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Appartient au dossier : L’État et les institutions religieuses en France

L’État et les institutions religieuses en France #1 : un dialogue codifié avec les représentants des cultes

Comment se structure, en France, l’exercice des cultes ? Quel dialogue leurs représentants entretiennent-ils avec les pouvoirs publics ? Balises se penche sur les relations entre l’État et les organisations religieuses en France, à l’occasion de la rencontre « Les institutions religieuses dans et face à l’Histoire » organisée à la Bpi en juin 2023.

Photographie en noir et blanc du président Charles de Gaulle et du pape Paul VI
Charles de Gaulle, alors président de la République française, en compagnie du pape Paul VI, le 2 juin 1967. Archives nationales du Brésil, domaine public via Wikimedia Commons

La séparation des Églises et de l’État est inscrite dans la loi du 9 décembre 1905 : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. » Ce paragraphe met fin à la reconnaissance officielle de certains cultes – catholique, protestant réformé, protestant luthérien, israélite –, qui prévalait depuis le concordat de 1801 et s’accompagnait d’une organisation et d’un financement publics.

Des pratiques associatives

Pour autant, la législation introduite en 1905 n’induit pas une ignorance du fait religieux : le libre exercice des cultes est garanti par la loi, qui en encadre les manifestations extérieures et les pratiques collectives. Ce texte prévoit, en particulier, la création d’associations cultuelles venant se substituer aux établissements publics du culte. Relevant du droit privé, ces associations peuvent être librement formées « pour subvenir aux frais, à l’entretien et à l’exercice public d’un culte », qui doit constituer leur objet exclusif. Leur composition et leur gestion sont régies par la loi du 1er juillet 1901 sur les associations et par cette loi de 1905, qui introduit des obligations spécifiques liées à leur vocation cultuelle. Leurs activités peuvent être financées par les cotisations des membres de l’association, par des quêtes et collectes auprès des fidèles, ou encore par la rétribution de cérémonies ou de services religieux. Les cultes protestants et israélites sont, aujourd’hui encore, largement portés par des associations cultuelles, au sens introduit par la loi de 1905.

Votée dans un contexte anticlérical, la loi de 1905 rencontre l’opposition de l’Église catholique, qui craint la création d’associations cultuelles remettant en cause sa hiérarchie. La loi du 2 janvier 1907 introduit donc la possibilité d’associations dites « mixtes », pouvant exercer des activités cultuelles sans en faire leur objet exclusif, dès lors qu’elles respectent la loi de 1901. Il faut toutefois attendre 1923-1924 pour qu’un compromis soit réellement trouvé avec la création d’associations diocésaines, jugées conformes à la loi de 1905 mais placées sous l’autorité des évêques et, indirectement, du Saint-Siège. Aujourd’hui, le cadre posé par la loi de 1907 est surtout mobilisé par les cultes musulmans, bouddhistes et orthodoxes : extrêmement minoritaires en France au début du 20e siècle, ils s’organisent désormais principalement autour de telles associations mixtes, exerçant des activités cultuelles mais aussi culturelles, socio-éducatives ou caritatives.

En août 2021, la loi dite « séparatisme » vient modifier les conditions de création, de gouvernance et de financement des associations cultuelles, qui doivent désormais être déclarées au préfet tous les cinq ans. L’objectif affiché est de limiter les risques de radicalisation religieuse ou d’influence étrangère. Les associations mixtes voient leurs obligations de transparence, de comptabilité et de gestion renforcées, les rapprochant donc du cadre établi par la loi de 1905 et incitant leurs responsables à les remplacer par des associations cultuelles.

Quels interlocuteurs pour l’État ?

Les associations cultuelles, ou exerçant des activités cultuelles, structurent donc les pratiques religieuses collectives au quotidien. Leurs modalités de gestion administrative et financière induisent des contacts réguliers avec les préfectures et le bureau central des cultes du ministère de l’Intérieur. En parallèle, les cultes sont représentés au niveau national par des autorités religieuses qui dialoguent, elles aussi, avec l’État. Ces échanges visent par exemple à organiser les fêtes religieuses ou la sécurité des lieux de culte, et c’est ainsi qu’a été défini un protocole sanitaire pendant la pandémie de Covid-19.

