Appartient au dossier : Tour du monde à la Bpi
Escale gastronomique au Japon
Sushis, makis, gyozas, ramen… nous pensons tout connaître de la cuisine japonaise, qui a conquis nos palais occidentaux depuis plusieurs décennies. Mais la gastronomie du Japon est beaucoup plus riche et variée que ce que nous connaissons en Occident, et elle irrigue toute la culture japonaise, des mangas au bouddhisme zen.
Chaque semaine durant la crise sanitaire, la Bibliothèque publique d’information fait escale dans des lieux différents pour découvrir un aspect de leur histoire, de leur organisation ou de leur patrimoine, accompagné d’une sélection de ressources.
Sushis, gyozas, ramen… la vraie cuisine japonaise ?
Qui n’a jamais commandé un plateau de sushis et de makis accompagné de brochettes ou de raviolis, d’une soupe miso et d’une salade de chou blanc ? Ces menus-type du « japonais exporté », inventés par les restaurants franco-chinois dans les années soixante-dix, sont très éloignés de la cuisine japonaise traditionnelle. Un chef japonais nous apprendra par exemple que les sushis sont d’ordinaire servis dans des restaurants dédiés, préparés avec la chair des poissons et fruits de mer les plus variés, proposés par le maître sushi, qui obtient ce titre après une formation de dix années.
Les sushis, si célèbres en Occident, ne sont d’ailleurs pas les mets les plus courants au Japon : les ramen et les pâtes udon leur volent aisément la vedette. Les Japonais se régalent aussi de plats moins connus en Occident, comme les takoyaki (boulettes de pâte cuite dans des moules et garnies de morceaux de poulpe), véritables emblèmes de la street-food japonaise. Les okonomiyaki, une sorte de crêpe japonaise qui enrobe différents ingrédients (« okonomi » signifie simplement « ce que vous aimez ») sont également très courants, car très bon marché.
Par ailleurs, cette cuisine utilise des ingrédients variés et emblématiques, comme le surimi (un mets de choix, très éloigné des bâtonnets industriels vendus sous vide dans nos supermarchés), la sauce soja, le miso, le konjac (une plante fibreuse dépourvue de calories) ou encore la sériole, un très gros poisson carnassier, pouvant atteindre un mètre quatre-vingts et cinquante kilos !
Autre différence notable avec la cuisine occidentale, la cuisine japonaise connaît cinq saveurs : aux traditionnels sucré, salé, amer et acide, vient s’ajouter l’umami, la « cinquième saveur », présente dans la sauce soja, l’algue nori, les champignons shiitake, la pâte miso, les crevettes, le thé vert, la truffe, le parmesan, la tomate mûre, le vin et le roquefort.
Mangas et cinéma gourmands
Au Japon, la cuisine est si essentielle, qu’elle envahit littéralement les mangas et les films dans lesquels elle devient parfois un véritable personnage !
Ainsi, dans la série de mangas La Cantine de minuit, nous suivons le patron d’un petit restaurant du quartier de Shinjuku qui, de minuit à sept heures du matin, prépare des plats traditionnels variés. Le manga compte vingt-deux volumes, et un livre de cuisine inspiré de la série a même été publié en 2019.
Dans un autre manga, Le Gourmet solitaire de Jirō Taniguchi, un mystérieux personnage essaie chaque midi un nouveau restaurant : nous découvrons avec lui des lieux uniques et des dizaines de plats !
Au cinéma, Les Délices de Tokyo de Naomi Kawase (2016), l’adaptation d’un livre à succès de l’écrivain Dorian Sugekawa, nous plonge dans les secrets de fabrication des dorayaki, petits gâteaux fourrés à la pâte de haricots rouges (appelée « anko ») dont la préparation requiert patience et attention.
Dans La Saveur des ramen (réalisé par Eric Khoo, 2018), Masato, jeune chef japonais qui a toujours rêvé de partir à Singapour pour retrouver le goût des plats de son enfance, entreprend un voyage culinaire qui va changer sa vie.
La cuisine est aussi très présente dans les films d’animation de Hayao Miyazaki. Des scènes devenues cultes inspirent toujours de nombreux instagrammers, comme En93kitchen, qui reproduit à l’identique le sandwich à trois étages de Ponyo sur la falaise ou le bento de Tatsuki dans Mon voisin Totoro !
Cuisine zen et cérémonie du thé
Au Japon, la cuisine a aussi une dimension rituelle et spirituelle. Dans le bouddhisme zen, qui met en avant l’interdépendance de tous les êtres, les aliments et la manière de les cuisiner jouent un rôle essentiel. En témoigne le livre Instructions au cuisinier zen, écrit par Maître Dogen au 13e siècle, qui élève la cuisine au rang d’activité méditative.
Dans le zen en effet, la pratique spirituelle ne se limite pas à la méditation assise, appelée « zazen », mais rayonne dans toutes les activités de la vie quotidienne. Parmi ces activités très simples (cuisiner, nettoyer, jardiner…), la cuisine occupe une place de choix et le cuisinier est un personnage central des monastères.
Chaque repas commence par la récitation d’une prière de gratitude, appelée « dédicace des repas ». Tôt le matin, après le premier zazen, les moines boivent une soupe appelée « gen maï », soupe de riz et légumes assaisonnée de tamari et de gomasio. Les repas sont très codifiés : le rituel est important et permet de se concentrer pleinement sur l’instant présent.
De la même façon, la cérémonie du thé est bien plus qu’une coutume. Dans Le Livre du thé, Kakuzô Okakura nous explique qu’au Japon, le thé est à la fois un art de vivre, de penser et d’être au monde. L’idéal du thé est l’aboutissement même de cette conception zen : la grandeur réside dans les détails les plus simples de la vie.
Publié le 20/07/2020 - CC BY-NC-SA 4.0
Pour aller plus loin
La Cuisine du Japon
Chihiro Masui
Gründ, 2013
Le Goût silencieux : la pratique zen de la nourriture
Valérie Duvauchelle
Actes Sud, 2018
À la Bpi, niveau 3, 641.5(52) DUV
Nouilles japonaises : soba, ramen, udon, somen
Laure Kié
Mango, 2013
Zen : 99 recettes pour nourrir le corps et l'esprit
Kakuho Aoe
L'Âge d'homme, 2016
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