de « l’îlot ouvert ». Ce concept d’urbanisme, formalisé au cours des années quatre-vingt, vise à trouver un équilibre entre le bâti et la nature. « L’îlot ouvert se traduit par des bâtiments de formes variées, placés en quinconce dans une trame urbaine traditionnelle. » Le site du Campus Nation s’inscrit dans cette logique d’ouverture sur le quartier. « La géométrie incurvée des façades et les fenêtres en trapèze invitent à la contemplation et donnent à voir un lieu non-cloisonné, non-claustrophobe », précise Christian de Portzamparc. Les espaces extérieurs ont été composés dans cet objectif : rassembler et unir, à l’image des cours-jardins, des amphithéâtres de composition minérale et végétale. La bibliothèque est construite pour faire corps avec le tissu urbain. Depuis l’avenue de Saint-Mandé, sa façade est clairement identifiable par le public. Sa géométrie triangulaire, adaptée aux irrégularités du terrain, donne selon son concepteur une impression d’élasticité de l’espace et du temps.

Pour son projet de campus dans la ville, Christian de Portzamparc évoque le principe de la « passion esthétique », qui doit être appliqué à toute œuvre architecturale. Selon lui, le travail sur les espaces, la lumière et les formes ne doit pas se faire au détriment du choix des matériaux et de l’aspect durable du bâtiment. « En architecture, il convient de veiller au formalisme, c’est-à-dire à l’utilisation de formes géométriques non-rationnelles, non-contrôlées », explique-t-il. Il préconise une « intelligence de la conception » basée sur les préceptes de l’architecte romain Vitruve. Ce dernier expliquait, au premier siècle avant notre ère, que tout projet architectural doit trouver un équilibre entre la solidité de la construction (firmitas), l’aspect fonctionnel (commoditas) et la beauté (venustas). « Les architectes devraient avoir conscience de ces aspects pour la construction des bâtiments universitaires », précise Christian de Portzamparc.

Publié le 25/07/2022 - CC BY-SA 4.0

Pour aller plus loin

Christian de Portzamparc : l'îlot ouvert

Florence Accorsi
SEMAPA, 2010

Ouvrage consacré à la mise en œuvre, à une échelle inédite, du concept urbain et architectural de l’îlot ouvert, développé par l’architecte urbaniste Christian de Portzamparc, au sein du quartier Masséna de Paris rive gauche.

À la Bpi, niveau 3, 70″19″ PORT.C 2

L'Urbanisme universitaire à l'étranger et en France

Pierre Merlin
Presses de l'École nationale des ponts et chaussées, 1995

L’auteur présente dans cet ouvrage des expériences de constructions universitaires dans cinq pays qui permettent d’éclairer l’urbanisme universitaire français passé, actuel ou futur.

À la Bpi, niveau 2, 913.351 MER

Paysages des campus : urbanisme, architecture et patrimoine

Philippe Poirrier (dir.)
Éditions universitaires de Dijon, 2009

En mêlant des questions d’urbanisme, d’architecture et de patrimoine, l’histoire de la constitution des campus universitaires depuis les Trente Glorieuses est retracée, avec une comparaison entre les campus français, suisses, britanniques et américains.

À la Bpi, niveau 2, 913.351 POI

Guide pour l'aménagement des sites universitaires | Établissement public d’aménagement universitaire de la région Île-de-France (Epaurif), 2018

Cet ouvrage a pour vocation de donner des outils à la fois méthodologiques et pédagogiques pour l’aménagement des sites de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR), afin de partager un langage commun avec les acteurs territoriaux. Il fait le lien entre les grands objectifs stratégiques et les partis pris d’aménagement, en proposant des moyens d’actions et des exemples concrets d’application.

Site de l'agence de l'architecte Christian de Portzamparc

L’agence de Christian et d’Elizabeth de Portzamparc, 2Portzamparc se concentre sur toutes les échelles de la construction et sur une grande variété de programmes. Chaque projet est un nouveau défi de recherche et d’expérimentation, des dessins de conception aux solutions techniques de constructions.

Sorbonne-Nouvelle quitte le Quartier latin, sur fond de polémique | Le Monde, 18 août 2022

Dans cet article, il est expliqué que le Campus Nation Sorbonne-Nouvelle ne dispose pas d’assez de salles pour tous les cours prévus. Une partie de l’espace a été absorbée par la salle de spectacle et par le restaurant du Crous, dont l’ancien site était dépourvu.

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