Les principales autorités religieuses sont la Conférence des évêques de France pour l’Église catholique, le Consistoire central – Union des communautés juives de France, la Fédération protestante de France, l’Assemblée des évêques orthodoxes de France et l’Union bouddhiste de France. L’absence d’une structure hiérarchique unifiée au sein de l’islam, équivalente à un clergé, rend moins évidente l’organisation du culte musulman. Le Forum de l’islam de France, qui en rassemble depuis 2022 des acteurs locaux, constitue une nouvelle instance de dialogue avec les pouvoirs publics ; moins centralisé, il succède dans ce rôle au Conseil français du culte musulman, créé en 2003 mais traversé par des désaccords internes et jugé inadapté par l’Élysée et la place Beauvau. 

Dans les relations internationales

En parallèle de ce dialogue entre l’État et les organisations représentatives des cultes, l’action publique s’intéresse aussi au fait religieux dans sa dimension internationale. Au sein du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, cette question est notamment portée par le Centre d’analyse, de prévision et de stratégie (CAPS), qui mène ainsi une réflexion sur des sujets thématiques, et surtout par le Conseiller pour les affaires religieuses – un poste créé en 1920 en vue de rétablir les relations diplomatiques entre la France et le Vatican. 

Dans ce cadre, l’État s’intéresse aux religions en ce qu’elles peuvent constituer une clé de compréhension d’une situation conflictuelle, d’un débat au sein des organisations internationales, de la politique d’un pays étranger et de son positionnement vis-à-vis de la France, ou encore de la réputation de la France lorsqu’elle-même légifère sur des sujets religieux.

Les visites officielles, quoique rares, constituent une autre forme de dialogue entre l’État français et les autorités religieuses à l’international, en particulier le Saint-Siège avec lequel la France entretient, de fait, des relations particulières. Tous les présidents de la Ve République, à l’exception de Georges Pompidou, se sont rendus au Vatican pour rencontrer le pape. Plusieurs ministres français ont également assisté à la messe donnée par Benoît XVI à Lourdes en 2008 – dernière visite officielle d’un chef de l’Église catholique en France, même si le pape François s’est rendu en 2014 au Parlement européen, siégeant à Strasbourg. Par ailleurs, les ministères de l’Intérieur et des Affaires étrangères sont consultés lors de la nomination d’un évêque par le Saint-Siège, et le président de la République française est même – à l’exception évidente du pape – le seul chef d’État au monde à nommer encore un évêque – en l’occurrence celui de Metz, du fait de la persistance du régime concordataire en Alsace-Moselle.

Par cet encadrement des associations cultuelles et ce dialogue avec les représentants des cultes, l’État assure la liberté de conscience et le libre exercice des cultes mentionnés dans la loi de 1905. Il doit aussi garantir le respect de toutes les croyances et l’égalité devant la loi sans distinction de religion, en vertu du préambule ou de l’article premier des constitutions de 1946 et de 1958, qui consacrent également le principe de laïcité. Dans le même temps, l’État encadre les pratiques religieuses dans l’espace public – les processions, par exemple – et veille, plus généralement, à ce qu’elles ne contreviennent pas aux principes républicains et à l’ordre public. Pour cette raison, il surveille les dérives sectaires et protège l’indépendance du politique vis-à-vis du religieux, en interdisant par exemple la tenue de scrutins et de réunions politiques dans les lieux de culte.

Publié le 05/06/2023 - CC BY-SA 4.0

Pour aller plus loin

Vie-publique.fr

Proposé par la Direction de l’information légale et administrative rattachée aux services du ou de la Premier·ère ministre, le site Internet vie-publique.fr propose de nombreux articles de synthèse sur des lois précises ou sur des sujets de société. Sur le thème de l’organisation et de la représentation des cultes, on pourra notamment consulter les articles « Le dialogue entre l’État et les représentants des différents cultes » (24 juin 2022), « Le régime de séparation entre l’État laïque et les cultes » (25 juillet 2022) et « L’État, garant de la liberté religieuse » (2 août 2022).

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