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Appartient au dossier : Petite histoire du datajournalisme

Les pionniers de la datavisualisation

Dès la fin du 18e et tout au long du 19e siècle, une nouvelle façon de présenter l’information se fait jour au rythme des avancées scientifiques. Avec l’invention des histogrammes, des diagrammes circulaires et de la cartographie statistique, c’est un nouveau langage qui émerge et qui va progressivement se structurer, d’abord dans les livres puis dans la presse.

William Playfair : l’invention d’un nouveau langage

Tour à tour ingénieur, orfèvre, banquier, journaliste, éditeur ou encore marchand, l’anglais William Playfair est considéré comme l’un des pionniers de la datavisualisation. En 1786, il publie un Atlas politique et commercial pour comparer les importations et exportations de différents pays. Si les frises chronologiques existaient déjà pour visualiser l’évolution d’une donnée dans le temps, il met au point plusieurs outils pour comparer plusieurs données à la fois, notamment l’histogramme, le graphe chronologique et le diagramme circulaire.

Il invente ainsi un nouveau langage visuel pour rendre l’information plus compréhensible car, pour lui, « il n’y a pas d’étude qui soit moins séduisante, ou plus stérile et fastidieuse que les statistiques. »

L’utilisation de la donnée dans la presse, « pour les progrès futurs de la société »

Page de journal comportant des tableaux

En 1821, toujours en Angleterre, paraît le premier numéro du Manchester Guardian and Evening News Limited (qui sera nommé ensuite plus simplement le Guardian), un média de centre-gauche créé suite à la violente répression policière d’une manifestation ouvrière. Cette première édition emploie une forme de datajournalisme : un tableau présente la liste des écoles et le nombre d’élèves par école ainsi que le montant des dépenses annuelles, renseignant pour la première fois le public sur le nombre d’enfants bénéficiant d’une éducation gratuite. En révélant ces informations au Guardian , la source précisait : «  si l’on ne sait pas… les opinions que l’on pourrait former sur l’état et les progrès futurs de la société seraient nécessairement erronées. » La donnée est présentée sous une forme brute mais son utilisation révèle déjà l’importance de l’outil statistique dans l’information sur la vie publique.

L’usage de la cartographie statistique

Dans les années 1850, plusieurs exemples notables de cartographies statistiques apportant sur différents sujets un éclairage nouveau en corrélant des faits complexes, comptent aujourd’hui encore parmi les influences des spécialistes de la datavisualisation.

En 1854, une épidémie de choléra sévit dans le quartier de Broad Street à Londres. John Snow, médecin qui défend la thèse de la propagation de l’épidémie par l’eau plutôt que par l’air, a l’idée de superposer la carte des points d’eau potable à celle de la propagation de l’épidémie pour prouver son hypothèse.

Carte montrant la localisation des morts du choléra à Londres, John Snow, 1854, Domaine public via Wikimedia Commons

Quelques années plus tard, en 1858, l’infirmière Florence Nightingale présente à la Reine Victoria une carte montrant les principales causes de décès des soldats britanniques dans la guerre de Crimée. Envoyée en Turquie pour une intervention humanitaire dans un hôpital britannique, elle observe que les décès liés aux épidémies dépassent ceux des blessures de guerre. Selon le datajournaliste Simon Rogers, précédemment en charge du service data du Guardian, la carte de Florence Nightingale est l’un des premiers exemples de datajournalisme.

Diagramme des causes de mortalité au sein de l’armée britannique en Orient par Florence Nightingale, 1858, Domaine public via Wikimedia Commons

Le Français Charles Minard fait également figure de pionnier de l’utilisation graphique des statistiques, avec sa « carte figurative des pertes successives en hommes de l’armée française dans la campagne de Russie 1812-1813 », publiée en 1869 et qui montre la corrélation de trois facteurs : la localisation des troupes, les pertes humaines et les variations de température. Un graphique salué par l’inventeur de la chronophotographie Étienne Jules-Marey comme un défi à « la plume de l’historien ».

Carte Figurative des pertes successives en hommes de l’armée française dans la campagne de Russie 1812-1813, 1869, Charles Minard, Domaine public via Wikimedia Commons

Ainsi, tout au long du 19e siècle, c’est un nouveau langage qui voit le jour, coïncidant avec le développement de la presse de masse. Mais, en l’absence d’outils informatiques pour compiler et croiser les données, la visualisation reste à l’apanage de quelques pionniers.

Publié le 02/08/2021 - CC BY-NC-SA 4.0

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