Questions/Réponses

Appartient au dossier : L’Allemagne, d’hier à aujourd’hui

Quelle politique internationale Angela Merkel a-t-elle menée durant ses mandats ?

Un utilisateur d’Eurêkoi, service de réponses et recommandations à distance assuré par des bibliothécaires, est à la recherche d’éléments pour dresser le bilan de la politique internationale de l’Allemagne durant les mandats d’Angela Merkel. Les bibliothécaires de la Bpi lui proposent des documents et des articles, en ligne ou à consulter en bibliothèque.

Les chefs de gouvernement des pays membres de l’OTAN devant le siège de l’OTAN à Bruxelles le 11 juillet 2018. Angela Merkel est la troisième personne du premier rang, en partant de la gauche. © Ale_Mi/DepositPhotos

Rupture annoncée avec la politique de Gerhard Schröder

Engagement de troupes allemandes au Kosovo et en Macédoine, médiation du ministre des Affaires étrangères Joschka Fischer dans des négociations entre Israël et l’Autorité palestinienne, candidature de l’Allemagne à un siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU… Rompant avec la « culture de la retenue » caractéristique des gouvernements précédents, le chancelier Gerhard Schröder, en fonction de 1998 à 2005, avait pris acte des responsabilités particulières conférées à l’Allemagne par son statut de principale puissance économique et commerciale de l’Union européenne (UE)/ Il avait donc indiqué sa volonté d’achever le processus de « normalisation » (consistant en grande partie à lever les restrictions militaires que l’Allemagne s’était imposées à elle-même), tout en restant très attaché aux structures de coopération multilatérales existantes et à l’approfondissement institutionnel de l’UE. 

Angela Merkel, qui lui succède le 22 novembre 2005, affiche alors son intention de prendre en main la politique étrangère et critique les choix de politique étrangère de son prédécesseur dans la plupart des domaines : relations avec les États-Unis, la Russie et la Chine, action de la Bundeswehr (l’armée fédérale), construction européenne… La remise en cause de la ligne de son prédécesseur a-t-elle été aussi radicale qu’annoncée ? Quelle politique internationale Angela Merkel a-t-elle menée durant ses mandats successifs à la tête de la Chancellerie jusqu’au 8 décembre 2021 ?

Entre grands principes de politique étrangère allemands et priorité des intérêts nationaux

Les piliers de la politique internationale de l’Allemagne

« L’Allemagne et la Chine : une réorientation stratégique annoncée », par Ernst Stetter, site de la Fondation Jean Jaurès, 21 juin 2021.
Cet article commence par un rappel des piliers de la politique allemande :

« Les piliers de la politique étrangère allemande ont été fondés au lendemain de la Seconde Guerre mondiale : souveraineté de l’Europe et construction du couple franco-allemand, sécurité doublement garantie par l’Otan et par le partenariat transatlantique établi par le chancelier Konrad Adenauer dans les années 1950, et engagement en faveur du multilatéralisme au travers de l’ONU. À ces trois axes sont ensuite venus s’ajouter à partir des années 1970 la main tendue par Willy Brandt à l’Europe de l’Est, l’ouverture économique vers l’Asie et la Chine sous Helmut Kohl, et les relations commerciales bilatérales encouragées dans les années 1990 par Gerhard Schröder qui ont installé l’Allemagne comme le plus gros exportateur du continent. Autant d’axes qui ont été poursuivis et accentués par Angela Merkel. »

Des relations franco-allemandes, fluctuantes mais indéfectibles

« Les relations franco-allemandes : vers un nouveau traité de l’Élysée », Allemagne d’aujourd’hui, n°226, 2018/4.
Consultable intégralement et gratuitement sur la plateforme Cairn. 
Alors qu’une nouvelle formulation du traité dit de l’Élysée sur l’amitié et la coopération franco-allemande de 1963 est en gestation, ce dossier s’interroge sur les acquis de ce traité et les perspectives d’évolution des relations franco-allemandes dans un contexte international marqué par la mondialisation, la fragilisation du lien transatlantique, la montée des populismes et le Brexit.

