Sélection

Appartient au dossier : Les Blank, Ross Brothers : l’Amérique en périphérie

Regards sur la French Music de Louisiane
Musique cadienne et zydeco

La musique cajun, née de l’interaction entre différentes communautés installées dans les bayous de Louisiane, est devenue une représentation vivante du melting-pot. Balises présente des travaux d’anthropologues et de passionné·es de cette musique aux accents francophones pour compléter le travail cinématographique sur la musique de Louisiane de Les Blank, dont les films sont projetés à la Bpi au printemps 2023, dans le cadre du cycle « Les Blank & Ross Brothers • Americana ».

Le terme américain « cajun » équivaut à celui en français d’« acadien », qui désigne les premiers colons français établis en Amérique du Nord et fondateurs de l’Acadie (l’actuel Canada) au 17e siècle. Chassé·es d’Acadie à partir de 1755 par l’armée anglaise au cours du Grand Dérangement, iels s’installent notamment en Louisiane, dans les bayous. Là, résident déjà des Allemand·es, des Espagnol·es, des Anglais·es, des Amérindien·nes, mais aussi d’autres colons français et une importante communauté noire francophone issue des Antilles et de Saint-Domingue installée depuis le 18e siècle, rejointe par d’ancien·nes esclaves antillais·es et africain·es. Des immigrant·es français·es rejoignent régulièrement ces communautés francophones. La « French Music », qui recoupe la musique cadienne (ou cajun) et le zydeco, se nourrit des influences musicales de toutes ces communautés et donne à voir l’évolution des relations entre celles-ci, et plus largement entre elles et le reste de l’Amérique.

Il existe peu de témoignages sur ses débuts au 19e siècle. Le premier disque de musique cadienne date de 1928 : Joseph Falcon, à l’accordéon, et son épouse Cléoma, à la guitare, chantent Allons à Lafayette et Valse qui m’a porté en terre. Ce n’est qu’en 1930 que John et Alan Lomax, deux ethnomusicologues mandatés par la Bibliothèque du Congrès américaine, entreprennent des recherches et des enregistrements de la musique cadienne. D’autres chercheur·ses travaillent à leur suite sur ce même sujet : Harry Oster, Gérard Dôle, Ron Stanford, Ralph Rinzler, Barry Jean Ancelet, Christine Dole-Louveau de la Guigneraye, Sara Le Menestrel… La construction d’un patrimoine musical franco-louisianais contribue à faire reconnaître la richesse de ce style musical et la valeur du multiculturalisme (ou créolisation selon Édouard Glissant, terme repris par Barry Jean Ancelet), tout en rassemblant autour d’une identité collective. Néanmoins, elle fait également naître de nouvelles polémiques entre les communautés et interroge l’authenticité des formes actuelles.

Joe à l'accordéon et Cléoma à la guitare
Joseph Falcon et Cléoma, son épouse. Domaine public via Wikimedia Commons
portrait du musicien, photo noir et blanc
Amédé Ardoin, musicien créole de Louisiane, en 1912, Louisiana Cultural Vistas Magazine, domaine public, via Wikimedia Commons

Publié le 09/04/2023 - CC BY-SA 4.0

Notre sélection

Louisiane : musiques cajun, zydeco et blues

Sebastian Danchin
Éditions du Layeur, 1999

Un petit ouvrage parfait pour entrer dans l’histoire des musiques de Louisiane : il replace la musique cadienne et le zydeco dans leur contexte historique, musical, politique et social. De plus, il est accompagné de CD pour découvrir le travail des musicien·nes cité·es. Son auteur, Sebastian Danchin, est historien de la musique, spécialiste du monde noir et passionné de musique afro-américaine.

À la Bpi, niveau 3, 781(733) DAN

Musique et politique : les répertoires de l'identité

Alain Darré (dir.)
Presses universitaires de Rennes, 1996

Cet ouvrage collectif inclut un chapitre intitulé « La musique cajun, musée musical ou ciment identitaire ? » par Gérard Herzhaft, musicien et historien français, spécialiste de la musique nord-américaine. Dans cet article, il constate le succès de la musique cajun, qui se joue dans le monde entier désormais. Il revient sur ses origines, sur ses liens étroits avec le monde cajun qu’elle a accompagné dans ses changements, sur ce que dit cette musique des relations entre communautés blanche et noire, en Amérique. Par ailleurs, Gérard Herzhaft a participé à deux épisodes de l’émission Pop, etc., sur France Inter, dédiés à Alan Lomax, l’ethnomusicologue à l’origine du fonds musical cajun.

