En 1971, après une décennie passée aux États-Unis, Luciano Berio retourne dans l’Italie des « années de plomb », marquée par le souvenir du fascisme et la crainte d’une chute de la démocratie et de l’avènement d’une nouvelle dictature.
C’est dans ce contexte que Luciano Berio compose Coro, créé dans une première version en 1976, au Festival de Donaueschingen. La création de la version définitive, en 31 mouvements, a lieu un an plus tard en 1977, à Graz. Elle est alors perçue à la fois comme un manifeste politique et musical.
Politiquement, cette œuvre a pu être analysée comme une ode à la fraternité du fait de toutes les voix et langues qu’elle laisse entendre, utopie d’une assemblée humaine surmontant les différences de culture et d’identité. Elle a également été perçue comme un véritable cri de révolte et de défense de la démocratie par son utilisation des poèmes de Pablo Neruda, mort en 1973 dans des circonstances suspectes dix jours après le coup d’État d’Augusto Pinochet.
Musicalement, Coro prolonge le travail du compositeur sur le chant populaire, déjà ébauché dix ans plus tôt avec les Folk Songs. Coro présente un contraste textuel organisé à la manière d’une mosaïque, où se mêlent des textes folkloriques glorifiant souvent l’amour, et des poèmes de Neruda issus du recueil Residencia en la Tierra (1933-1947), en particulier le vers « Venid a ver la sangre por las calles » (« Venez voir le sang dans les rues »), issu du poème Explico algunas cosas.
La musique elle-même est faite d’emprunts aux musiques populaires de différentes régions, notamment à la polyrythmie de l’orchestre de trompes centrafricain des Banda-Linda, même si Luciano Berio déclare à ce sujet que « dans Coro aucun véritable chant populaire n’a été cité ou transformé, à l’exception de l’épisode VI, où j’ai employé une mélodie yougoslave, et de l’épisode XVI, où je reprends une mélodie de mes Cries of London. Par contre, des techniques diverses et des comportements de différentes sources culturelles sont présentés et quelquefois combinés sans aucune référence à des chants spécifiques. »
À écouter sur Tympan, à la Bpi
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