« 30 ans de politique étrangère allemande. Entre volonté de continuité et tiraillement inévitable », par Hans Stark, Allemagne d’aujourd’hui, n°232, 2020/2.
Accès à l’article intégral à la Bpi, via Cairn.info.
L’auteur, Hans Stark, est professeur de civilisation allemande contemporaine à Sorbonne Université et conseiller pour les relations franco-allemandes à l’Institut français des relations internationales (Ifri).

« En tant que première puissance économique et commerciale de l’UE, elle occupe une place de premier rang au sein de l’Union. Mais elle n’a pas su ni voulu s’affirmer sur le plan militaire ou géopolitique, préférant un rôle de puissance civile, largement imprégnée des principes du multilatéralisme, à un leadership unilatéraliste. Sa culture de la retenue a certes diminué les craintes qui se sont exprimées il y a trente ans. En revanche, les partenaires de l’Allemagne, confrontés à un environnement international fracturé et incertain, attendent de l’Allemagne qu’elle assume ses responsabilités sur le plan international, y compris en matière de sécurité et de défense. Mais aussi, en tant que puissance économique, pour venir en aide aux États membres les plus fragiles de l’UE. » [Nous surlignons]

Une priorité donnée à la défense des intérêts nationaux

« Politique étrangère allemande : entre multilatéralisme et Germany First », par Hans Stark, Politique étrangère, 2021/3.
Ce document est disponible en pdf à télécharger.

« Sous des discours engagés au service d’un ordre multilatéral, l’Allemagne assume une politique qui semble pour l’essentiel structurée par ses intérêts nationaux. Qu’il s’agisse de l’approvisionnement énergétique auprès de la Russie, des exportations vers la Chine, des excédents commerciaux avec les États-Unis ou les Européens, ou de la faiblesse de ses budgets militaires, Berlin semble assez loin de l’image qu’elle veut donner d’elle-même d’une puissance guidée par les règles. » [Nous surlignons.]

« La politique africaine de l’Allemagne entre principes éthiques et intérêts économiques », entretien de Jean-Louis Georget avec Hans Stark, Allemagne d’aujourd’hui, n°217, 2016/3.
Consultable intégralement et gratuitement sur la plateforme Cairn. 
Cet entretien a été publié au sein du dossier spécial de ce numéro : L’Allemagne et l’Afrique, d’hier à aujourd’hui. Hans Stark y affirme en particulier qu’on « ne peut pas réellement affirmer que l’Allemagne fasse montre d’une réelle stratégie en matière de politique africaine dans la mesure où elle n’a pas fixé des priorités claires ».

« JLG : Mais qu’en est-il alors du débat initié sur l’annonce d’un changement de politique de la part du gouvernement fédéral envers l’Afrique ? Il y a eu le paradigme africain de la coalition conservatrice et libérale en 2011, reformulé en 2014 par le gouvernement fédéral dans son document sur les lignes directrices de sa politique africaine […].

HS : […] il met malgré tout l’accent sur la politique de sécurité comme l’un des points essentiels de sa présence sur le continent africain. Le but principal reste d’encourager les efforts de l’Union africaine et des organisations régionales pour maîtriser financièrement et logistiquement les différents foyers de tension. Le gouvernement est de plus en plus enclin à envoyer ses propres soldats sur le continent africain, comme le montre sa participation aux missions de formation militaire en Somalie ou au Mali. Mais des interventions plus directes, comme celle à laquelle a participé l’Allemagne en République du Congo dans le cadre de l’Union européenne ou celles que pratiquent la France, ne sont pas à l’ordre du jour. » [Nous surlignons.]

Une réelle affirmation de l’Allemagne sur la scène internationale ?

