Série

Appartient au dossier : Portraits d’artistes en exil

Portraits d’artistes en exil #1 : Luis Acosta Caceres

Luis Acosta Caceres est un peintre et potier né en 1961 à Caracas, au Venezuela. Contraint de fuir son pays pour des raisons politiques, il réside en France depuis 2018. Pour Balises, il retrace son parcours d’artiste et nous décrit l’une de ses œuvres, en écho au cycle « Migrants, réfugiés, exilés » organisé par la Bpi en 2022.

Une forêt et des petits animaux sur un fond bleu sombre
Dans la forêt, Luis Acosta Caceres, 2019 © Luis Acosta Caceres

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« Je m’inscris dans la tradition des arts populaires du Venezuela car je suis un artiste autodidacte. Quand j’avais environ dix ans, à côté de mon école, il y avait une jardinerie. Au fond du magasin, un homme faisait de la poterie. Chaque soir en sortant de l’école, je m’arrêtais pour le regarder car j’étais émerveillé par le tour de potier. Un jour, l’homme a fini par me donner un morceau d’argile à modeler. Plus tard, j’ai travaillé dans l’informatique, dans le secteur de la banque… jusqu’au jour où, vers 1983, j’ai acheté à nouveau un morceau d’argile. J’ai quitté mon travail et j’ai démarché les magasins de Caracas pour vendre mes créations.

Vers 1987, je me suis mis à peindre. En 1993, je suis parti dans une autre ville du Venezuela, Valencia, où j’ai aménagé mon atelier dans une friche industrielle. J’ai travaillé à la fois pour des boutiques, des galeries et des collectionneurs. En 2017, j’ai quitté le Venezuela pour des raisons politiques. Je suis parti chez un ami à Curitiba, au Brésil. C’était un voyage long et compliqué. Je suis resté un peu, puis j’ai continué mon voyage jusqu’en France, où l’une de mes sœurs habitait. Lorsque j’ai quitté le Venezuela, je n’avais qu’une petite valise et un sac à dos. J’avais peu de vêtements, mais j’ai pris des pinceaux et de la peinture.

Quand j’étais chez moi, les images que j’avais en tête correspondaient à la réalité de mon pays. Lorsque je suis parti, ces images sont restées en moi, elles faisaient partie de mon bagage. En France, j’espère trouver des images différentes car tout est nouveau. Chez moi au Venezuela, la nature est magnifique et très importante. Il y a une montagne et, derrière, se trouve la mer des Caraïbes : je sais que, de ce côté, c’est le nord. À Paris, je ne sais pas où se trouvent le sud ou le nord ! Je suis un peu perdu, comme si j’étais dans une forêt. En même temps, il y a plein de choses à découvrir, comme ces petits animaux qu’on voit sur le tableau si on regarde bien. Je peins directement sur une toile avec de l’acrylique, sans dessin préalable. Cela me demande du temps, de la patience. 

Un jour au Venezuela, quelqu’un m’a demandé lors d’une interview si je considérais que j’avais du succès. Je lui ai répondu que ça dépendait de ce qu’on entendait par succès. Si l’on considère que c’est posséder une maison sur la plage, des biens matériels… alors, peut-être que non. Mais si l’on considère que c’est vivre de son travail depuis des années, alors oui. Et puis, jamais je n’aurais imaginé quitter mon pays, ni venir en France. Pour moi aujourd’hui, le succès, c’est que je suis vivant et que je peux peindre. Demain, on verra. »

Publié le 28/02/2022 - CC BY-SA 4.0

Pour aller plus loin

La Maison des artistes en exil

La Maison des artistes en exil, située à Saint-Briac en Bretagne, se donne pour mission d’offrir un espace commun où des artistes en exil peuvent exprimer librement leur créativité, produire, exposer et vendre, grâce à des résidences d’une durée d’un mois. Le matériel spécifique à chaque discipline artistique est fourni selon les demandes formulées par les artistes et dans le limites des possibilités financières des accueillants.

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