Sophie Divry
Seuil, 2020
Antoine, Frédéric, Sébastien, Gabriel et Ayhan. Un étudiant, un ouvrier, un plombier, un apprenti et un délégué syndical. Cinq hommes en lutte pour plus de justice sociale, défendant haut et fort le droit de vivre dignement de leur travail. Cinq raisons de rejoindre le mouvement des Gilets jaunes. Cinq mains mutilées lors de manifestations à Tours, à Bordeaux, à Paris. Cinq témoignages tissés entre eux pour exprimer d’une seule et même voix une violence inouïe, cette violence qui caractérise aujourd’hui les manifestations en France et qui banalise la perte d’un œil ou d’une main. Ils ont entre 22 et 53 ans. Certains manifestaient pour la première fois. Ils doivent aujourd’hui apprendre à vivre avec un bras amputé, le souvenir de l’horreur éternellement ancré en eux.
Entre septembre 2019 et février 2020, Sophie Divry recueille les témoignages de ces cinq manifestants qui ont tous perdu une main sous l’explosion assourdissante d’une grenade. La sidération et la colère qui en découlent sont telles que la littérature ne peut que s’effacer derrière le témoignage : restituer la parole de ces cinq Gilets jaunes, sans la réécrire, sans y introduire le moindre degré de fiction, devient la seule manière de raconter la violence et de redonner vie à cette parole qui, à l’image même du mouvement des Gilets jaunes, a été considérablement étouffée, au prétexte d’un essoufflement orchestré par le pouvoir. L’usage excessif de la force, les armes inadaptées, le choc brutal et incommensurable de la mutilation, le langage du souvenir, à la fois balbutiant et précis, la précarité des hôpitaux, l’indifférence de la justice, puis la reconstruction de soi malgré les lourdes conséquences physiques, morales et financières, la résistance des convictions, le désir de retourner manifester… Tout ce qui ressort de ce chœur à cinq voix remue, bouleverse et interroge. Sans jamais basculer au-delà d’une émotion sincère mais maîtrisée, Sophie Divry livre avec Cinq mains coupées un récit percutant, qui réhabilite une parole dont l’écoute a été dérobée et qui nous appelle à en préserver collectivement la mémoire.
À la Bpi, niveau 3, 840″20″ DIVR 4 CI
Les champs signalés avec une étoile (*) sont obligatoires