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Les cantines se mettent au vert

La France utilise chaque année environ 100 000 tonnes de pesticides, qui se retrouvent dans 70 % des fruits et 40 % des légumes non bios, selon l’ONG Générations Futures. Si les choix individuels peuvent permettre aux consommateurs de se diriger vers une alimentation plus écologique, qu’en est-il dans la restauration collective, et plus particulièrement dans les cantines scolaires ? La question concerne six millions de jeunes Français auxquels sont servis chaque année un milliard de repas… 

Des enfants déjeunent dans une salle de cantine à Mouans-sartoux
Cantine de Mouans-Sartoux – © Mairie de Mouans-Sartoux 

Un constat alarmant

La lutte contre la malbouffe et les scandales qui ont parsemé l’actualité – maladie de la vache folle, fraude à la viande de cheval, perturbateurs endocriniens, etc. – incitent les consommateurs à la méfiance vis-à-vis de l’industrie agro-alimentaire. En 2008, le film Nos enfants nous accuseront dénonçait l’impact des pesticides sur la santé des enfants en faisant état d’une augmentation des cancers qui seraient liés à l’alimentation. La qualité des repas préoccupe aussi les parents : dans le 18e arrondissement de Paris, une pétition signée par 8 000 parents d’élèves s’indignait de la très faible qualité de la restauration scolaire dans les écoles du quartier. 

Malgré l’arrêté du 30 septembre 2011 qui s’intéresse à la qualité nutritionnelle des repas des cantines, celle-ci laisse en effet à désirer : aliments ultra-transformés, préparés dans des cantines centrales et acheminés sous plastique.  Pourtant, le repas n’est pas seulement une question de santé publique ou un préalable à la concentration en classe. C’est aussi une question politique, sociale et écologique. 

Une demande sociale

Selon le baromètre de L’Agence Bio / Spirit Insight en 2019, 9 Français sur 10 déclarent avoir consommé des produits biologiques et 71 % d’entre eux mangent bio au moins une fois par mois. Mais dans la restauration collective, le souci écologique peine à se concrétiser. En 2015, on estimait que 2 % seulement des produits servis dans les cantines étaient issus de l’agriculture biologique. Il s’agit pourtant d’une demande forte de la part des parents, qui se soucient de l’alimentation de leurs enfants. Un sondage CSA de 2015 révélait que 88 % des parents souhaitaient davantage de produits bios dans les cantines. 

Pour répondre à cette préoccupation, en 2018, la loi EGalim, « pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous » stipule qu’à partir de 2022, les repas servis dans les cantines scolaires devront compter au moins 50 % d’aliments locaux (produits à moins de 250 km du lieu de consommation), écologiques (produits et acheminés dans des conditions qui limitent leur impact environnemental), dont 20 % de produits issus de l’agriculture biologique. 

Le bio, oui mais comment ?

Le développement de l’agriculture biologique rend désormais possible la création de cantines bio. Certaines communes, comme Langouet, Mouans-Sartoux ou Barjac ont ouvert la voie en mettant en place des cantines 100 % bio qui fonctionnent depuis une décennie, sans augmentation des prix pour les parents. 

Contrairement à une idée répandue, manger bio à la cantine ne coûte pas nécessairement plus cher. Selon une étude d’impact sur l’application la loi EGALIM, le prix de chaque repas augmenterait de 0,30 à 0,40 €/repas du fait du coût plus élevé des produits bio. Mais l’étude oublie que l’alimentation biologique permet aussi des économies. Dans la commune de Langouët, la municipalité passe par un groupement d’agriculteurs locaux qui fournit tous les jours la cantine en légumes frais. La réduction des frais de transports ainsi que le respect de la saisonnalité des produits servis permettent d’obtenir des prix très compétitifs, en diminuant les coûts d’emballage et de conservation.

À Mouans-Sartoux, autre commune française qui s’est lancée dans le 100 % bio, des économies sont faites grâce une lutte contre le gaspillage. Les enfants choisissent leurs portions selon leur petite ou grande faim. Ils sont sensibilisés au gaspillage et invités à bien finir leur assiette… avant de se re-servir éventuellement. Ainsi les déchets alimentaires ont diminués de 80 %, économies qui peuvent être réinvesties dans la qualité des produits. D’autres économies sont réalisées en remplaçant les protéines animales par des protéines végétales, moins coûteuses, pour proposer un repas végétarien par semaine. Cela apprend aussi aux enfants à diversifier leur alimentation et leur fait découvrir une multitude de fruits et légumes que la situation de l’école leur permet d’aller parfois récolter directement.

De plus en plus de communes souhaitent aller au-delà des 20 % de produits biologiques au menu bientôt imposés par la loi. L’association Un plus bio, qui s’intéresse à la restauration collective, a ainsi lancé le mouvement des cantines rebelles. Elle recense 101 collectivités qui souhaitent développer le bio dans les cantines. Parmi elles, la Ville de Paris qui sert 150 000 repas par jour. La maire de Paris, Anne Hidalgo, a fixé l’objectif de 100 % de bio dans les cantines de la capitale d’ici 2026.

Publié le 08/03/2021 - CC BY-SA 4.0

Pour aller plus loin

Nos enfants nous accuseront

Jean-Paul Jaud
J+B Séquences, 2008

Le documentaire s’interroge sur les effets mortels de la pollution chimique, en particulier dans l’agriculture. Il présente en contrepoint le village de Barjac, où des initiatives se sont montées pour améliorer l’alimentation quotidienne d’une commune et qui a mis en place une cantine scolaire 100% bio. 

À la Bpi, niveau 3, 631.9 NOS

 

Zéro phyto 100% bio

Guillaume Bodin
Destiny Films, 2017

L’arrêt des pesticides est une réalité dans de nombreuses communes françaises. Il s’agit de supprimer les engrais et désherbants chimiques dans les espaces verts mais aussi de mettre en place des cantines biologiques.

Le Livre noir des cantines scolaires. Sucre, bio, gaspillage, inégalités : la vérité sur les repas de nos enfants

Sandra Franrenet
Leduc éditions, 2018

Cette enquête fait le point sur la restauration scolaire en France, de la maternelle jusqu’à l’université. Comment sont gérées les cantines qui dépendent d’une multitude d’acteurs (communes, département, CROUS) ?

Étayé par des témoignages d’experts et des études médicales, cet ouvrage présente les problèmes de santé publique qui se posent dans les cantines et donne quelques pistes pour y remédier.

À la Bpi, niveau 2, 371.7 FRA

 

MEAD (Maison d'Éducation à l'Alimentation Durable) Mouans-Sartoux

La Maison d’éducation à l’alimentation durable présente les initiatives de la commune de Mouans-Sartoux pour permettre à chaque habitant, quels que soient ses revenus, de se nourrir sainement en prenant soin de l’environnement, tout en préservant des espaces nourriciers pour les générations futures. La MEAD veut faire avancer la réflexion et les actions autour des politiques alimentaires sur l’ensemble des territoires.

Bien manger à la cantine ? C’est possible ! - France Culture, Les Bonnes choses, janvier 2019

La cantine évoque rarement de très bons souvenirs… Comment améliorer l’ordinaire, dans ces lieux où déjeunent près de deux enfants sur trois en moyenne au moins une fois par semaine en moyenne ? Les élus et les parents se mobilisent pour le goût, la qualité nutritionnelle et contre le gaspillage.

 

Cantines rebelles | Un Plus Bio

L’association Un plus bio a lancé le mouvement des cantines rebelles, qui se réunit chaque année à Paris. Retrouvez sur cette page l’actualité du réseau et les interventions des participants.

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