Une politique européenne au service de la prééminence de l’Allemagne, entre intransigeance et compromis

« Angela Merkel : le tournant des 10 ans », avec Daniela Schwarzer, Thomas Gomart, Guillaume Duval,  Henrik Uterwedde et Joachim Fritz-Vannahme, Affaires étrangères par Christine Ockrent, France Culture, 07 novembre 2015.
Retour sur les 10 ans de pouvoir d’Angela Merkel à la tête de l’Allemagne et comme leader européenne.

« En quoi la relation Chine-Allemagne est-elle si importante pour l’Europe ? », par Hans Kundnani, Le Monde, 16 mai 2012.

« Dans ce paysage de crise, les analystes et officiels chinois voient une Allemagne de plus en plus puissante, une France affaiblie et un Royaume-Uni marginalisé. Et c’est ainsi qu’ils observent l’Allemagne jouer un rôle de plus en plus décisif dans l’Union européenne et n’ont, par conséquent, d’autre choix que d’aborder l’Europe en se servant d’elle. Lors d’une récente visite à Pékin, un officiel chinois nous fit cette remarque : “Si vous voulez obtenir quelque chose de Bruxelles, adressez-vous à Berlin”. »

Une évolution de la politique internationale au cours des différents mandats ?

« Les tournants de la politique étrangère allemande », avec Hans Stark, Les Enjeux internationaux par Thierry Garcin et Éric Laurent, France Culture, 08 septembre 2014.

« Dans la difficile gestion de la crise économique par Bruxelles, l’Allemagne a fait preuve non seulement de détermination mais aussi d’une volonté impérieuse le cas échéant. En tout cas, elle a réussi à verrouiller dans l’Union européenne un certain nombre de processus de décision. Rien ne peut se faire sans elle et, d’abord, elle sait dire non. C’est la même chose pour sa politique étrangère, émancipée. On l’a dit ici même, elle a un rôle international de plus en plus affirmé. » [Nous surlignons

« Le tournant de la politique étrangère allemande », Euronews, 04 décembre 2015.
Cet article se concentre sur les signes de dépassement de la « culture de la retenue » des années deux mille dix.

« L’Allemagne propose une alliance contre les autocrates », par Sandrine Blanchard, site Deutsche Welle, 10 mars 2021.

« L’Allemagne propose un “New Deal”, une “nouvelle donne” aux États-Unis. Heiko Maas, le chef de la diplomatie allemande, suggère en effet à l’administration de Joe Biden de s’allier contre les “autocrates”. La Russie et la Chine notamment sont dans son viseur. »

La « tentation du repli sur soi » malgré tout

La Politique internationale de l’Allemagne : une puissance malgré elle
Hans Stark, Presses universitaires du Septentrion, 2011.
À la Bpi, niveau 2, 328(43).6 STA
Ouvrage consultable également en ligne en libre accès sur la plateforme OpenEditions.
Il livre une analyse riche et approfondie de la politique étrangère d’Angela Merkel sur la période 2005-2009 (où la politique étrangère d’Angela Merkel est qualifiée de « consensuelle et domestiquée ») et sur celle de la coalition chrétienne-libérale, où cette politique est « dans la tentation du repli sur soi ».

« Alors que l’engagement européen de l’Allemagne paraît plus incertain, son ancrage transatlantique se fissure. Présent sur de nombreux théâtres, Berlin refuse de s’engager dans des opérations de combat et ne semble toujours pas décidé à doter son armée de moyens crédibles face aux crises. Son abstention à l’ONU lors du vote sur la crise libyenne s’inscrit dans une “culture de retenue” honorable, mais qui l’éloigne de ses partenaires américain et français, alors qu’il se rapproche des “nouveaux centres de pouvoir”, Russie ou Chine. Trop forte pour un repli sur soi, trop faible pour les attentes – parfois excessives – de ses partenaires, l’Allemagne demeure une “puissance malgré elle”. » [Nous surlignons.]

