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Appartient au dossier : Handicaps : vers une société inclusive ? Press Start 2021 : Les bestiaires du jeu vidéo

Comment rendre le jeu vidéo accessible à tous ?

Et si vous jouiez au jeu vidéo « comme vous êtes » ? Rendre le jeu vidéo plus inclusif, c’est l’ambition d’associations militantes comme le SELL ou CapGame. Si le jeu vidéo est l’un des premiers loisirs en France, l’adapter aux personnes en situation de handicap nécessite la mobilisation de toutes les industries du secteur.
À l’occasion du Festival Press Start 2021, Balises se penche sur les initiatives en faveur de l’accessibilité au monde vidéoludique.

Les joueurs en situation de handicap se passionnent pour les jeux vidéo qui permettent d’abolir certaines barrières et favorisent la sociabilité. Toutefois, ils rencontrent régulièrement des limites techniques qui entravent leur pratique. Pour mieux les intégrer à la grande communauté des joueurs, les industries du secteur vidéoludique doivent poursuivre leurs efforts d’adaptation et d’innovation.

Photographie d'un groupe de trois seniors qui jouent assis à un jeu vidéo
Photographie d’un groupe jouant à un jeu vidéo © Philippe Denis

Un début d’initiatives

 « Nul doute que l’effort va se poursuivre dans le sens de l’accessibilité », estime Philippe Dubois, président de MO5.COM, une association qui se donne pour objectif de préserver le patrimoine numérique. « À peu près tous les cinq ans, une manette ou un nouveau dispositif sort. Le SELL (Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs) intègre de plus en plus dans sa communication et ses évènements des accès et des facilités pour les personnes handicapées », comme lors de la Paris Games Week, le salon grand public du jeu vidéo en France.

La première impulsion viendra d’outre-Atlantique en 2010, lorsque le gouvernement de Barack Obama présentait le CVAA (Twenty-First Century Communications and Video Accessibility Act), un texte de loi visant à améliorer l’accessibilité de toutes les technologies d’information et de communication. Le marché du jeu vidéo devait ainsi, à partir du 31 décembre 2018, se conformer aux règles d’accessibilité à toutes sortes de handicaps.

L’industrie du jeu vidéo, qui représente un marché conséquent, a dû s’adapter à cette législation, sous peine d’amende. « Cela a créé un revirement mondial. Les entreprises de jeu vidéo français ont ainsi commencé à s’intéresser à la question de l’accessibilité », explique Jérôme Dupire, cofondateur et président de l’association CapGame. « Ces initiatives servent aussi à l’image de l’entreprise : il s’agit de montrer qu’elle s’adresse à tout le monde sans exclure ». Mais la prise de conscience sur le sujet a véritablement commencé en 2017 à la faveur du mouvement « Me too ». « C’est l’année où certains tabous sont tombés, y compris sur le handicap. C’est en effet en 2017 que Microsoft a lancé son dispositif Xbox Adaptive Controller, une manette adaptée et conçue pour répondre aux besoins des joueurs à mobilité réduite, grâce à des boutons modulables et personnalisables. Pour la première fois, un industriel du jeu vidéo lançait à grande échelle du matériel pour ce public. « Avant cela, les initiatives existantes étaient anecdotiques », souligne-t-il, comme la manette mains libres (Hands Free) de chez Nintendo.

Des efforts à consolider

Les premières actions consistent à sensibiliser les studios sur les attentes, les demandes et les besoins des joueurs atteints de handicap. « Cela suppose un travail de fond sur la formation », indique Jérôme Dupire. En recherche et développement, CapGame identifie les situations et les priorités pour transmettre des indicateurs fiables aux studios. Mais cela n’est pas suffisant pour concrétiser un projet en faveur de l’accessibilité : dans les équipes de production, les personnes susceptibles de porter ces sujets sont encore peu nombreuses. « Par ailleurs, elles doivent faire en sorte que les ressources qui leur sont allouées soient suffisantes pour faire aboutir leurs projets, parmi tous les autres domaines professionnels du jeu vidéo. L’implémentation opérationnelle de ces projets au sein des équipes de développement n’est pas encore tout à fait acquise », regrette Jérôme Dupire.

Autre limite à l’accessibilité des jeux vidéo aux personnes handicapées, le coût. Par exemple, pour un bouton à faible résistance destiné aux joueurs myopathes, il faut débourser jusqu’à 120 euros. « C’est coûteux pour un seul bouton, surtout lorsqu’on sait qu’il peut y avoir dix-huit interactions possibles sur une manette. Il faut trouver des nouveaux dispositifs adaptés à différents profils de handicap et à différents types de jeux. Considérant la variété des formes de handicap, le jeu vidéo ne peut être complètement accessible à tous, mais la multiplicité des initiatives reste encourageante ».

Publié le 05/09/2021 - CC BY-SA 4.0

Pour aller plus loin

Jouez comme vous êtes

Ce documentaire du SELL relève certaines initiatives du secteur qui participent à rendre le jeu vidéo plus accessible et inclusif, et à changer le regard de la société sur le handicap.

Slate - Lentement mais sûrement, le handicap se fait une place dans le jeu vidéo

Cet article s’intéresse aux manières de rendre le jeu vidéo accessible, à l’heure où l’ouverture aux joueurs en situation de handicap n’en est qu’à ses balbutiements.

Expérimenter avec les jeux vidéo pour les publics autistes ou en situation de handicap mental ou psychique. Le jeu vidéo en bibliothèque, quels accueils pour quels publics ? │ Press Start 2020

L’association BrutPop travaille dans la création sonore et la médiation artistique adaptée aux publics atteints de déficiences intellectuelles. Elle conçoit des modes de jeux sonores adaptés aux autistes dans des lieux artistiques. L’association fabrique également des instruments de musique sur-mesure pour ce public. Un projet avec le langage de programmation Scratch a été monté avec des artistes ayant des connaissances en codage. Des bornes d’arcade ont été créées à cet effet.

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