À la Bpi, niveau 3, 780.0 MUS et en ligne sur OpenEdition

I Went to the Dance, de Maureen Gosling, Chris Strachwitz, Les Blank | Les Blank films, 1989, restauré en 2021

Le cinéaste Les Blank réalise plusieurs documentaires sur des musiciens de zydeco qu’il filme dans leur environnement : Hot Pepper (1973) qui fait le portrait du célèbre accordéoniste noir Clifton Chenier, surnommé « The King of Zydeco », ou Dry Wood (1973) qui suit la fête de Mardi Gras dans la communauté créole noire au son de la musique zydeco, jouée notamment par Alphonse « Bois Sec » Ardoin.

J’ai été au Bal /I Went to The Dance porte le titre d’une chanson cajun. Le générique du film mentionne que le cinéaste s’est inspiré de l’ouvrage Cajun Music: A Reflection of a People, par Ann Allen Savoy (1984), et que les spécialistes de musique cadienne Barry Jean Ancelet et Michael Doucet, dit Beausoleil, ont participé à la réalisation du film. Les Blank filme de nombreux·ses musicien·nes en concert ou en bal, fait témoigner des célébrités du milieu ou leurs descendant·es, souvent devenu·es musicien·nes à leur tour. Au fil du temps et des générations, se dessinent des courants et des échanges , entre la musique cadienne, blanche, et le zydeco, interprété par les musicien·nes noir·es, mais les mêmes références, les mêmes instruments, la même vitalité, la même voix criante… qui donnent envie aux spectateur·rices de se retrouver pour danser aux French Dances ou aux Fais-Dodo.

Musiciens cadiens et créoles

Barry Jean Ancelet
Presses de l'Université du Québec, 1984

Cet ouvrage bilingue français et anglais est le fruit de dix ans de collaboration entre Barry Jean Ancelet, spécialiste de la musique cadienne, et Elemore Morgan Jr., peintre et photographe. C’est aussi « une tentative sérieuse, et pourtant éminemment lisible qui nous propose de grandes avenues pour l’approche d’une réalité complexe, aussi complexe que le mélange, en Louisiane, des groupes ethniques et raciaux, sans cependant donner au projet une allure trop didactique », d’après Michel Fabre, dans la Revue française d’études américaines,1986.

La démarche des auteurs est proche de celle de Les Blank : les musicien·nes sont photographié·es chez eux, vaquant à leurs occupations ou chantant avec leurs amis.

« French music, Cajun, Creole, Zydeco. Ligne de couleur et hiérarchies sociales dans la musique franco-louisianaise », par Sara Le Menestrel | Civilisations n°53, 2006

Sara Le Menestrel est invitée à la séance de présentation des films de Les Blank à la Bpi au printemps 2023. Elle est anthropologue et membre du Centre d’études nord-américaines de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) à Paris. Dans cet article, elle s’intéresse aux « rapports sociaux entre Cadiens et Créoles noirs au travers de leurs pratiques et de leurs jugements musicaux ». Elle examine l’évolution de la ligne de couleur entre musique cadienne et zydeco depuis les débuts de la musique française jusqu’à 2005. Elle a également publié un livre en anglais très complet sur la French Music : Negotiating Difference in French Louisiana Music. Categories, Stereotypes, and Identifications, University Press of Mississippi, 2015,

« Musiques de Louisiane. Vers un deuxième renouveau francophone ? », mémoire de Master 2 de Bastien Durand-Toulouse | Université Toulouse-Jean Jaurès, 2018

Bastien Durand-Toulouse, diplômé de l’Université Toulouse-Jean Jaurès, avait déjà rédigé un mémoire de Master 1 intitulé « Le Zydeco : musique et identité ? » qui adoptait une démarche historico-ethnologique et s’appuyant sur l’étude des textes de chansons zydeco. Réalisé lui aussi au sein de l’Institut pluridisciplinaire pour les études sur les Amériques (IPEAT), sous la direction de Nathalie Dessens, son mémoire de Master 2 porte sur la francité dans l’ensemble des musiques du pays Cajun et, plus largement, sur la francité en Louisiane. Bastien Durand-Toulouse souligne le rôle du Conseil pour le développement du français en Louisiane (CODOFIL), créé en 1968, dans la distinction entre Créoles et Cadien·nes, quand l’accent été mis sur la population cadienne pour souligner le lien avec les Acadien·nes, l’autre population blanche francophone.

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