« Entre domination et effacement. La politique étrangère à la carte de la coalition chrétienne-libérale », par Hans Stark, Allemagne d’aujourd’hui, 2013/4, n°206.
Consultable intégralement et gratuitement sur la plateforme Cairn. 
Le troisième chapitre évoque en particulier une « double logique à la fois complémentaire et contradictoire, également renforcée sous le gouvernement de centre-droite : une politique de puissance indéniable sur le plan économique et commercial, au niveau à la fois européen et mondial, d’un côté, et une politique de déni de puissance toute aussi radicale en matière de sécurité et de défense de l’autre. »

Bilan et mise en perspective de la politique d’Angela Merkel

« Angela Merkel et l’Union européenne : quel bilan ? », par Boran Tobelem, site Toute l’Europe, 11 janvier 2022.
L’article dresse le bilan synthétique de la politique européenne de la chancelière, passée de l’intransigeance au compromis lors de la crise économique et financière de 2008. Il aborde également, plus largement, les grands axes de sa politique internationale envers les États-Unis, ainsi qu’avec la Chine et la Russie, les relations avec ces deux dernières étant résolument orientées par les intérêts économiques de l’Allemagne. 

« Allemagne/Union européenne : l’héritage ambigu d’Angela Merkel », par Paul Maurice, Politique étrangère, 2021/3.
Accès à l’article intégral à la Bpi, via Cairn.info.

« Angela Merkel achève son quatrième mandat à la tête de l’Allemagne. Si elle a fait de nombreuses déclarations prouvant son attachement au projet européen, son bilan en la matière paraît néanmoins contrasté. Au moment de la crise du Covid-19, elle a contribué à maintenir la cohésion de l’Union européenne (UE) et a accepté le principe d’une dette commune. Mais il lui a manqué une grande vision et des leviers d’action qui auraient permis de faire de l’UE un acteur plus fort sur la scène internationale. »

L’Allemagne trente ans après : 1989-2019
Boris Grésillon (chercheur au Centre Marc-Bloch de Berlin) et Christophe Strasse (professeur associé à l’université de Lille)
La Découverte, 2019

« […] le troisième mandat d’Angela Merkel se déroule dans un contexte moins favorable que les précédents et elle n’apparaît plus comme la leader incontestable de l’Union européenne. La question militaire, à travers l’adhésion à l’Otan, interroge aussi le rôle de l’Allemagne dans la politique internationale. »

Extrait de la présentation dans HAL, Archives ouvertes

« L’Allemagne s’interroge sur la responsabilité d’Angela Merkel dans l’escalade agressive de Vladimir Poutine », par Thomas Wieder, Le Monde, 29 mars 2022.
L’intégralité de l’article est consultable à la Bpi via Europresse
La politique d’Angela Merkel vis-à-vis de la Russie se voit éclairée et taxée a posteriori de « laxisme ». En févier 2022, Friedrich Merz, président de l’Union chrétienne-démocrate, allait jusqu’à qualifier la politique étrangère et de sécurité conduite par l’Allemagne et par l’Europe ces dernières années de « champ de ruines ».

« […] Mais l’ex-chancelière a toujours défendu l’idée selon laquelle l’intensification des échanges économiques avec la Russie était le meilleur moyen de rapprocher celle-ci de l’UE. Résumée par la formule “Wandel durch Handel” [changer par le commerce], celle-ci apparaît rétrospectivement comme naïve pour ne pas dire délétère. »

« Un “changement d’époque” ? Vers une réorientation de la politique étrangère allemande après l’invasion russe en Ukraine », par Paul Maurice (chercheur au Comité d’études des relations franco-allemandes (Cerfa) à l’Ifri), sur Ifri.org, 07 mars 2022.
La remise en cause actuelle de la politique étrangère allemande et de son « credo » éclaire la politique menée par Merkel et ses prédécesseurs.

Eurêkoi, Bibliothèque publique d’information

Publié le 09/05/2022 - CC BY-SA 4.0

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