En chiffres

Un klapcoin à 0,10 € pour financer les films français

Au début de l’année 2022, la société La Diversité du cinéma français (DCF) lance un nouveau mode de financement participatif pour le cinéma, fondé sur l’achat d’actifs numériques appelés « klapcoin » et « lux ». Pour accompagner la rencontre « Tout savoir sur les cryptomonnaies » qui se tient en janvier 2022 à la Bpi, Balises explique pourquoi le cinéma s’intéresse désormais aux cryptomonnaies.

La société La Diversité du cinéma français, dirigée par Sarah Lelouch, lance en 2022 le klapcoin, une cryptomonnaie pour que tout un chacun puisse participer au financement de séries et de films français. Avec une souscription fixée à un euro au minimum, il sera possible d’acheter des klapcoins pour investir dans des projets de films, sélectionnés au préalable par un comité de professionnels. 

L’investissement en klapcoins se partage en deux placements. D’un côté, les klapcoins à prix fixe permettent de financer le développement d’un film et d’espérer un retour sur investissement lors de sa sortie. De l’autre, les klapcoins sont convertis en lux, des actifs à prix variable indexés sur les profits de La DCF, qui confèrent des pouvoirs ou des avantages à l’investisseur. La détention de lux ouvre en effet un droit de vote concernant l’évolution du projet, par exemple pour choisir l’affiche du film ou son titre. Elle donne également droit à des récompenses liées au film, comme des places de cinéma à prix réduit, une rencontre avec l’équipe de tournage, ou des jetons non-fongibles (NFT) en lien avec le film.

Un mode de financement plus souple

Ce mode de financement du cinéma se distingue des autres sur deux points principalement. D’abord, l’enjeu est de s’émanciper des aides publiques proposées entre autres par les régions, par les chaînes de télévision et par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). Ces aides sont, pour la plupart, conditionnées par la sélection des projets par des commissions d’experts, et soumises à certaines contraintes, comme le fait de tourner ou de post-produire un film dans la région qui le finance. La DCF revendique également de pallier grâce au klapcoin la baisse des financements de films par le CNC et par les chaînes de télévision.

Le second objectif de ce nouveau mode de financement participatif est d’être plus souple que les Sociétés de financement de l’industrie cinématographique et de l’audiovisuel (Sofica). Ces sociétés collectent des fonds privés, exclusivement dédiés au financement d’une production cinématographique ou audiovisuelle. Elles doivent être créées soit par des professionnels du cinéma et de l’audiovisuel, soit par des opérateurs du secteur bancaire et financier. La création d’une Sofica est soumise à l’agrément de la Direction générale des finances publiques et assortie de contraintes financières. Le minimum de versement pour chaque souscription est fixé à environ 5000 €. Les fonds ne peuvent être débloqués qu’au moment du tournage, et la quasi-intégralité des fonds investis doit être reversée dans la production du film dans les douze mois suivant la création de cette société.

Claude Lelouch, L’Aventure c’est l’aventure © Les Films 13, 1972

Un nouvel appel aux particuliers

Avec le klapcoin, La DCF a l’ambition louable de financer de jeunes créateurs, ainsi que des films et des séries populaires. Ce mode de financement permet de fait de se rapprocher d’une partie du public en sollicitant l’avis, sur certains points, de spectateurs prêts à investir. Mais cela suppose, d’une part, que leur opinion sur la fabrication d’un film soit légitime et moins contraignante pour les scénaristes et réalisateurs que celle des professionnels qui les accompagnent habituellement. D’autre part, le périmètre d’action des investisseurs n’est pas défini et repose sur la bonne volonté du comité de professionnels recruté par La DCF quant à leur participation à des décisions ayant un impact réel sur le film.

De plus, ce modèle financier est construit sur une énième sollicitation financière de particuliers. Or, ces derniers investissent déjà dans le cinéma français par le biais de l’impôt sur le revenu, de la redevance audiovisuelle, des abonnements aux plateformes ou encore de l’achat de tickets de cinéma, En effet, une partie des sommes collectées est réinvestie dans les aides publiques à la création cinématographique et audiovisuelle. Avec le klapcoin, la production cinématographique est en outre envisagée en termes de valorisation à court terme d’un investissement privé, là où la réinjection des taxes et des impôts dans la création n’a pas la rentabilité pour enjeu principal. 

S’émanciper des aides publiques, cela signifie enfin renoncer à l’attention que porte le CNC à l’égalité, à la parité et à la diversité dans l’attribution de ses aides. Une responsabilité qui devra être portée par l’équipe de La DCF, elle-même peu représentative du point de vue de la diversité, et par le comité de professionnels du secteur recrutés pour sélectionner les projets. Si la levée de fonds espérée par Sarah Lelouch fonctionne, reste donc à voir si le klapcoin permettra l’émergence de nouvelles voix originales dans la création de films et de séries, ou s’il ne sera qu’un financement privé de plus dans le paysage cinématographique français.

Publié le 10/01/2022 - CC BY-SA 4.0

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